Des manifestations continuaient de secouer la province de Soueida, haut lieu de la communauté druze syrienne située au sud de Damas, lundi 21 août. Ces protestations, provoquées par la levée des subventions sur les carburants par le régime de Bachar al-Assad, prennent explicitement pour cible ce dernier et ses parrains iraniens dans leurs slogans, au rythme du cri révolutionnaire " Le peuple veut la chute du régime ".

Un mouvement " sans précédent " depuis 2011. C’est ainsi que le média local " Suwayda24 " a qualifié les protestations agitant la ville syrienne de Soueida, située dans la province éponyme au sud de Damas, dimanche 20 août.

Débutées vendredi 18 août, ces manifestations, loin de faiblir, continuaient même se propager dans les environs de cette ville, bastion de la minorité druze du pays.

Soueida se trouve actuellement dans la zone sous contrôle du régime de Bachar al-Assad, elle est largement restée à l’écart de la sanglante guerre civile.

Dimanche, c’est une grève générale qui était déclarée dans l’ensemble de la province.

Une manifestation à Souaida, dans le sud de la Syrie, le 21 août 2023. (AFP)

Lundi, des centaines de personnes ont de nouveau répondu à l’appel contre la détérioration des conditions de vie, depuis que le gouvernement a supprimé la semaine dernière les subventions sur les carburants. De nombreuses routes étaient bloquées avec des pyramides de pneus incendiés, tandis que les universités sont restées fermées, selon une source sur place, contactée par Ici Beyrouth et ayant requis l’anonymat.

La levée des subventions sur les carburants par le gouvernement intervient tandis que plus de 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU. Quant à la livre syrienne, elle a perdu plus de 99% de sa valeur depuis le début du conflit.

Cette nouvelle mesure porte un autre coup dur à une population déjà éprouvée par douze ans de guerre, qui ont rendu l’économie nationale exsangue.

Rejet de l’influence iranienne

Lundi, le chef religieux de la communauté druze s’est solidarisé avec les manifestants, selon une source contactée par Ici Beyrouth. Il leur a toutefois explicitement demandé de ne pas s’en prendre aux établissements publics et privés et de renoncer à couper les axes de communication pour éviter les pénuries.

Fait notable, le responsable religieux a insisté sur l’opposition à mener contre la vente des avoirs de l’État syrien à l’Iran par le régime de Bachar al-Assad, rappelant que ceux-ci doivent demeurer la propriété du peuple syrien.

Pour rappel, l’aéroport de Damas est en passe d’être cédé à 49% à une société considérée comme étant proche de Téhéran. Si cette vente était achevée, elle rejoindrait une longue liste d’acquisition iranienne de bien fonciers et de secteurs stratégiques, à l’image des télécommunications, sur le territoire syrien.

Bachar al-Assad dans le viseur

Le média local Suwayda24 a publié des vidéos montrant des centaines de protestataires dans le centre de la ville, scandant des slogans hostiles au régime, dont " Liberté ", " Le peuple veut la chute du régime " et " À bas Bachar al-Assad ".

Quelques autres points de la région ont connu une affluence comparable, selon la source contactée par Ici Beyrouth. Celle-ci précise toutefois qu’une vingtaine d’autres points ont rassemblé chacun des dizaines de protestataires dans la journée du lundi.

Des manifestants à Soueida scandent des slogans contre le régime. Sur l’une des pancartes brandies par les protestataires, on peut lire en arabe: " Bachar al-Assad n’a remporté qu’une victoire, celle sur son propre peuple, et il n’a vaincu que les ennemis d’Israël ".  (AFP)

" Le peuple syrien étouffe ", a déclaré à l’AFP un militant de Soueida sous couvert d’anonymat par crainte de représailles, ajoutant que des centaines de manifestants s’étaient rassemblés sans que les forces de sécurité ne les répriment.

" Un membre des forces de sécurité m’a dit: +j’aimerais pouvoir vous rejoindre(…), je ne peux pas subvenir aux besoins de ma famille+ ", a-t-il relaté, avant d’ajouter: " Mon seul espoir est que ce mouvement s’étende (…) et fasse entendre notre voix ".

Manifestations dans la province voisine de Deraa

Samedi, des dizaines de personnes avaient également manifesté dans la province voisine de Deraa, certaines arborant le drapeau de l’opposition et réclamant le départ d’Assad, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie.

Berceau du soulèvement pacifique de 2011 qui a dégénéré en guerre sanglante, Deraa est retournée sous le contrôle du régime en 2018 dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu soutenu par la Russie.

Depuis, des manifestations contre les conditions de vie y éclatent de manière sporadique, de même qu’à Soueida.

Selon la source d’Ici Beyrouth, les forces de sécurité y ont fait usage de tirs en l’air pour disperser la foule. En revanche, rien de cela dans le cas de Soueida, où aucun heurt n’a eu lieu entre la police et les manifestants jusqu’à présent.

L’étincelle de trop ?

Les protestations à Soueida ne constituent en rien un fait nouveau. Des manifestations récurrentes s’y sont déroulées occasionnellement durant la dernière décennie et, en décembre dernier, un manifestant et un policier ont été tués dans la province lorsque les forces de sécurité ont réprimé un mouvement.

Le mécontentement face à la cherté de la vie s’est propagé à la banlieue de Damas, où des habitants ont manifesté ces derniers jours, à Jaramana, pour protester contre les coupures d’électricité récurrentes, a déclaré un témoin à l’AFP.

Le conflit en Syrie, déclenché par la répression brutale de manifestations prodémocratie, a fait plus d’un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.