Les autorités iraniennes renforcent la répression à l’approche du premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini pour éviter de nouvelles manifestations. Malgré l’apparente tranquillité à Téhéran, une présence policière accrue et des restrictions sur Internet sont signalées. Les tensions persistent entre le régime et le peuple, tandis que l’économie est en difficulté avec une inflation élevée.

Les autorités iraniennes redoublent de fermeté à l’approche du premier anniversaire de la mort Mahsa Amini pour éviter une reprise des manifestations qui avaient placé les femmes au premier rang de la contestation à l’automne 2022.

En apparence, tout est calme dans l’immense agglomération de Téhéran. Aucun événement n’a été annoncé publiquement pour marquer cet anniversaire, qui intervient samedi, jour férié pour une célébration religieuse.

Au bazar de Téhéran, il n’est pas rare de voir des femmes dévoilées…

Mais des habitants font état d’une présence policière plus marquée dans les rues principales et d’un net ralentissement du débit des connexions Internet ces derniers jours.

Les services de sécurité et de renseignements " surveillent avec vigilance " d’éventuelles actions de contestation liées à l’anniversaire, a récemment averti le chef adjoint de la justice, Sadeq Rahimi.

Et, tout en affichant sa volonté " d’écoute ", le président iranien, Ebrahim Raïssi, a mis en garde " ceux qui entendent abuser du nom de madame Amini " pour " créer l’instabilité dans le pays ". Ils paieront " un coût élevé ", a-t-il averti, dans un entretien à la chaîne américaine NBC mardi.

Des ONG basées à l’étranger accusent le gouvernement d’avoir mis en œuvre une répression accrue et placé sous haute surveillance les régions qui ont été au premier plan dans les manifestations de l’an dernier. En particulier le Kurdistan (ouest), la région natale de Mahsa Amini.

Au total, des centaines de personnes, dont des membres des forces de l’ordre, ont été tuées et des milliers d’autres arrêtées, selon des ONG. Sept hommes ont été exécutés.

Pour Fayyaz Zahed, historien de l’Iran contemporain, " aucune crise dans l’histoire de la République islamique n’a autant creusé le fossé entre le système et le peuple ". C’est pourquoi, s’il veut le combler, le pouvoir " ne peut s’appuyer uniquement sur des réponses sécuritaires et répressives ", ajoute-t-il.

… Même si les Pasdarans restent aux aguets.

En février, lors des célébrations du 44e anniversaire de la révolution de 1979, le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, avait annoncé la fin des troubles, se félicitant de la défaite du " complot " fomenté par " l’ennemi ".

Il visait ainsi les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, et les opposants iraniens en exil, qui ont affiché leur soutien aux manifestants.

Ali Khamenei a de nouveau accusé lundi " le gouvernement américain " d’avoir " créé un groupe de crise destiné à instrumentaliser les vulnérabilités " du pays, citant en particulier " la situation des femmes ".

Même si elles ne manifestent plus, nombre d’entre elles continuent de défier les autorités en sortant tête nue dans les lieux publics des grandes villes, notamment Téhéran.

Face à ces actes de désobéissance, les autorités ont tenté de durcir le ton, en annonçant davantage de contrôles, notamment à l’aide de caméras, et en arrêtant des actrices posant sans voile sur les réseaux sociaux.

Le Guide de la révolution, Ali Khamenei, lors d’une prière collective avec des écolières. (Photos AFP)

Un projet de loi est également en discussion pour renforcer les peines, mais il divise au sein même du pouvoir. L’un des principaux dignitaires chiites, le grand ayatollah Makarem Chirazi, a ainsi rejeté le recours à la " violence et la pression " pour imposer le hijab.

Des responsables réformateurs ont en outre critiqué la mise à l’écart de dizaines de professeurs d’université, l’un des foyers de la contestation.

Mais, au-delà de ces questions, la priorité pour de nombreux Iraniens est de faire face à l’inflation galopante, proche de 50% sur un an.

En réponse, le gouvernement met en avant la forte augmentation des exportations de pétrole, surtout avec la Chine, et table sur l’impact économique de l’amélioration des relations avec les pays du Golfe, voire avec les États-Unis après l’accord récemment conclu avec Washington sur un échange de prisonniers.

Maria Chami avec AFP