Annoncée en grande pompe par la Russie le 20 mai, la chute de Bakhmout, après plus de 9 mois de combats, n’aura désormais qu’une portée symbolique. Les importantes ressources consacrées à sa prise pourraient cruellement manquer Moscou pour résister à une contre-offensive ukrainienne imminente.

La prise de Bakhmout revendiquée par la Russie est une victoire en trompe-l’œil, estiment des experts anglo-saxons, car les forces de Kiev ont gagné du terrain autour de la ville et contraint l’adversaire à de coûteux combats juste avant une contre-offensive ukrainienne majeure.

Théâtre de la bataille la plus longue et la plus meurtrière de la guerre débutée en Ukraine en février 2022, Bakhmout est dévastée et depuis samedi, la Russie affirme avoir pris les derniers quartiers qu’elle ne contrôlait pas encore.

Vraie ou pas -le président Volodymir Zelensky a démenti la capture la ville-, cette victoire revendiquée n’apporte à la Russie aucun gain territorial significatif permettant de relancer son offensive ou de défendre ses positions, estiment les experts.

Moscou a aussi dû mobiliser beaucoup de troupes supplémentaires sur ce point du front alors que les forces ukrainiennes ont, elles, regagné du terrain sur plusieurs kilomètres au nord et au sud de la ville en mai.

Ces attaques sur les flancs de Bakhmout " ont forcé les troupes russes à allouer de précieuses ressources militaires (…) comme le commandement ukrainien le souhaitait ", estime le groupe de réflexion américain Institut for the study of war (ISW).

" Les Ukrainiens avaient besoin, premièrement, d’affaiblir autant que possible les Russes avant leur contre-offensive, et deuxièmement de gagner du temps pour être prêts ", estime Phillips O’Brien, professeur d’études stratégiques à l’université écossaise de Saint Andrews.

Le calendrier et l’objectif de la grande contre-offensive ukrainienne alimentent les spéculations depuis des mois, Kiev n’en ayant pratiquement rien dit, si ce n’est qu’elle avait besoin de plus d’armes.

Dans le même temps, la Russie a renforcé des centaines de kilomètres de lignes de front avec des concentrations de blindés, des tranchées et des troupes.

Comme les combats devraient avoir lieu après des livraisons significatives d’armes occidentales, le succès ou l’échec de la contre-offensive pèsera lourd sur la suite du conflit et le type de paix qui pourra être négociée.

Il est difficile de savoir si les renforts russes envoyés à Bakhmout ont créé des trous dans le dispositif russe mais selon M. O’Brien les Ukrainiens vont certainement tenter de prendre pour cible les points " où ils pensent que les Russes sont les plus faibles ".

A l’offensive sur le front diplomatique, le dirigeant ukrainien a multiplié les déplacements à l’étranger ces dernières semaines, pour plaider sa cause et demander des armes plus lourdes, jusqu’au sommet du G7 où il a été l’invité vedette samedi et a gagné une démonstration du soutien occidental.

Il a ainsi engrangé notamment la promesse de davantage de missiles du Royaume-Uni et de nouvelles livraisons d’armes pour plusieurs milliards d’euros de l’Allemagne, tandis que le soutien européen s’accentue.

Sur le terrain, la nouvelle de la prise de Bakhmout a été accueillie avec scepticisme et des haussements d’épaule dans les rangs ukrainiens.

Malo Pinatel, avec AFP