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Le 7 octobre, le Hamas a tenté de saturer les capacités du Dôme de fer en lançant 5.000 missiles en 20 minutes et a réussi à le fissurer. Le nombre impressionnant de missiles lancés atteste de l’importance de l’arsenal en leur possession. Comment le Hamas, situé dans un des territoires les plus contrôlés du monde, a-t-il pu amasser la quantité d’armes qui lui a permis de mener à bien les attaques coordonnées du 7 octobre?

Beaucoup d’encre a coulé sur l’attaque du 7 octobre dernier. L’objectif de ces lignes n’est nullement d’expliquer la stratégie militaire du Hamas, ni de faire un inventaire de l’arsenal du groupe. Mais la question que nombre de gens se posent est comment, malgré le blocus imposé par Israël depuis 2007, le Hamas a réussi à se procurer toutes ces armes et où les a-t-il emmagasinées? Comment un petit groupe que l’on croyait mal organisé a-t-il pu surprendre une des armées les plus puissantes du monde?

La réponse, selon les experts, est une combinaison de patience, de production artisanale et d’un important bienfaiteur étranger.

Les tunnels de Gaza

Le principal outil de transport et de stockage d’armes et de munitions du Hamas est constitué par des centaines de kilomètres de tunnels souterrains sous la bande de Gaza. Ce réseau, surnommé "le Métro de Gaza" par les israéliens procure un avantage crucial au Hamas car ils s’étend sous toute la superficie du territoire et permet de dissimuler pendant des mois, voire des années, hommes (et femmes), marchandises et munitions.

La construction des tunnels a atteint son apogée en 2005, lors du retrait d’Israël de la bande de Gaza, puis en 2006, lorsque le Hamas a pris le contrôle du territoire après avoir gagné les élections législatives palestiniennes.

C’est à cette période qu’a commencé le stockage de munitions. Vu l’ampleur de l’opération "Déluge d’Al-Aqsa", il est évident que les armes et les munitions utilisées ont commencé d’être entreposées depuis des années et non des mois.

Selon Riad Kahwaji, analyste de défense interrogé par Ici Beyrouth, une importante communauté bédouine vit en Égypte dans le désert du Sinaï et entretient des liens de mariage ou des liens sociaux avec les Gazaouis. Ils sympathisent parce qu’ils sont pour la plupart des islamistes conservateurs et ont donc des points communs. Cela a contribué à préparer le terrain pour établir des liens plus forts.

Toujours selon M. Kahwaji, dans un premier temps, la contrebande depuis l’Égypte et à travers les tunnels a commencé pour de petites choses. Puis, les tunnels se sont élargis et le Hamas a pu y introduire des éléments plus importants. Après le printemps arabe, en 2011, l’Égypte a connu une période de chaos, ce qui a permis à l’Iran et au Hezbollah d’introduire des armes lourdes comme le Kornet, des armes anti-char, des missiles SAM ou des mitrailleuses.

Après le renversement de Morsi en 2013, l’Égypte prend des mesures de répression et ferme des centaines de tunnels de contrebande.  Le Caire adopte une politique idéologique sévère à l’égard du Hamas et s’efforce de limiter la contrebande qui se fait entre autres grâce aux tribus bédouines. Toutefois, même si la contrebande diminue, il est pratiquement impossible de l’arrêter à travers les vastes étendues du Sinaï.

Riad Kahwaji affirme à Ici Beyrouth qu’à partir des dernières campagnes et grâce aux mesures de répression prises par l’Égypte, des efforts supplémentaires ont été pris pour s’attaquer aux tunnels et les rendre hors d’usage.  Une grande partie de ces tunnels a été fermée, mais la contrebande a pu continuer par voie de mer et le Hamas a pu se procurer les pièces nécessaires pour la constitution de son arsenal.

En réponse, l’industrie locale de l’armement de Gaza s’est développée.

L’Iran affirme avoir donné le coup d’envoi de la production de missiles à Gaza et lui avoir fourni la base technique et les connaissances nécessaires.

