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Le retour du régime syrien au sein de la Ligue arabe a surpris plus d’un, qui étaient pour la plupart solidaires du peuple syrien, même avant la révolution de 2011.  Mais la réintégration intégrale de Bachar el-Assad est un long processus conditionné par les exigences posées par les Arabes à la Syrie.

La première de ces exigences est d’arrêter totalement la production du Captagon et son exportation au-delà des frontières, notamment à partir de la Jordanie jusqu’à la péninsule arabique. Il est notoire que le narcotrafic constitue une manne non seulement pour le régime syrien, mais aussi pour l’Iran en raison de l’implication du Hezbollah dans ce trafic à travers le monde, comme l’a révélé, il y a quelques mois, le célèbre documentaire diffusé sur Arte, "Hezbollah, l’enquête interdite". Cependant, la réceptivité de la Syrie quant à cette demande précise pourrait rester limitée et temporaire, voire un bravado au début.

La deuxième exigence est liée au retour des réfugiés syriens, surtout des pays avoisinants, tels que la Jordanie, le Liban et la Turquie. Dans ce contexte, on est en passe de se demander si ce déplacement forcé des Syriens, notamment sunnites, suit un plan déterminé visant à modifier la démographie du pays en faveur du régime alaouite. D’autre part, ce déplacement forcé pourrait également servir les visées expansionnistes de l’axe iranien et l’implémentation du fameux croissant chiite.

Ce plan présumé de " remplacement " est accrédité par un rapport d’experts des Nations Unies et d’organisations internationales qui assurent que "les sunnites représentaient 80 % de la population syrienne, contre 55 % aujourd’hui, y compris les déplacés à l’intérieur du pays". Sans omettre le demi-million de convertis au chiisme, à en croire certaines sources.

Il va sans dire que le déplacement massif n’a pas été fait pour être défait, ni pour remettre en question le plan global fomenté par l’Iran depuis la création de sa République islamique. Par ailleurs, Bachar el-Assad ne voit pas l’intérêt de rapatrier 7 millions de Syriens du Liban, de Turquie et de Jordanie, et d’augmenter le poids financier qui en découlerait et qui viendrait s’ajouter à la crise économique qui l’étouffe déjà.

Ajoutons à tout cela le fait que la revendication portant sur le retour des déplacés occulte la question de leur protection face au régime, au vu des chiffres qui indiquent que ce dernier aurait tué environ un demi-million de Syriens, sans compter le quart de million de détenus et de disparus. La "Syrie utile", dans les calculs du régime et de l’Iran, est très différente de celle de la Syrie d’avant la révolution.

Le retrait des troupes étrangères de la Syrie constitue la troisième exigence. Ce sujet est cependant lié à des enjeux internationaux et dépasse de loin le régime syrien. Les alliés du régime qui n’ont pas fourni leur aide gratuitement dans le seul but d’empêcher la chute du régime et qui sont engagés dans une guerre qui dure depuis plus de dix ans, demandent évidemment une compensation dans la perspective de la reconstruction de la Syrie.

Ajoutons à tout cela les enjeux stratégiques dans lesquels s’inscrit le bras de fer entre la Russie et les États-Unis d’un côté, et le partage d’influence entre la Turquie et l’Iran, de l’autre.

Ces faits constituent des obstacles non négligeables. Ils pourraient compromettre la politique du pas à pas mise en place par les pays arabes pour réintégrer le régime syrien dans l’espoir d’en améliorer le comportement et de trouver une solution arabe pour l’aider à mettre fin à la guerre et reconstruire le pays.