La normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran porte ses premiers fruits: une vaste opération d’échange de prisonniers a débuté vendredi au Yémen entre camps ennemis, alors que l’Arabie saoudite cherche à négocier une trêve avec les rebelles dans ce pays ravagé par la guerre. Ryad, qui soutient le gouvernement officiel yéménite, est en confrontation indirecte avec Téhéran, qui soutient les rebelles houthis de confession zaydite, une branche du chiisme.

Une vaste opération d’échange de prisonniers a débuté vendredi au Yémen entre camps ennemis, a annoncé le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), au moment où l’Arabie saoudite cherche à négocier une trêve avec les rebelles dans ce pays ravagé par la guerre.

Sous la supervision du CICR, un avion en partance de Sanaa, la capitale contrôlée par les rebelles Houthis, a rejoint Aden, où siège temporairement le gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite. Un autre avion est parti peu après d’Aden pour Sanaa.

Fin mars, le gouvernement reconnu par la communauté internationale et les rebelles avaient conclu un accord à Berne, en Suisse, pour échanger plus de 880 prisonniers incluant des Saoudiens et des Soudanais. La dernière opération de cette ampleur remonte à octobre 2020, lorsque plus de 1.000 prisonniers avaient été libérés.

L’Arabie saoudite voisine intervient au Yémen depuis 2015 pour appuyer les forces progouvernementales contre les Houthis, des rebelles soutenus par l’Iran, et qui, en huit ans de conflit, se sont emparés de vastes pans du territoire du Nord et de l’Ouest de ce pays le plus pauvre de la péninsule arabique.

L’accord de Berne avait été conclu après un réchauffement inattendu des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran, deux poids lourds du Golfe qui s’opposent sur divers dossiers, et parfois même par camps interposés dans les conflits du Moyen-Orient, comme au Yémen ou en Syrie.

Dans ce contexte, l’Arabie saoudite accueille vendredi une réunion de plusieurs pays arabes pour discuter d’un possible retour de la Syrie, soutenue par l’Iran, au sein de la Ligue arabe dont elle a été exclue depuis la violente répression de la révolte en 2011.

A l’aéroport de Sanaa et d’Aden, les familles de proches de prisonniers les attendaient avec impatience. " Mon fils est détenu depuis 2018 ", a raconté à l’AFP un habitant de Sanaa, Abdallah Al-Hajouri: " Ca fait cinq ans maintenant. Il me manque tellement ". " Des milliers d’autres familles attendent toujours d’être réunies ", a rappelé l’émissaire de l’ONU pour le Yémen, Hans Grundberg, tout en saluant l’opération qui a débuté vendredi.

 

La guerre au Yémen provoqué l’une des pires crises humanitaires au monde, avec des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés, dans un contexte d’épidémies, de manque d’eau potable et de faim aiguë. Plus des trois quarts de la population dépendent d’une aide internationale qui ne cesse pourtant de diminuer.

Le processus d’échange de prisonniers doit se dérouler sur trois jours dans diverses régions du Yémen et de l’Arabie saoudite, a précisé dans un communiqué le CICR.

Jeudi, une délégation saoudienne est repartie de Sanaa avec un " accord préliminaire " de trêve et la promesse de " nouveaux pourparlers ", selon un responsable rebelle qui a souhaité garder l’anonymat.

Selon des sources du gouvernement yéménite, qui ont requis l’anonymat, les discussions portent sur une trêve de six mois ouvrant la voie à une période de pourparlers de trois mois au sujet d’une transition qui durera deux ans, au cours de laquelle la solution finale sera négociée entre toutes les parties.

La trêve doit permettre de répondre aux deux exigences principales des rebelles: le paiement par le gouvernement des salaires des fonctionnaires dans les zones rebelles et la réouverture de l’aéroport de Sanaa, strictement contrôlé par l’aviation saoudienne.

Roger Barake, avec AFP