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Je m’empresse de dire que les opérations "homo" n’ont strictement rien à voir avec l’orientation sexuelle d’une personne. Sont désignées "homo", dans le jargon des services de renseignement, les homicides qui visent une personne, généralement dangereuse, un terroriste par exemple, et qu’un État de droit n’hésiterait pas à liquider sans autre forme de procès. C’est-à-dire en s’affranchissant des règles juridiques et des contraintes de la procédure pénale.

Le feu vert présidentiel

Rentrent dans cette catégorie l’exécution d’Oussama ben Laden dans son refuge pakistanais par un commando US en mai 2011, comme l’exécution de Qassem Soleimani par un drone en Irak en janvier 2020. Il est bien entendu que des personnes d’un tel gabarit n’ont pas été abattues sans l’autorisation expresse du chef de l’État américain, en l’espèce. On se souvient du nombre de tentatives infructueuses montées par la CIA pour assassiner Fidel Castro, et telles décisions étaient toujours préalablement avalisées par John Kennedy en personne.

Dans l’histoire contemporaine, le premier attentat ciblé quelque peu spectaculaire fut l’exécution de l’amiral Yamamoto. Ce fut, en 1943, le président Roosevelt en personne qui donna l’ordre à son ministre de la Marine, Frank Knox, de liquider le commandant en chef de la flotte impériale japonaise. Ayant intercepté le bombardier qui le transportait, les chasseurs américains l’abattirent: ce fut un coup sérieux porté au moral des troupes japonaises se battant dans le Pacifique.

Cette pratique extrajudiciaire n’est cependant pas exclusivement américaine. Le régime de Vladimir Poutine n’a pas hésité à user de l’arme du poison pour liquider ses opposants, dont Alexeï Navalny en août 2020. Et qui l’aurait cru, l’aimable et paisible président français, François Hollande, avait autorisé lesdites pratiques "homo"; il l’a expressément reconnu dans ses confidences publiées dans Un président ne devrait pas dire cela*. Personne donc, si haut placé soit-il, n’est à l’abri de la tentation d’éradiquer un trouble-fête ou de supprimer une personne à moindres frais.

Illégal pour absence de preuve?

Dans les guerres hybrides qui se livrent de nos jours, les puissances occidentales disent se battre pour certaines valeurs et en application des règles contraignantes du droit de la guerre. Néanmoins, une réalité parallèle semble leur accorder aisément des dérogations au principe. Les nations de l’Otan, ce club de pays respectueux de la personne humaine et si bien intentionnés, peuvent bien se permettre des "extras".

La question a été soulevée par l’administration de l’ONU, à la suite de ladite exécution de Qassem Soleimani à Bagdad par un drone américain. Agnès Callamard, rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, avait accusé Washington d’un assassinat "arbitraire et illégal", au prétexte que ce patron de la force Al-Qods ne représentait pas un "péril immédiat". Le rapport de la responsable onusienne avait rejeté les arguments avancés par les Américains pour leur défense, dans les termes suivants: "Aucune preuve n’a été fournie que le général Soleimani planifiait spécifiquement une attaque imminente contre des intérêts américains, en particulier en Irak, pour laquelle une action immédiate était nécessaire et aurait été justifiée."

Branle-bas de combat, comme on l’imagine, au département d’État! Sur son twitter, le secrétaire d’État Mike Pompeo ne pouvait que réfuter les "attendus" de l’exposé qui condamnait les États-Unis: "Nous rejetons le rapport fallacieux du rapporteur spécial des Nations unies sur les assassinats ciblés par des drones armés dans le cas du général iranien… Les États-Unis ont fait preuve de transparence sur le fondement juridique international de cette opération et continueront de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’Amérique."

Bref, un dialogue de sourds allait s’instaurer entre la première puissance militaire de la planète et des fonctionnaires de l’organisation ayant pour charge le maintien de la paix entre les nations!

Et le Liban dans tout ça?

Cela fait un moment que les attentats ciblés israéliens s’en prennent aux cadres du Hezbollah et à ceux du Hamas sur le territoire libanais sanctuarisé, dit-on, par la Résistance islamique: Saleh al-Arouri à Dahieh le 2 janvier, Wissam al-Tawil le 8 janvier à Kherbet Selem, Ali Hussein Bourji le 9 janvier, et pour la faire courte, notons les frappes sur Ghandourieh, Kfarchouba, Bazourieh et Kafra et, en ce mois même de février, sur Nabatiyeh, Jadra et Bint Jbeil, etc.

Quelque chose est pourri dans l’organigramme du Hezbollah. Et plutôt que de se poser des questions sur la légalité internationale de tels attentats, il est à se demander si cette précision des Israéliens est due exclusivement à la high-tech dont bénéficient leurs renseignements. N’y aurait-il pas également un élément humain qui interviendrait? J’entends par là des taupes qui renseigneraient l’adversaire, des agents retournés par appât du gain ou des Judas clandestins qui infesteraient la population locale.

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*Nicolas Barotte, "Les assassinats ciblés, l’autre arme des guerres hybrides", Le Figaro, 30 novembre 2020.