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La visite du pape François à Marseille lors des Rencontres méditerranéennes a revêtu une signification particulière. Son approche universaliste par rapport à la politique migratoire des pays européens a suscité nombre de réactions.

D’aucuns pourraient justement voir dans cette approche une tentative de submerger l’Europe avec des vagues de réfugiés et de migrations diverses, entraînant progressivement des changements au niveau de son identité socio-culturelle, voire religieuse, politique et même légale. Certes, ces préoccupations sont légitimes, car le flux de réfugiés et de migrants n’est pas uniquement lié à des problèmes de sécurité, ou des raisons socio-économiques, ou encore aux catastrophes naturelles. En effet, des gangs criminels organisés exploitent ce filon en vue de gains financiers lucratifs, ou pour mettre en œuvre des agendas politiques et sécuritaires malveillants ayant pour objectif la déstabilisation. Les préoccupations liées à ce contexte complexe sont légitimes ; cependant, le fait de les transposer dans l’arène des conflits identitaires transformera inévitablement les rives de la Méditerranée en ruines des civilisations.

À supposer que le débat autour des crises liées à la migration est en passe de s’intensifier au sein de l’Union européenne, ce qui donnera lieu à l’émergence de phénomènes xénophobes, d’un nationalisme radical et d’un populisme raciste avec des implications politiques, culturelles, légales, voire religieuses, il semble crucial de ne pas se contenter de définir les conséquences de ces crises au niveau strictement humain. Par conséquent, le pape François a souhaité élever la voix en mettant en garde, sur le plan éthique, contre la tendance à susciter des conflits identitaires qui pourraient conduire à l’anéantissement de toutes les identités dans leur spécificité et leurs valeurs partagées.

La lecture profonde de la pensée du pape François et son annonce concernant la nécessité de construire une "théologie méditerranéenne" montrent à quel point son propos rejoint la construction d’une politique euro-méditerranéenne qui anticiperait les conflits ou les contiendrait en s’appuyant sur une échelle de valeurs ou d’intérêts communs, fondée sur la pérennité des liens de fraternité humaine ouverts à la solidarité.

Cette politique euro-méditerranéenne, que l’Union européenne a jadis défini comme une politique de voisinage, évolue de jour en jour pour ériger de nouvelles forteresses au lieu d’opter pour des choix qui mettraient fin aux conflits au profit de la justice sociale. L’Union européenne s’investit dans une sécurité durable qui ne saurait faire abstraction de l’éradication des racines de l’influence qui ont germé sur le sang des peuples du Moyen-Orient. Tel est le cœur du problème!