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L’armée israélienne continue de bombarder Gaza tout en tentant de neutraliser le labyrinthe de tunnels construit sous le territoire par le Hamas. Ces tunnels constituent une force pour le groupe armé parce qu’ils déstabilisent les efforts de guerre "conventionnelle" de l’État hébreu. Ce réseau de couloirs, surnommé "Le Métro de Gaza" par les Israéliens, permet au Hamas de transporter des marchandises et des munitions, et de mettre ses centres d’opération à l’abri des appareils de surveillance.

Les tunnels sont un outil de guerre en Europe depuis le Moyen Âge. L’utilisation des tunnels a atteint son apogée pendant la Première Guerre mondiale et surtout les guerres du Vietnam et d’Afghanistan. Dans ces pays, les tunnels étaient essentiellement dissimulés dans la jungle, au Vietnam, ou en zone montagneuse, en Afghanistan. Cependant, les tunnels du Hamas sont, eux, situés dans une zone souterraine et urbaine, au cœur d’un des territoires les plus densément peuplés du monde.

Aujourd’hui, ces mêmes tunnels procurent un avantage crucial aux groupes opérant dans des zones urbaines, notamment lorsqu’ils font face à des armées bénéficiant d’une supériorité technologique, comme c’est le cas des tunnels de Gaza face à l’armée israélienne.

À Gaza, les Israéliens ont surnommé le réseau de tunnels "le Métro de Gaza", en raison de son étendue sous tout le territoire, qui ne couvre que 365 km².

Selon l’armée israélienne, la bande de Gaza est formée de deux strates superposées: une couche supérieure où se trouvent les civils et une autre souterraine où opère le Hamas.

L’armée israélienne avait annoncé en 2021 avoir détruit plus de 100 km de tunnels lors de frappes aériennes et, selon plusieurs sources journalistiques, le Hamas en revendique plus de 500 km.

Nature des tunnels à Gaza

La construction de tunnels a commencé à Gaza avant le retrait des troupes et des colons israéliens en 2005. Ce retrait de la bande de Gaza annexée en 1967 par Israël faisait partie d’une des étapes prévues dans la feuille de route établie par les États-Unis, la Russie, l’Union européenne et les Nations unies. Une opération lancée le 15 août 2005 a conduit à l’évacuation, souvent forcée, des colons ainsi que des forces armées israéliennes. Après cette évacuation, l’Égypte a été appelée à jouer un rôle clé dans la sécurité du territoire en déployant ses soldats à la frontière.

La construction de tunnels a repris après que le Hamas a pris le contrôle du territoire en 2006. À l’époque, Israël et l’Égypte avaient imposé des restrictions de mouvement de population et de marchandises pour des raisons de sécurité. C’est alors que les tunnels dans la partie sud du territoire ont été utilisés par le Hamas pour la contrebande de marchandises, de fuel et d’armes.

La contrebande via les tunnels menant à l’Égypte a commencé à s’estomper en 2010, lorsque Israël a commencé à desserrer l’étau, permettant un léger mouvement de marchandises.

Selon le général Khalil Helou, interrogé par Ici Beyrouth, ces tunnels-là sont actuellement neutralisés.

D’autres tunnels sont transfrontaliers et généralement rudimentaires. Ils sont creusés pour permettre des incursions en territoire israélien et se situent généralement au nord de la bande de Gaza, selon le général Helou.

Les tunnels à l’intérieur de Gaza sont néanmoins différents: le Hamas les utilise régulièrement. Ils sont probablement plus confortables, permettant aux membres du Hamas de s’y abriter pendant de longues périodes. Le général à la retraite Hicham Jaber, président du Centre d’Orient pour les études et les relations publiques, explique à Ici Beyrouth que "les tunnels de Gaza constituent un réseau profond, éclairé et climatisé". Selon lui, ces galeries se situent à 10 mètres de profondeur et sont conçues comme des espaces "où l’on peut passer beaucoup de temps, servant d’abris pour les combattants du Hamas pendant les bombardements". Il s’agit d’espaces où l’on peut se déplacer et se tenir debout.

