Avec la reprise des voyages internationaux à mesure que les frontières se sont rouvertes après la pandémie de Covid-19, la demande de renouvellement de passeports s’est transformée aux Etats-Unis en un cauchemar administratif.

Certains en viennent à des choix radicaux, à l’instar de Nile Khow, 20 ans, venu spécialement à New York à plus de 2.600 km de Houston, où il vit, afin de récupérer son passeport à temps pour attraper un avion partant quelques heures plus tard pour Londres.

Son père a pu lui obtenir un rendez-vous in extremis avant le départ. " Je ne sais pas comment il a fait ", se réjouit le jeune homme en sortant du Bureau des passeports, où il doit repasser à 17H00 pour récupérer le sésame, juste à temps pour son vol.

Devant le bâtiment administratif, des dizaines de personnes attendent leur tour, certains devant se rendre en urgence à l’étranger après la mort d’un proche ou pour un voyage d’affaires, quand ce ne sont pas tout simplement leurs vacances qui sont en jeu.

De l’avis de David Alwadish, cofondateur d’itseasy.com, entreprise qui réalise des démarches administratives comme le renouvellement de passeports, les difficultés rencontrées sont liées à une conjonction de facteurs.

" On a l’impression que tous les Américains ont décidé de renouveler leur passeport et de voyager en même temps ", explique-t-il à l’AFP, ajoutant: " En quarante ans, je n’ai jamais vu ça. "

A ce pic de demandes post-pandémie s’est ajoutée selon lui la mise en place d’un nouveau système informatique dédié aux renouvellements en ligne, qui ne répondait pas aux exigences de sécurité et a donc dû être suspendu momentanément.

Le département d’Etat estimait en mars dernier qu’il faudrait compter 10 à 13 semaines pour un renouvellement ou une demande de nouveau passeport, ou 7 à 9 semaines avec la procédure accélérée, moyennant 60 dollars de plus. Un délai deux fois plus important qu’avant la pandémie.

Depuis le début de l’année, près de 500.000 demandes ont été déposées en moyenne chaque semaine, a souligné le secrétaire d’Etat Antony Blinken devant une commission du Congrès, soit 30% de plus qu’en 2022, pourtant année record avec 22 millions de passeports délivrés.

Cette " demande sans précédent " intervient alors que le ministère a dû " rebâtir " un service presque totalement démantelé durant la pandémie, a reconnu M. Blinken, les employés ayant été affectés à d’autres tâches administratives.

Le département d’Etat incite donc les citoyens à " vérifier la date de validité de leur document et à le renouveler " suffisamment tôt par rapport à leur départ prévu.

Car beaucoup de pays requièrent une validité d’au moins six mois après la date de retour de voyage, rappelle M. Alwadish.

Afin d’obtenir un passeport en un jour, certains Américains n’hésitent pas à recourir aux services d’entreprises privées et à débourser plusieurs centaines de dollars, voire 2.500 dollars pour l’ensemble de la procédure, afin d’obtenir un rendez-vous normalement gratuit.

Ceux qui ne peuvent pas payer se retrouvent à faire longuement la queue, comme Linda, 46 ans, qui a pourtant débuté en avril les démarches pour elle et sa famille.

" Nous avons reçu les nôtres par courrier en juin, mais pas ceux de nos enfants ", explique-t-elle, désespérée, la veille de leur départ pour Aruba, une île des Caraïbes.

" Ça ne se passait pas comme ça avant ", souligne-t-elle, remontée.

Pour Antony Blinken, le salut pourra venir du service en ligne qui, une fois opérationnel, pourra, il l’espère, traiter au moins 60% des demandes.

Georges Haddad, avec AFP