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Peu de temps après le départ du Secrétaire d’État américain Antony Blinken de Riyad, où il a eu récemment des discussions avec les dirigeants du royaume, la capitale saoudienne a accueilli la dixième édition de la Conférence des hommes d’affaires arabes et chinois. Cet évènement a réuni des dizaines de chefs d’entreprise de haut niveau et a été marqué par la signature de 30 accords d’un montant de 10 milliards de dollars, couvrant les secteurs de la technologie, des énergies renouvelables, de l’agriculture, de l’immobilier, des minéraux, des chaînes d’approvisionnement, du tourisme et des soins de santé.

Malgré les changements qualitatifs dans la nature des relations commerciales entre certains pays arabes, en particulier l’Arabie saoudite, et la Chine, portés par ces avancées économiques, il est crucial de ne pas négliger un aspect politique étroitement lié aux bouleversements majeurs que connaissent les relations internationales ainsi que l’avenir du rôle des Américains sur la scène internationale.

Il existe un débat sous-jacent intense au sein des cercles politiques et diplomatiques US concernant le grand retrait américain à l’échelle internationale. Certaines parties décrivent, en effet, la diplomatie US comme " froide ", voire lente et incapable de suivre le rythme exponentiel des événements mondiaux.

D’autres estiment que ladite diplomatie n’a pas réussi à réaliser ne serait-ce qu’une très légère avancée positive dans les conflits en cours dans le monde. A titre d’exemple, la guerre russo-ukrainienne qui, selon de nombreux observateurs, a été une violation par Moscou des lignes rouges. Effectivement, Washington et l’Europe fournissent un soutien militaire massif à Kiev, ce qui lui permet de résister, voire de se défendre, engendrant de lourdes pertes humaines et des conséquences économiques majeures. Toutefois, cette situation prolonge le conflit et ternit l’image du leadership unilatéral de Washington que les USA ont cherché à consolider depuis des décennies.

À cela s’ajoute la question du conflit israélo-palestinien que Washington a peu pris en compte, à l’exception de quelques positions timides qui ne sont pas à la hauteur de ce conflit endémique. De plus, l’Administration US s’est accrochée à son soutien total à Israël, sapant de ce fait l’opportunité politique de jouer un rôle de médiateur en ravivant la conférence de Madrid (1991).

Quant à l’accord saoudo-iranien conclu sous l’égide de la Chine, ce fut un message dur pour Washington. En effet, d’une part, il a été conclu avec un adversaire qui est la cible de sévères sanctions américaines; et d’autre part, la Chine, qui a jusqu’à présent adopté une diplomatie calme, en particulier au Moyen-Orient, et s’est tenue à l’écart des conflits, a inopinément facilité un accord politique entre deux ennemis acharnés dont les relations sont au plus bas.

Les relations saoudo-américaines n’ont jamais connu une telle période de froid. Washington n’a peut-être pas pris en compte le fait que Riyad pourrait s’écarter de ses voies traditionnelles ou s’appuyer sur son principal rival, la Chine, pour conclure des règlements politiques. De ce fait, les domaines d’influence que conserve Washington dans le cadre de sa relation avec Riyad sont limités.

Il est clair que les discours exagérés sur un prétendu déclin américain dépassent le cadre temporel et logique. Washington reste une puissance omnipotente dans le monde, avec des capacités militaires et économiques considérables. Cependant, s’il ne se dépêche pas de remédier à ses revers, son déclin se poursuivra à plusieurs niveaux.

En résumé, les grandes puissances s’affrontent violemment, les peuples en paient le prix, et personne ne se pose de questions.