Chronologie

En 2006, les militants avaient utilisé un tunnel à la frontière avec Israël pour s’y infiltrer, tuer deux soldats israéliens et en kidnapper un troisième, Gilad Shalit, resté en captivité pendant cinq ans avant d’être libéré en échange de 1.000 prisonniers palestiniens. En 2013, l’armée israélienne avait découvert un tunnel bétonné menant à un kibboutz en territoire israélien. En 2014, une offensive aérienne et terrestre avait été lancée afin d’éliminer ces passages souterrains et tenter de rendre la bande de Gaza hermétique.

Des tunnels à la frontière libanaise aussi

En 2016, l’armée israélienne avait découvert trois tunnels à la frontière entre le Liban et Israël. En 2018, elle avait annoncé avoir placé des explosifs dans l’un de ces tunnels pour prévenir toute tentative d’infiltration du Hezbollah sur leur territoire. À l’époque, le lieutenant-colonel israélien Jonathon Conricus avait indiqué avoir découvert un tunnel de près de 200 mètres de long dans la ville de Metula, débutant dans le village libanais de Kfar Kela. Quelques mois plus tard, un autre tunnel avait été repéré en territoire israélien, enfoui à une profondeur de 55 mètres et ayant son point de départ dans le village libanais de Ramyeh, à environ 800 mètres de la frontière.

Pour neutraliser ces tunnels, l’armée israélienne peut, soit les rendre temporairement inutilisables , soit les détruire complètement. Le bombardement des passages souterrains est généralement le moyen le plus efficace pour les éliminer, mais de telles frappes peuvent avoir des répercussions sur la population civile.

Selon le site d’information d’Al-Jazeera, l’armée israélienne a récemment déployé une bombe à fragmentation connue sous le nom de "Bunker Buster". Ces bombes ont la capacité de pénétrer dans le sol avant d’exploser et sont conçues pour détruire des cibles enterrées et endurcies. Également appelées munitions à pénétration de sol, elles peuvent s’enfoncer profondément sans se désintégrer à l’impact. Grâce à une fusée à retardement, elles peuvent atteindre leur cible sous terre avant d’exploser, détruisant ainsi ce qui se trouve à l’intérieur.

Il serait illusoire de croire que le réseau peut être entièrement détruit, en raison de la présence de civils. En effet, même après les avertissements des Israéliens demandant aux habitants de quitter le nord de Gaza, beaucoup n’évacueront pas les lieux, selon Daphné Richemond-Barak, professeure adjointe à l’école Lauder de gouvernement, de diplomatie et de stratégie de la Reichman University en Israël, citée par plusieurs médias occidentaux dont la BBC. "La destruction des tunnels entraînera par ailleurs d’importantes pertes humaines parmi les forces israéliennes sur le terrain, les civils palestiniens et les otages", prévient-elle.

De plus, les défis posés par la guerre urbaine éclipseront la suprématie technologique israélienne puisque le Hamas peut piéger l’ensemble de son réseau de tunnels, comme il pourrait effectuer des incursions surprises pour kidnapper les soldats sur le terrain. De plus, les risques associés à la guérilla urbaine menée par ce mouvement islamiste sont nombreux, notamment dans les combats rapprochés où le Hamas évolue dans un environnement familier, ce qui lui confère un avantage sur un soldat d’une armée régulière.

Les tunnels du Hamas mettent donc à mal Israël et compliquent ses opérations: si l’armée israélienne décide de bombarder le territoire pour éliminer ce réseau souterrain, il y aura sans doute des dommages collatéraux parmi les civils.  D’autre part, une invasion terrestre sans avoir préalablement neutralisé ces tunnels compliquerait l’avancée des troupes, les exposant à de nombreux facteurs inconnus.

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