Cela fait quelque temps que la scène politique britannique ne cesse d’être en ébullition, notamment dans un contexte de chaos politique et de crise économique sévères frappant le pays. Le Parti conservateur ne fait pas exception à la règle, surtout qu’il est aujourd’hui miné par des dissensions profondes, fragilisant sa crédibilité et accessoirement son électorat. Pour cause, l’article publié le dimanche 5 février dans le Sunday Telegraph et rédigé par l’ancienne Première ministre Liz Truss laissant présager un " comeback " politique, a fait, dimanche, la une des journaux télévisés et a suscité de vifs débats. Simultanément, l’ancien Premier ministre Boris Johnson s’agite en coulisse depuis une semaine et fait de la cause ukrainienne sa lutte politique tout en exposant ses désaccords avec le gouvernement, de quoi accroitre la pression et agacer le Premier ministre actuel Rishi Sunak déjà fragilisé par une crise sociale qui dure.

Pour rappel, Boris Johnson a démissionné le 7 juillet 2022, acculé par son propre camp suite à des scandales à répétition ayant terni sa réputation et la crédibilité de son gouvernement. Ensuite est élue à la tête de l’exécutif britannique pour lui succéder Liz Truss, qui fut chassée du pouvoir 46 jours plus tard du fait de son plan économique et financier désastreux ayant causé la panique des marchés. En effet, celle-ci optait pour une vision thatchérienne, voulant réduire la fiscalité afin d’encourager les investissements, la production et donc la demande globale afin de stimuler la croissance économique. Cependant, elle fut trahie par une erreur de jugement capitale : réduire les impôts dans le cadre d’une inflation galopante et financer les dépenses publiques par des emprunts ne ferait qu’aggraver la hausse des prix ! Avec la chute vertigineuse de la livre sterling, elle fut forcée de laisser sa place à Rishi Sunak qui avait mis en garde Mme Truss quelques mois plus tôt contre sa " vision idéaliste et utopique ".

Néanmoins, Boris Johnson et Liz Truss sont tous deux sortis de leur silence médiatique. En effet, Boris Johnson n’avait pas totalement disparu, affichant de temps en temps son soutien indéfectible à l’Ukraine et au Brexit (dont il est le cerveau). Il avait même tenté de réaliser un retour politique suite à la démission de Truss avant de renoncer en dernière minute à la course de succession. Liz Truss, elle, avait fait totalement profil bas. Depuis un mois, Boris Johnson accroît son activisme en faveur de l’Ukraine, réclamant que le Royaume-Uni livre davantage d’armes, notamment des avions de combats. Suite à son intervention à Davos au World Economic Forum, à la mi-janvier, il s’est rendu à Kiev, s’affichant aux côtés du président Volodymyr Zelensky, renforçant son statut de farouche opposant à l’invasion russe en Ukraine. Enfin, la semaine dernière, à l’occasion d’une visite médiatisée à Washington, il a exhorté le gouvernement à consolider les aides à l’Ukraine.

Parallèlement, dans son éditorial pour le Sunday Telegraph, Liz Truss laisse présager un retour au premier rang de la scène politique. Elle accuse " l’écosystème économique orthodoxe " et " un manque de soutien politique " d’avoir causé sa chute et urge le Parti conservateur de revenir à ses racines en réduisant la fiscalité. Thèse totalement écartée pour le moment par le Premier ministre Rishi Sunak et le chancelier de l’Échiquier Jeremy Hunt qui " veulent d’abord lutter contre l’inflation ", selon Grant Shapps, membre du gouvernement qui estime que l’approche adoptée par Truss " n’était pas la bonne ". D’ailleurs, Liz Truss devait donner une interview lundi 6 février sur la chaîne YouTube du magazine The Spectator.

D’une part, les propos controversés de l’ancienne cheffe de l’exécutif furent largement critiqués sur les réseaux sociaux et dans les médias britanniques. C’est le cas par exemple de Gavin Barwell, l’ancien chef du cabinet de Theresa May qui s’est adressée sur son compte Twitter dimanche à Mme Truss : " Vous avez été renversés en l’espace de quelques semaines (6 semaines) parce que vous avez perdu la confiance des marchés financiers, de votre électorat et de vos propres députés. Dans un contexte de crise économique et sociale profonde, vous aviez pensé qu’il était prioritaire de réduire les impôts pour les plus riches", faisant allusion au mini-budget introduit par l’ancien chancelier de l’Échiquier Kwasi Kwarteng.

Charles Read, professeur à l’université de Cambridge, partage ce même point de vue et considère que " la crise du mini-budget était prévisible et évitable ". D’autre part, certains observateurs défendent la vision de Truss aussi désastreuse soit-elle pour l’économie. Matthew Lynn, journaliste au magazine The Spectator, estime que " le Trussonomics finira par triompher et chaque année qui passe le confirme de manière de plus en plus évidente ".

Ce chaos politique survient dans le cadre d’une crise économique sans précédent frappant le Royaume-Uni. En effet, la pays connaît une inflation s’élevant à 11,1% par rapport à janvier 2022. De plus, selon les prévisions du FMI, l’économie britannique sera la seule grande économie en récession avec une contraction de 0,6% du PIB, performance pire que la Russie visée par des sanctions économiques depuis l’invasion en Ukraine. Les factures énergétiques ont flambé, mettant sous pression entreprises et ménages. Ainsi, l’émergence de contestations populaires et de grèves fut inévitable, plongeant le pays dans un chaos total.

Ce qui est sûr, c’est que Boris Johnson et Liz Truss souhaitent peser dans les débats au sein des conservateurs à moins d’un mois du prochain budget et au moment où Rishi Sunak est en berne dans les sondages après 100 jours au pouvoir. Ainsi, selon le quotidien The Times "à moins de deux ans des prochaines élections, les prédécesseurs (de Sunak), quelque peu blessés, attendent impatiemment dans les coulisses" afin de reprendre le rôle principal.

Cependant, n’est-il pas temps de dépasser les banalités entre les conservateurs et de réunifier l’électorat autour du candidat le plus à même de mener la campagne de 2024 afin de redresser le pays et de faire barrage à un retour des travaillistes au pouvoir ?

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !