Puissances régionales, l’Iran et l’Arabie Saoudite sont engagés depuis longtemps dans une lutte d’influence tant religieuse que politique. Les deux pays ont cependant convenu de rétablir leurs relations diplomatiques rompues depuis 2016.

Les relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite, deux poids lourds du Moyen-Orient, sont tendues depuis des décennies en raison d’une rivalité religieuse et d’une lutte d’influence dans la région.

Vendredi, l’Arabie saoudite, royaume majoritairement sunnite, et l’Iran, république islamique majoritairement chiite, sont convenus de rétablir leurs liens rompus en 2016 et de rouvrir leurs missions diplomatiques respectives " dans les deux mois ". Voici un aperçu des relations tendues entre les deux pays avant leur détente.

Révolution iranienne, guerre

Après la création de la République islamique d’Iran en avril 1979 à la suite d’une révolte, les pays sunnites accusent l’Iran de vouloir " exporter " la révolution chez eux.

En 1980, l’Irak attaque l’Iran, déclenchant une guerre de huit ans au cours de laquelle l’Arabie saoudite soutient financièrement le régime irakien.

Des manifestants iraniens attaquent les missions diplomatiques saoudiennes en Iran, en 2016, après l’exécution par Ryad d’un important religieux chiite.
Pèlerins tués, liens rompus

En 1987, les forces de sécurité de La Mecque, en Arabie saoudite, répriment une manifestation anti-américaine non autorisée, organisée par des pèlerins iraniens. Plus de 400 personnes, pour la plupart iraniennes, sont tuées.

Des Iraniens en colère pillent l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran et, en 1988, Ryad rompt ses relations diplomatiques jusqu’en 1991.

Opposés en Syrie et au Yémen

Alors que les manifestations du Printemps arabe touchent la région en 2011, Ryad envoie des soldats à Bahreïn où les chiites protestent. L’Arabie saoudite accuse l’Iran d’attiser les tensions.

Les deux pays rivaux s’affrontent de nouveau en 2012, lorsque la crise syrienne éclate. L’Iran soutient le président Bachar al-Assad, tandis que l’Arabie saoudite soutient les rebelles.

Au Yémen, Ryad forme en 2015, une coalition arabe sunnite pour intervenir en faveur du président yéménite, tandis que Téhéran soutient les rebelles Houthis chiites.

En 2016, l’Arabie saoudite exécute pour " terrorisme " l’éminent religieux chiite Nimr al-Nimr. Les deux pays rompent de nouveau leurs relations.
Bousculade meurtrière à La Mecque

Une bousculade lors du grand pèlerinage annuel à La Mecque en 2015 fait environ 2.300 morts parmi les pèlerins étrangers, dont des centaines d’Iraniens.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, déclare que l’Arabie saoudite ne mérite pas de gérer les sites les plus sacrés de l’islam.

Liens à nouveau rompus

En 2016, l’Arabie saoudite exécute pour " terrorisme " l’éminent religieux chiite Nimr al-Nimr, l’un des fers de lance des manifestations antigouvernementales.

L’Iran est furieux. Des manifestants attaquent les missions diplomatiques saoudiennes en Iran. Ryad rompt de nouveau ses relations avec Téhéran.

Hezbollah, Qatar

La puissante milice chiite libanaise Hezbollah, alliée de l’Iran, est classée comme " terroriste " en 2016 par les monarchies arabes du Golfe.

En 2017, c’est depuis Ryad que le Premier ministre libanais, Saad Hariri, annonce sa démission, invoquant " l’emprise " de l’Iran sur son pays à travers le Hezbollah. Il se rétractera par la suite.

La même année, l’Arabie saoudite et ses alliés rompent leurs relations diplomatiques avec le Qatar, l’accusant d’entretenir des liens trop étroits avec l’Iran et de soutenir l’extrémisme, ce que Doha dément. L’Arabie saoudite et ses alliés rétablissent leurs relations en 2021.

En 2016, l’Arabie saoudite exécute pour " terrorisme " l’éminent religieux chiite Nimr al-Nimr. Les deux pays rompent de nouveau leurs relations.
Nucléaire iranien

En 2018, le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane (MBS), prévient dans une interview à la télévision américaine que si Téhéran se dote de l’arme nucléaire, " nous ferons de même dès que possible ".

MBS qualifie le guide suprême iranien de " nouvel Hitler ". " Il veut créer son propre projet au Moyen-Orient, un peu comme Hitler qui voulait s’étendre à l’époque ", affirme le prince héritier.

Rétablir les relations

Le 10 mars 2023, l’Arabie saoudite et l’Iran sont convenus de " reprendre les relations diplomatiques et de rouvrir les ambassades et les missions dans les deux mois ", selon une déclaration tripartite signée par Ryad, Téhéran et Pékin.

L’accord négocié par la Chine a été annoncé alors que les parties se trouvaient à Pékin depuis plusieurs jours pour des pourparlers.

Marie de La Roche Saint-André, avec AFP