Il n’était plus apparu en public depuis un mois: le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a été relevé de ses fonctions mardi, une décision surprise pour laquelle les autorités n’ont donné aucune justification.

Visage familier en Chine et à l’international, le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a été démis de ses fonctions mardi, une décision choc, car ce diplomate de carrière était réputé proche du président Xi Jinping.

En poste depuis seulement sept mois, il n’avait pas été vu en public depuis fin juin, ce qui avait alimenté d’innombrables rumeurs sur les réseaux sociaux chinois.

Qin Gang (premier à gauche) était en poste depuis seulement sept mois, il n’avait pas été vu en public depuis fin juin, ce qui avait alimenté d’innombrables rumeurs sur les réseaux sociaux et inquiété les chancelleries occidentales. (AFP)

Qin Gang avait été nommé ministre fin décembre, après avoir été ambassadeur aux Etats-Unis (2021-2022), un poste particulièrement exposé en raison des tensions bilatérales actuelles entre les deux puissances mondiales.

Depuis, il a manqué plusieurs rendez-vous diplomatiques. Le ministère des Affaires étrangères avait tout d’abord justifié son absence début juillet par des " raisons de santé " avant de refuser d’évoquer son sort.

Les médias d’Etat ont annoncé mardi son remplacement par son prédécesseur Wang Yi, sans en donner la raison.

Ancien porte-parole du ministère, chef du service information, du protocole, puis encore vice-ministre des Affaires étrangères, Qin Gang, 57 ans, a accumulé une riche expérience de diplomate.

Considéré comme un protégé du président Xi Jinping, il a supplanté d’autres collègues aux CV également bien fournis pour obtenir les postes d’ambassadeur aux Etats-Unis ensuite de ministre.

Anglophone, il s’était spécialisé durant les deux premières décennies de sa carrière sur l’Europe occidentale, en étant notamment envoyé trois fois à l’ambassade de Chine au Royaume-Uni, la dernière fois comme numéro deux (2010-2011).

Guns N’Roses

En tant que porte-parole (2005-2010, puis 2011-2014), il devient un visage connu du grand public chinois, les conférences de presse du ministère des Affaires étrangères faisant l’objet de comptes-rendus au journal télévisé du soir.

Qin Gang est remplacé par… son prédécesseur Wang Yi. (AFP)

Qin Gang s’illustre parfois par des réponses caustiques aux questions de la presse.

Un jour de 2008, un journaliste lui avait ainsi demandé son avis sur la sortie de l’album " Chinese Democracy " (" La démocratie chinoise ") du groupe de hard rock américain Guns N’Roses.

" De ce que je sais, peu de gens aiment ce genre de musique, parce qu’elle est trop forte et bruyante. Vous, j’imagine que vous êtes un adulte mature, non? ", avait répondu le porte-parole.

Mais c’est par ses importantes fonctions de chef du protocole (2014-2018), lorsqu’il accompagnait Xi Jinping dans ses déplacements à l’étranger, que Qin Gang aurait réellement noué des liens de proximité avec le chef de l’Etat.

Son travail était alors d’organiser les moindres détails des visites et rendez-vous diplomatiques de son ministère et du président chinois.

Qin Gang faisait aussi partie entre 2018 et 2021 du groupe de vice-ministres chinois des Affaires étrangères.

Il avait ensuite été nommé au prestigieux poste d’ambassadeur aux Etats-Unis malgré son absence d’expertise particulière sur ce pays.

" Opacité totale "

Qin Gang avait alors gagné en visibilité internationale, multipliant les apparitions publiques et les déclarations à la presse, afin d’expliquer la position de son pays sur les affaires internationales.

En 2020, il avait estimé que la dégradation de l’image de la Chine dans les pays occidentaux était due au fait qu’Européens et Américains, notamment leurs médias, n’avaient jamais accepté le système politique et l’essor économique du géant asiatique.

Qin Gang a parfois été classé par des médias étrangers dans la catégorie des " loups combattants ", un surnom donné à certains diplomates chinois qui répliquent avec véhémence aux critiques occidentales sur la Chine.

Ses déclarations ne s’écartaient toutefois que rarement de l’étiquette diplomatique.

" Ceux d’entre nous qui, parmi les journalistes, connaissent Qin Gang depuis plusieurs années voient en lui quelqu’un d’habile et de rusé, qui sait comment être dans le sens du vent ", écrivait en 2021, dans le magazine Foreign Policy, Melinda Liu, correspondante à Pékin du magazine américain Newsweek.

" La disparition de Qin Gang (ces dernières semaines) est, si l’on peut dire, un exemple très parlant de l’opacité totale des hautes sphères de la politique chinoise ", a écrit sur Twitter, rebaptisé " X ", Richard McGregor, chercheur spécialisé de l’Asie de l’Est à l’Institut Lowy de Sydney.

Georges Haddad, avec AFP