La guerre d’Irak a commencé officiellement le 20 mars 2003 avec le déclenchement de l’opération "Iraqi Freedom" menée par une vaste coalition d’une cinquantaine d’États et forte de 330.000 hommes. Hormis les pays qui ont participé d’une manière " virtuelle ", le gros de la force d’invasion était formé de soldats britanniques et américains dont 250.000 militaires US, et ce, sans mandat de l’ONU.

Quels étaient les motifs de l’invasion de l’Irak et quel est le bilan de cette guerre?

L’invasion, visant à renverser le régime de Saddam Hussein, a conduit à une rapide défaite de l’armée irakienne, à l’arrestation des hauts responsables du régime et à la mise en place d’un nouveau gouvernement.

Les raisons officielles invoquées sont la lutte contre le terrorisme, le régime irakien étant supposément impliqué, selon Washington, par un hypothétique lien avec al-Qaëda, dans plusieurs attentats contre les États-Unis dont les attaques du 11 septembre 2001.

Il s’agit également d’une guerre préventive pour parer contre la menace d’utilisation des armes de destruction massive dont les États-Unis affirmaient à tort détenir les preuves de leur possession par le régime de Bagdad. Il en résulte la mort de 4.805 hommes du côté de la coalition et 85.694 du côté irakien.

Les États-Unis ont-ils atteint leurs objectifs ?

Si l’on veut évoquer les objectifs directs de cette guerre, et donc le renversement du régime de Saddam Hussein, la mission a été largement accomplie.

Cependant, concernant l’instauration d’un régime démocratique stable selon le modèle occidental qui pacifierait l’Irak, c’est un échec cuisant pour Washington. Au contraire, elle a ouvert la voie aux luttes intercommunautaires et interethniques qui persistent jusqu’à nos jours.

Simultanément, si les États-Unis ont lancé l’invasion de l’Irak en 2003 afin d’améliorer leur crédibilité et se poser en tant qu’acteur politique respecté par tous dans la région, leurs objectifs n’ont pas été atteint.

En effet, la réputation de Washington a longtemps été ternie par les mensonges de l’administration Bush qui affirmaient détenir les preuves de présence d’armes de destruction massive en Irak, et dont le président américain lui-même affirmera en 2008 lors d’une interview accordée à la chaîne ABC News que "les renseignements américains s’étaient trompés".

Mais, malgré le retrait précipité des forces américaines en 2011, les États-Unis gardent une grande influence sur la scène politique irakienne, tant sur le plan financier que sur le plan militaire.

D’une part, les Américains conservent jusqu’aujourd’hui un droit de regard sur le budget national irakien. En effet, les fonds permettant de financer les dépenses de l’État doivent obligatoirement passer par la Federal Reserve Bank (La banque centrale américaine). Ceci est valable également sur les avoirs irakiens à l’étranger.

D’autre part, sur le plan militaire, Washington détient de nombreuses bases officielles et d’autres non déclarées sur le sol irakien dans le cadre de la coalition anti-Daech formée en 2014. Sans compter que l’équipement de l’armée irakienne est majoritairement américain et les militaires irakiens sont formés par les instructeurs américains.

Est-il vrai que l’Iran est le premier gagnant de la guerre?

Si le régime de Saddam Hussein s’entendait, peu ou prou, avec celui du chah d’Iran Mohammad Reza Pahlavi (officialisant leur alliance par les accords d’Alger signés en 1975), la Révolution Islamique en 1979 avait changé la donne. En effet, après l’arrivée de l’Ayatollah Khomeini au pouvoir, Saddam Hussein envahit l’Iran en 1980, prétextant un vieux litige frontalier pour prendre le contrôle d’importantes ressources pétrolières.

Cependant, la guerre durera huit ans, épuisant les deux pays et emmenant plus tard Saddam à envahir le Koweït pour mettre la main sur ses puits de pétrole afin de redresser ses finances.

Ainsi, par le renversement de Saddam Hussein, les Américains ont aidé à éliminer un rival de taille à l’Iran, et un potentiel danger pour la pérennité du régime des mollahs.

Aujourd’hui, l’Iran est plus que jamais impliqué dans la politique intérieure irakienne, grâce à la majorité chiite longtemps réprimée par les sunnites au pouvoir.

