Longtemps pratiqué parmi la population chrétienne d’Irak, le syriaque a vu son utilisation décliner au fil de l’exil de ses locuteurs. De nos jours, quelques-uns d’entre eux font leur possible pour maintenir cet idiome au sein de la communauté.

Chez eux ou à l’école, les chrétiens d’Irak ont pratiqué au quotidien différents dialectes syriaques des siècles durant. Entre conflits et exils, la communauté s’est dispersée, mais quelques irréductibles tentent de préserver cette langue millénaire.

Forte de plus de 1,5 million de personnes en 2003 –soit 6% de la population avant l’invasion américaine de l’Irak– la communauté chrétienne s’est réduite comme peau de chagrin à quelque 400.000 âmes. Beaucoup ont fui les violences qui ont ensanglanté leur pays.

Pratiquée depuis deux millénaires par les églises d’Irak, du nord de la Syrie ou du sud de la Turquie, la langue syriaque est " quelque peu mise de côté ", admet Kawthar Najib Askar.

Si les premières écrits en syriaque datent du premier ou deuxième siècle avant notre ère, " la langue connaît son apogée entre le Ve et le VIIe siècle ", rappelle M. Askar.

A l’époque c’était une langue profane, utilisée dans les administrations, en littérature, en sciences. Avec l’arabisation progressive des populations, le syriaque a entamé son déclin dès le XIe siècle.

Aujourd’hui, " l’émigration " met la langue en péril, reconnaît l’universitaire. Quand les familles s’installent à l’étranger, la première ou la deuxième génération continuent à pratiquer le syriaque, mais rarement la troisième.

Aujourd’hui 1.700 manuscrits et 1.400 livres sont conservés au Centre numérique des manuscrits orientaux à Erbil, où ils sont en cours de numérisation, après avoir été restaurés, pour " préserver le patrimoine et en garantir la pérennité ", explique à l’AFP l’archevêque Michaeel Najeeb.

Certains ouvrages datent du XIe ou XIIe siècle, confie-t-il. Et le centre, ouvert aux chercheurs qui étudient la langue et son histoire, bénéficie d’un soutien de l’Unesco, l’Agence américaine de développement USAID, et l’ordre des Dominicains.

Dans une école publique de la localité chrétienne de Qaraqosh, près de Mossoul, des panneaux pédagogiques en arabe et en syriaque se côtoient sur les murs. Devant leur enseignant Salah Sarkis Bakos, les collégiens sont penchés sur des manuels en syriaque.

Cela fait 18 ans que la langue a été introduite comme option. " Elle représente notre histoire, notre langue originelle au pays des deux fleuves ", s’enthousiasme le professeur Bakos.

Malgré son amour pour la langue, difficile de rester optimiste face à " l’indifférence " de la nouvelle génération. " Même les parents nous disent que c’est une langue morte qui ne sert à rien ", déplore l’enseignant de 59 ans.

Malo Pinatel, avec AFP