
En 12 ans de pontificat, le pape François, mort lundi à 88 ans, laisse un bilan diplomatique en demi-teinte, notamment sur le conflit en Ukraine et au Proche-Orient, explique à l'AFP François Mabille, directeur de l'Observatoire géopolitique du religieux et auteur du livre «Le Vatican: La papauté face à un monde en crise».
QUESTION: Quels ont été les principaux succès diplomatiques du pontificat?
RÉPONSE : Le premier, c'est la médiation réussie à Cuba (avec les États-Unis fin 2014, ndlr). Elle intervient dans un contexte favorable, la fin du régime castriste d'un côté, Obama au pouvoir de l'autre. C'était un conflit de l'ex-guerre froide, une sorte de conflit oublié, où tous les protagonistes voulaient sortir par le haut de 40 ans, 50 ans d'opposition. Le pape a joué sa partition en pré-négociation, et les deux parties ont remercié le Saint-Siège pour l'action de médiation. Donc ça, c'est effectivement un succès.
On pourrait y ajouter, même si la paix reste fragile, le soutien au processus de paix en Colombie, en 2016, et en République centrafricaine et au Congo, où on est plutôt dans un succès de diplomatie préventive.
Q: Sur le conflit en Ukraine, ses multiples appels à la paix sont tous restés lettre morte. Comment l'expliquer?
R: Il a échoué dans ses tentatives de médiation, mais jusqu'à présent, toutes les tentatives ont échoué. La tentative française, turque, chinoise, etc.
En revanche, les erreurs d'analyse du pape – et non pas d'ailleurs de sa diplomatie – sont plus préjudiciables. Il a fait des erreurs d'analyse considérables, y compris de compréhension: quand il dit que c'est une guerre entre chrétiens, c'est un non-sens complet.
Il n'a pas compris ce qu'était une médiation. Il a distribué encore en mai 2022 les mauvais points en parlant de l'OTAN qui avait aboyé aux portes de la Russie. La posture d'un médiateur, ce n'est pas ça.
Quand il proposait la reddition de l'Ukraine, là encore, il n'est pas à sa place. Et c'est une ingérence politique au sens strict, puisque faire la guerre, c'est quand même bien l'attribut de la souveraineté d'un État.
C'est un pape qui a beaucoup parlé de la nécessité du dialogue et qui, sans doute, s'est trompé. C'est un pacifiste. Et c'est une de ses limites: on ne peut pas dialoguer avec tout le monde ou, si l'on veut dialoguer avec tout le monde, tout le monde ne souhaite pas dialoguer.
Q: Sur le Proche-Orient, François est resté impuissant devant le conflit entre Israël et le Hamas. Quel bilan peut-on en tirer?
R : Sur Israël-Palestine, l'évolution majeure, c'est la reconnaissance de l'État palestinien (par le Saint-Siège en 2015, ndlr).
Le Saint-Siège, c'est une diplomatie préventive, une diplomatie de relais, mais qui, pour avoir des impacts, a besoin de s'appuyer sur d'autres diplomaties. Et quand ça n'est pas le cas, elle ne peut pas faire grand-chose.
Le Vatican s'est retrouvé sans véritable soutien.
D'un côté, vous avez les Américains qui sont pro-israéliens. Or le Saint-Siège, traditionnellement, veut le respect du droit international, ce qui signifie la solution à deux États. Et donc ça s'oppose à la politique américaine, trumpiste en tout cas, et à Jérusalem comme ville internationale. Donc, pas de soutien du côté américain.
Les relations avec la Russie étant, sinon rompues, en tout cas mauvaises, pas de possibilité de contrecarrer la politique américaine par l'approche russe.
Le troisième élément entrant en ligne de compte est l'effacement des chrétiens du Moyen-Orient, qui constitue déjà une minorité et dont on voit bien l'hémorragie, que ce soit en Syrie, au Liban, en Palestine.
Tout cela fait que le Saint-Siège n'a pas eu tellement de rôle dans le conflit. On se souvient que le pape avait réuni les deux responsables palestiniens et israéliens au début de son mandat. Dix ans plus tard, on voit où on en est.
Avec AFP
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