Téhéran partage donc, avec les États-Unis, son pouvoir de décision à Bagdad, profitant au passage de l’appui du " Cadre de Coordination ", une formation regroupant les factions pro-iraniennes. D’ailleurs, Téhéran se vante d’avoir quatre capitales arabes sous son contrôle: Beyrouth, Damas, Sanaa et Bagdad.

Est-il vrai qu’Israël se retrouve plus en sécurité depuis l’élimination de Saddam?

À l’époque de Saddam Hussein, l’Irak jouissait d’une puissance militaire incontournable avec une armée forte d’environ deux millions d’hommes en 1990. Saddam se vantait d’avoir " la 4e puissance militaire mondiale " en termes d’effectifs.

Issu du parti Baas, dont l’idéologie allie le socialisme au panarabisme, Saddam Hussein s’est posé en défenseur de la cause palestinienne, refusant l’existence de l’État d’Israël.

Par ailleurs, le leader irakien avait lancé un programme nucléaire en coopération avec l’URSS et puis la France à des " fins civiles ", selon la version officielle.

Néanmoins, Israël, soupçonnant Bagdad de vouloir développer l’arme nucléaire, lance un raid aérien en 1981 pour détruire le réacteur nucléaire "Osirak".

Plus tard, lors de l’invasion du Koweït en 1991, suivie par l’opération "Tempête du Désert" pour libérer l’émirat, l’Irak avait lancé 39 missiles balistiques dont une vingtaine sur Tel Aviv, espérant mobiliser l’opinion publique arabe en sa faveur. Aujourd’hui, Israël se retrouve délivré d’un ennemi dangereux, sitôt remplacé par l’Iran et ses velléités nucléaires.

Comment la Syrie a-t-elle réellement profité de la guerre?

Les régimes de Assad et de Saddam Hussein se disputent le leadership baasiste, ce qui fait d’eux des frères ennemis. L’élimination du régime de Saddam Hussein débarrassera Damas d’un rival et d’un voisin très encombrant, agressif et belliqueux.

La Syrie ira jusqu’à participer à la coalition internationale, même toute dirigée par les Américains qu’elle soit, pour déloger Saddam du Koweït. Un calcul gagnant puisque Assad profitera des largesses du Koweït après sa libération.

Cependant, le régime syrien se retrouvera avec les Américains pour voisins à partir de 2003. Un géant militaire et principal défenseur de l’État hébreu contre qui la Syrie a mené trois guerres.

Actuellement, l’Irak est-il dans une meilleure situation qu’auparavant?

L’invasion américaine de 2003 se solde rapidement par la chute du régime de Saddam Hussein. Après avoir pris le contrôle du pays, Washington dissout précipitamment l’armée irakienne, provoquant la dislocation de l’appareil de l’État. La chute du régime et le renvoi de centaines de milliers de militaires a entrainé la création de milices selon l’appartenance communautaire.

Ceci a exacerbé des tensions communautaires et ethniques, et provoqué une instabilité politique et sécuritaire dont les États-Unis peineront à rétablir.

L’administrateur civil américain en Irak, Paul Bremer, dissout le parti Baas et interdit à ses responsables l’accès aux fonctions publiques, s’aliénant ainsi une grande partie de la communauté sunnite. Dans une interview accordée au quotidien Asharq al-Awsat dimanche dernier, il déclare regretter ses deux décisions.

Rapidement, une résistance armée s’est formée dans les régions à majorité sunnite (traditionnellement baasistes), furieuse de se voir dépouillée d’un pouvoir sans partage depuis des décennies au profit des chiites et, dans une moindre mesure, des Kurdes.

Quant aux chiites, qui, au départ, ont accueilli les Américains en libérateurs d’un régime particulièrement oppresseur à leur égard, n’ont pas tardé à se retourner contre eux.

Voulant étendre leur sphère d’influence et renforcer leur position sur la scène politique, ils réclameront le retrait de l’armée américaine, désormais perçue comme force d’occupation.

La contestation contre la présence américaine dans la région a été évidemment encouragée par les Iraniens et les Syriens. Damas et Téhéran voulaient se débarrasser au plus vite des Américains qui représentent, jusqu’à nos jours, une menace pour leurs régimes respectifs.