Trois jours après le séisme dévastateur au sud de la Turquie et au nord de la Syrie, c’est une véritable course contre la montre qui est engagée pour retrouver les rescapés toujours ensevelis sous les décombres, alors que le bilan des victimes ne fait que grimper. Selon le dernier bilan, 17.500 morts sont à déplorer de la catastrophe en Turquie et en Syrie.

Les secours en Turquie et en Syrie poursuivaient jeudi leurs efforts dans un froid glacial, recherchant des rescapés dans les décombres. C’est une véritable course contre la mort qui est ainsi engagée dans l’espoir de retrouver le maximum de survivants dont les chances de survie s’amenuisent malheureusement au fur et à mesure que le temps passe. En Turquie, en dépit des lacunes décelées au niveau de la faiblesse de la gestion officielle de la catatrophe, la situation reste meilleure qu’en Syrie.

Très peu d’informations filtrent sur les opérations de secours dans ce pays, mais les témoignages recueillis par des correspondants révèlent une situation catastrophique. Selon un habitant de Jandairis, en zone rebelle, 400 à 500 personnes seraient sous les décombres de chaque immeuble effondré et seulement une dizaine de personnes déblaient, sans machines.

Le violent séisme qui a frappé lundi la Turquie et la Syrie a dépassé les 17.500 morts, selon un dernier bilan communiqué jeudi par les autorités dans les deux pays.

Quelque 14.351 personnes ont été tués en Turquie selon le vice-président turc Fuat Otkay et 3.162 personnes en Syrie selon les bilans officiels, ce qui porte à 17.513 le nombre total de victimes.

Les 72 premières heures sont cruciales pour retrouver des survivants, plus de 90% des rescapés étant secourus au cours de cette fenêtre, rappelle Ilan Kelman, chercheur en catastrophes naturelles à l’University College de Londres (UCL).

Sur le parking du principal hôpital de la ville d’Antioche, les corps alignés des victimes. (AFP)

Alors que les excavatrices s’affairent jour et nuit, la nouvelle chute des températures complique les secours et rend les conditions de vie infernales pour ceux des rescapés qui n’ont nulle part où aller. Les sans-abris sont nombreux et ne bénéficient pas d’aides, ce qui met en relief la faiblesse de la gestion officielle turque de la catastrophe.

Dans la ville turque de Gaziantep, les températures ont chuté jeudi à -5°C tôt dans la matinée. Des gymnases, des mosquées, des écoles et des magasins ont accueilli des rescapés pour la nuit. Mais les lits restent rares, et des milliers de personnes passent leurs nuits blotties à l’intérieur d’une voiture ou dans des abris de fortune.

" Nos enfants sont gelés ", s’indigne Ahmet Huseyin, père de cinq enfants, qui a été obligé de construire un tel abri près de sa maison détruite à Gaziantep, ville turque proche de l’épicentre du séisme de 7,8 qui a frappé la région.

Des " lacunes " 

" Nous avons dû brûler les bancs du parc et même certains vêtements des enfants. Il n’y avait rien d’autre ", ajouté ce père de famille. " Ils auraient pu au moins nous donner des tentes ", maugrée-t-il en allusion aux autorités turques.

En visite dans la région, le président Recep Tayyip Erdogan avait esquissé mercredi un mea culpa face à la montée des critiques. "Bien sûr qu’il y a des lacunes, il est impossible d’être préparé à un désastre pareil ", a-t-il estimé.

Depuis le tremblement de terre de lundi, la police turque a arrêté une douzaine de personnes pour des publications, sur les réseaux sociaux, critiquant la manière dont le gouvernement a géré la catastrophe.

Au moins 3.356 personnes sont mortes dans la province d’Hatay, soit plus du tiers des morts en Turquie retrouvés à ce stade. (AFP)

À Antioche (Antakya), dans la province d’Hatay, Rania Zaboubi slalome entre les corps déposés sur le bitume. Dans l’obscurité et le froid, elle ouvre un à un les sacs mortuaires à la recherche de son oncle, disparu dans le puissant séisme qui a fait lundi d’Antioche une ville martyre.

" Nous avons retrouvé ma tante, mais pas mon oncle ", lâche-t-elle d’une voix étranglée. Cette réfugiée syrienne, voile sombre et sabots aux pieds, a perdu huit membres de sa famille dans la tragédie. Sur le parking du principal hôpital de la ville, d’autres rescapés vérifient aussi les corps alignés, parfois à la limite de l’évanouissement.

Au moins 3.356 personnes sont mortes dans la province d’Hatay, soit plus du tiers des morts en Turquie retrouvés à ce stade.

Pour la Turquie, il s’agit du pire bilan depuis le séisme de 1999, d’une magnitude de 7,4 et qui avait fait 17.000 morts dont un millier à Istanbul.

23 millions de personnes exposées 

Au total, en comptant la Syrie, 23 millions de personnes sont " potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables ", a mis en garde l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Dans les zones où l’aide tarde à arriver, des survivants se sentent bien seuls. À Jandairis, en zone rebelle en Syrie, " même les immeubles qui ne se sont pas effondrés ont été très endommagés ", explique Hassan un de ses habitants qui veut rester anonyme.

Alors que les excavatrices s’affairent jour et nuit, la nouvelle chute des températures rend les conditions de vie infernales pour ceux des rescapés qui n’ont nulle part où aller. (AFP)

" Il y a environ 400 à 500 personnes piégées sous chaque immeuble effondré avec seulement dix personnes qui tentent de les sortir. Et il n’y a pas de machines ", ajoute-t-il.

Dans le village de Besnaya, à la frontière avec la Turquie, Malik Ibrahim déblaie sans relâche les décombres, à la recherche de trente membres de sa famille, tous ensevelis sous les ruines. Dix corps sans vie en ont déjà été retirés.

" Il reste vingt personnes sous les décombres. Je n’ai pas de mots, c’est une catastrophe. Nos souvenirs sont enterrés avec eux. Nous sommes un peuple sinistré dans tous les sens du terme ", confie cet homme de 40 ans.

Avec AFP