Une Industrie locale

Le responsable des relations nationales du Hamas à l’étranger, Ali Baraka, a donné des détails sur la fabrication d’armes du groupe dans une interview diffusée par la chaîne d’information arabe RT Arabic de Russia Today et publiée sur son site web le 08 octobre. "Nous avons des usines locales pour tout, pour des roquettes d’une portée de 250 km, 160 km, 80 km et 10 km. Nous avons des usines pour les mortiers et leurs obus. […] Nous avons des usines pour les Kalachnikovs (fusils) et leurs balles. Nous fabriquons les balles avec l’autorisation des Russes. Nous les construisons à Gaza", a-t-il déclaré lors de son entrevue télévisée.

À partir de la quasi-fermeture des tunnels avec l’Egypte, l’Iran et le Hezbollah commencent à introduire les composants pour construire des usines, et à fournir le savoir-faire nécessaire à la fabrication locale de fusées. Ce faisant, ils jettent les bases d’une industrie de fusées indigène. Dès ce moment-là, le Hamas n’a plus besoin de roquettes complètes, mais uniquement de ses composants. Les techniciens locaux de Gaza deviennent plus expérimentés. Ils développent, agrandissent et créent des fusées plus grandes et à plus longue portée, explique M. Kahwaji.

Selon Ahmed Fouad Alkhatib, qui a écrit à ce sujet pour le Forum Fikra de l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient en 2021, l’une des matières premières utilisées dans la construction de ces armes provient de combats antérieurs dans la bande de Gaza.

Lorsque les infrastructures de Gaza ont été détruites par les frappes aériennes israéliennes (en 2014 et 2021 entre autres), ce qui restait – tôles et tuyaux métalliques, barres d’armature, câbles électriques – a été acheminé vers les ateliers d’armement du Hamas, pour en ressortir sous forme de tubes de roquettes ou d’autres engins explosifs.  Les munitions israéliennes non explosées, recyclées pour leur matériel explosif, et d’autres pièces s’ajoutent à la chaîne d’approvisionnement du Hamas, écrit-il.

Toujours selon l’Institut de Washington, la branche armée du Hamas (les Brigades al-Qassam) recycle aussi les munitions israéliennes non explosées et ces substances sont utilisées pour fabriquer les ogives de roquettes qui sont par la suite larguées sur Israël. En outre, la destruction d’immeubles ou de routes fournit de nombreux matériaux comme des fils électriques ou des tuyaux qui servent à produire des tubes de roquettes ou d’autre engins explosifs. L’ironie veut que les opérations israéliennes sur Gaza fournissent au Hamas des matériaux contrôlés ou interdits à Gaza.

L’aide de l’Iran

L’attaque du 7 octobre est le résultat d’années de planification, de stockage d’armes et de munitions et de transfert de savoir-faire. Le Hamas a acquis de l’expérience lors des campagnes précédemment lancées par les Israéliens. Ils connaissent donc mieux que quiconque les tactiques et les habitudes israéliennes, ce qui les a aidés à réaliser leur attaque. Le Hamas a aussi formé des spécialistes de la cybersécurité et de l’électronique, selon Riad Kahwaji. "L’Iran et le Hezbollah ont joué un grand rôle dans le renforcement des capacités militaires, des armes et du savoir-faire du Hamas", poursuit-il.

L’aide de l’Iran est aussi financière. Dans un rapport publié par le département d’État américain en 2020, Téhéran financerait les différents groupes palestiniens à hauteur de 100 millions de dollars.

Dans une interview à la chaîne Al Jazeera en 2022, Ismail Haniyeh, le chef du Hamas, a reconnu que son groupe avait reçu 70 millions de dollars d’aide militaire de la part de l’Iran. "Nous avons des roquettes fabriquées localement, mais les roquettes à longue portée viennent de l’étranger, de l’Iran, de la Syrie et d’autres pays", a-t-il dit.

Le Hamas a publiquement encensé l’Iran pour son aide qui, selon les experts, outre les aides financières, prend désormais principalement la forme de plans, de savoir-faire en matière d’ingénierie, d’essais de moteurs et d’autres compétences techniques.

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