Le cap symbolique des 500 jours est franchi alors que Kiev est en guerre contre l’invasion russe. Le président Zelensky a célébré le " courage " de son peuple en se rendant sur l’île des Serpents, un lieu emblématique de la résistance ukrainienne. Auparavant, Zelensky a prié samedi au côté du patriarche orthodoxe Bartholomée à Istanbul et, surprise, il est rentré en Ukraine accompagné des commandants du régiment Azov qui devaient rester en Turquie à la faveur d’un accord entre Moscou et Kiev. La libération de ces militaires a déclenché l’ire du Kremlin.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en visite à Istanbul, a prié samedi au côté du patriarche orthodoxe Bartholomée pour les victimes de la guerre avec la Russie, entrée dans son 500e jour.

M. Zelensky, qui a rencontré vendredi soir le président turc Recep Tayyip Erdogan, s’est rendu samedi matin au siège du patriarcat œcuménique de Constantinople, sur la Corne d’Or à Istanbul.

Après une courte prière pour les victimes du conflit qui meurtrit l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022, les deux hommes se sont entretenus à l’écart des caméras.

Zelensky et le Primat Bartholomée au siège du patriarcat orthodoxe de Constantinople, dans le quartier historique de Fener, samedi à Istanbul. (AFP)

" Notre combat dure depuis déjà 500 jours, depuis le début de l’invasion à grande échelle. Nous avons reçu ici le soutien de Sa Sainteté et des prières pour nos combattants, notre nation, notre peuple, pour la vie en Ukraine ", a déclaré M. Zelensky à l’issue de l’entretien, se disant " très reconnaissant à Sa Sainteté d’être avec nous ".

Élu en 1991, le patriarche Bartholomée exerce une primauté honorifique et historique sur les autres patriarches du monde orthodoxe. Il est " premier parmi ses égaux ": cela ne lui donne pas le droit d’intervenir dans les affaires religieuses des autres Églises orthodoxes, mais lui confère une préséance spirituelle et protocolaire.

Le patriarche, qui a reconnu en 2018 l’Église indépendante d’Ukraine, affirmait l’an dernier être devenu " une cible pour Moscou ".

L’attribution par le patriarcat œcuménique de Constantinople du statut d’Eglise " autocéphale ", c’est-à-dire indépendante, à l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, a mis la Russie en colère au point qu’elle veuille s’en prendre à lui, avait-il expliqué.

L’île des Serpents
Un bâtiment et du matériel militaire russes détruits sur l’île des Serpents. (AFP)

Pour marquer le 500e jour d’un conflit qui a tué plus de 9.000 civils selon l’ONU, le président ukrainien s’est rendu sur l’île des Serpents, dont Moscou s’était emparé peu après le début de l’invasion le 24 février 2022 avant de devoir l’abandonner.

Le contingent ukrainien qui stationnait sur ce petit caillou au début de l’invasion avait refusé de se rendre et avait intimé au navire de guerre russe Moskva " d’aller se faire foutre ", au cours d’un échange radio devenu culte et érigé en symbole de la résistance de Kiev.

Ces soldats ukrainiens avaient certes fini par être capturés avant d’être échangés avec des prisonniers russes. Mais le Moskva avait coulé en mer Noire après avoir été touché, selon Kiev, par des missiles ukrainiens. Moscou avait abandonné l’île en juin 2022.

Sur le terrain, une frappe russe sur l’important nœud ferroviaire de Lyman, repris en octobre par Kiev, a fait au moins huit morts et 13 blessés samedi, selon le ministère ukrainien de l’Intérieur.

Vendredi, le président ukrainien a obtenu de Washington de lui livrer des bombes à sous-munitions, qu’il a qualifiées d' "indispensable programme d’aide ".

Les Etats-Unis ont ainsi franchi un pas supplémentaire dans leur soutien à l’Ukraine en acceptant de fournir à son allié ces armes interdites dans de nombreux pays, qui tuent à l’aveugle en dispersant des petites charges explosives avant ou après l’impact et accusée de faire de nombreuses victimes civiles collatérales.

La Russie a dénoncé samedi cette décision comme un " aveu de faiblesse " face à " l’échec " de la contre-offensive ukrainienne. Moscou a estimé que Washington se rend ainsi " complice " des victimes civiles que ces bombes feront.

Erdogan déclenche l’ire du Kremlin

A Moscou, le Kremlin a fustigé samedi le rapatriement par le président ukrainien Volodymyr Zelensky de plusieurs commandants ukrainiens qui devaient rester en Turquie jusqu’à la fin du conflit à la faveur d’un accord entre Moscou et Kiev.

La présidence ukrainienne a confirmé avoir obtenu le retour de ces membres du régiment Azov, honni en Russie, après des " négociations avec la partie turque ". Ils ont été accueilli à l’aéroport d’Istanbul par le président Volodymyr Zelensky, lors de sa visite en Turquie.

Célébrés comme des héros en Ukraine, les combattants d’Azov ont été accueillis par leurs familles samedi en Ukraine. (AFP)

" Le retour des commandants d’Azov de la Turquie vers l’Ukraine n’est rien d’autre qu’une violation directe des termes des accords existants ", a fustigé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, cité par les agences de presse russes.

M. Peskov a lié ce retour à " l’échec de la contre-offensive " ukrainienne menée depuis début juin et à la volonté d’Ankara de montrer sa " solidarité " avant le sommet de l’Otan de Vilnius des 11 et 12 juillet.

Une partie du régiment Azov de l’armée ukrainienne, formé sur la base du bataillon ultranationaliste du même nom, avait été capturée par les forces russes après la chute de Marioupol en mai 2022.

Les parents des militaires du bataillon Azov lors d’une prière collective au centre de Kiev. Le symbole du bataillon Azov, un Z barré, évoque l’emblème des SS et contribue à la vague de critiques contre cette formation d’extrême droite. Il s’agit d’une variante du " Wolfsangel ", littéralement " Crampon du loup ", un ancien symbole ou rune germanique que l’on trouve toujours dans les blasons de quelques villes européennes. (AFP)

Célébrés comme des héros en Ukraine pour leur résistance tenace au sein de l’usine Azovstal lors du siège de Marioupol, les combattants d’Azov sont honnis en Russie pour leurs liens avec les milieux ultranationalistes ukrainiens.

L’Ukraine avait annoncé fin septembre l’échange avec la Russie de 215 militaires dont des chefs de la défense de l’aciérie Azovstal.

Cinq commandants militaires, " des superhéros ", selon M. Zelensky, avaient été transférés en Turquie. Ils devaient y rester " en sécurité absolue et dans des conditions confortables " jusqu' "à la fin de la guerre ", selon un accord avec M. Erdogan.

Georges Haddad, avec AFP