Un premier convoi d’aide est entré mardi vers les zones rebelles du nord de la Syrie huit jours après le séisme que l’Organisation mondiale de la Santé a qualifié de la " pire catastrophe naturelle en un siècle en Europe " et dont le bilan en Syrie et en Turquie dépasse désormais les 35.000 morts.

L’ONU a lancé mardi un appel aux dons de près de 400 millions de dollars pour aider les victimes en Syrie pendant trois mois, et devrait bientôt faire de même pour la Turquie.

Alors que les chances de retrouver des survivants deviennent quasiment nulles, la priorité est désormais l’aide aux centaines de milliers voire aux millions de personnes dont les logements ont été détruits par la secousse tellurique d’une magnitude de 7,8 qui a frappé le 6 février.

" Nous sommes les témoins de la pire catastrophe naturelle dans la région de l’OMS Europe en un siècle. Nous sommes aussi toujours en train d’en mesurer l’ampleur ", a constaté un responsable de l’OMS lors d’une conférence de presse.

Côté syrien, pour la première fois depuis 2020, un convoi d’aide est entré mardi vers les zones rebelles du nord du pays par le poste-frontière de Bab al-Salama avec la Turquie, a rapporté un journaliste de l’AFP.

Le convoi est composé de 11 camions d’aide humanitaire de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a indiqué un porte-parole de cette organisation onusienne à l’AFP à Genève.

La Syrie avait annoncé auparavant l’ouverture, pour une période initiale de trois mois, de deux nouveaux points de passage avec la Turquie pour accélérer l’arrivée de l’aide humanitaire.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a salué cette décision du président syrien Bachar al-Assad qui " va permettre à plus d’aide d’entrer, plus vite ".

Une délégation de l’ONU était parvenue mardi sur place afin d’évaluer les besoins de ces régions durement affectées, a constaté un correspondant de l’AFP.

La délégation était entrée par le poste-frontière de Bab al-Hawa (nord) avec la Turquie. La délégation s’était ensuite rendue dans un centre du Programme alimentaire mondial (PAM) à Sarmada, avant de se réunir avec des responsables locaux, selon le correspondant de l’AFP.

Les pompiers d’Ankara et les équipes de recherche et de sauvetage kirghizes fouillent les décombres des bâtiments effondrés à Kahramanmaras en Turquie (AFP)

Selon le ministère syrien des Transports, 62 avions chargés d’aide ont jusqu’à présent atterri en Syrie, dont un d’Arabie saoudite, une première depuis dix ans, d’autres étant attendus dans les heures et les jours à venir, en provenance en particulier du royaume.

En Turquie, selon le gouvernement, quelque 1,2 million de personnes ont été logées dans des foyers pour étudiants, plus de 206.000 tentes ont été dressées dans dix provinces et 400.000 sinistrés ont été évacués des régions dévastées.

A Antakya, l’Antioche de l’Antiquité, des toilettes ont été installées, au grand soulagement des rescapés qui en ont été privés pendant plusieurs jours, et le réseau téléphonique a été rétabli dans une partie de la ville.

Une forte présence policière et militaire était visible afin de prévenir les pillages, après plusieurs incidents durant le weekend, alors que beaucoup d’habitants se trouvaient dans un état de nécessité absolue.

Au dénuement matériel extrême s’ajoute la détresse psychologique, qui frappe de plein fouet les plus jeunes. Plus de 7 millions d’enfants — 4,6 en Turquie et 2,5 en Syrie — vivent dans les régions touchées, selon l’Unicef, qui craint que plusieurs milliers d’entre eux fassent partie des tués.

La ministre turque de la Famille Derya Yanik a déclaré lundi soir que 1.362 enfants non accompagnés ont été recensés dans les provinces touchées, dont 369 ont été remis à leurs familles.

Les équipes de secours continuent de rechercher les victimes et les survivants dans les décombres des bâtiments effondrés (AFP)

" Mes enfants ont été gravement affectés par le séisme ", explique à l’AFP Serkan Tatoglu, dont la femme et les quatre enfants âgés de 6 à 15 ans ont trouvé refuge dans un village de tentes dressées à côté du stade de la ville de Kahramanmaras.

" J’ai perdu une dizaine de membres de ma famille. Mes enfants ne sont toujours pas au courant mais la plus jeune est traumatisée par les répliques. Elle n’arrête pas de demander +Papa, va-t-on mourir?+ ", confie-t-il. " Avec ma femme, nous les serrons dans nos bras et leur disons +tout ira bien+ ".

Les espoirs de retrouver de nouveaux survivants sont désormais infimes.

Un jeune homme de 18 ans a été extrait vivant lundi après une semaine sous les décombres dans la province d’Adiyaman, ainsi que dans la province voisine de Kahramanmaras où des jumeaux ont été sortis par les sauveteurs qui ont pratiqué un tunnel de 5 mètres pour les atteindre.

A Kahramanmaras, un journaliste de l’AFP a vu lundi des secouristes retrouver un chien en vie sous les décombres.

Mais le bilan du tremblement de terre s’alourdit inexorablement et pourrait même doubler prévenait l’ONU dimanche: il s’élevait mardi en milieu de journée à 35.662 morts — 31.974 morts dans le sud de la Turquie, selon l’Afad, organisme public turc de gestion des catastrophes, tandis que les autorités ont dénombré 3.688 morts en Syrie.

" 72.663 personnes pourraient avoir perdu la vie et 193.399 personnes pourraient être blessées ", selon un rapport de l’association patronale Turkonfed publié lundi par les médias turcs. Le coût économique du séisme pourrait atteindre " 84,1 milliards de dollars ", a indiqué la même source.

Marie de La Roche Saint-André avec AFP