Rien ne va plus entre les colonels maliens et la France, ancienne puissance coloniale. Dans une nouvelle escalade abrupte de la brouille entre Bamako et Paris, la junte malienne au pouvoir a décidé d’expulser l’ambassadeur de France. Les Affaires étrangères françaises se sont contentées de prendre " note " d’une mesure qui, pourtant, pose avec encore plus d’acuité la question de l’engagement militaire français au Mali. Depuis leur nouveau putsch en mai 2021, les militaires ont multiplié les actions hostiles envers Paris et les autres pays africains en renonçant à remettre le pouvoir aux civils avant plusieurs années et, surtout, elle est soupçonnée d’avoir recours aux mercenaires de la très controversée société russe Wagner. Un pas qui inquiète aussi les alliés européens de la France.

Lundi, e ministère malien des Affaires étrangères a convoqué le chef de la mission diplomatique française à Bamako, Joël Meyer, et lui a " notifié la décision du gouvernement qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de 72 heures ", a annoncé un communiqué lu par la télévision d’Etat. Les autorités maliennes ont justifié cette décision par les récents propos " hostiles " et " outrageux " de responsables français à leur encontre.Les relations avec la France, ancienne puissance coloniale engagée militairement contre les jihadistes au Mali et au Sahel depuis 2013, n’ont cessé de se détériorer depuis que des colonels ont pris par la force en août 2020 la tête du pays sahélien, plongé depuis 2012 dans une profonde crise sécuritaire et politique. Elles se sont encore envenimées en mai 2021, avec un nouveau putsch des mêmes colonels pour renforcer leur emprise. M. Meyer avait déjà été convoqué en octobre 2021 quand le président français Emmanuel Macron avait vivement réagi à des propos du chef du gouvernement malien évoquant la réduction programmée des effectifs français et parlant d' "abandon en plein vol ". M. Macron avait en retour parlé de " honte " de la part de " ce qui n’est même pas un gouvernement ".

Les tensions se sont encore exacerbées depuis que la junte sous la conduite du colonel Assimi Goïta a révoqué son engagement initial à organiser des élections le 27 février prochain, et que l’organisation des Etats ouest-africains Cédéao a infligé le 9 janvier de sévères sanctions diplomatiques et économiques à ce pays pauvre et enclavé. La junte entend à présent rester en place plusieurs années.

La France et ses alliés européens s’alarment aussi de l’appel fait, selon eux, par la junte aux mercenaires de la sulfureuse société russe Wagner, groupe réputé proche du Kremlin, accusé d’exactions en Centrafrique et engagé sur d’autres théâtres. La junte persiste à démentir. Elle est entrée en résistance face à une partie de la communauté internationale en invoquant l’indépendance nationale. Elle accuse la France d’instrumentaliser les organisations sous-régionales, de chercher à diviser les Maliens et de conserver ses " réflexes coloniaux ". Elle a multiplié les actes revendicatifs de souveraineté en demandant la révision des accords de défense avec la France ou en poussant le Danemark à retirer un contingent de cent hommes déployés avec le groupement de forces spéciales européennes Takuba, initié par la France. Elle vante par ailleurs sa coopération avec la Russie, dont de nombreux hommes, des " instructeurs " selon elle, sont arrivés ces derniers mois. La ministre française des Armées Florence Parly a déclaré le 25 janvier que la junte multipliait " les provocations ". Son collègue des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a, deux jours après, qualifié la junte d' "illégitime " et ses décisions d' "irresponsables ", après le retrait du contingent danois.

L’expulsion de Joël Meyer, 60 ans, en poste à Bamako depuis octobre 2018, " fait suite aux propos hostiles et outrageux " de M. Le Drian, et " à la récurrence de tels propos " malgré les protestations, dit le communiqué gouvernemental. Bamako réitère cependant " sa disponibilité à maintenir le dialogue ".

La France a déployé plus de 5.000 soldats au Sahel et au Mali avant de décider en 2021 de réduire la voilure. Avec les récents développements, elle s’interroge sur les modalités de sa présence.

Le chef de sa diplomatie a déclaré vendredi que la France et ses partenaires européens ne pouvaient " rester en l’état ". " Notre combat contre le terrorisme doit se poursuivre mais sans doute dans d’autres conditions ", a-t-il renchéri dimanche. En attendant d’éventuelles décisions politiques, le chef d’état-major de l’armée de terre française, le général Pierre Schill, a rapporté qu’au quotidien, les unités françaises poursuivaient " leur partenariat avec les bataillons maliens ". Le chef de la diplomatie danoise Jeppe Kofod a assuré sur Twitter que son pays était " totalement solidaire de la France ". Il a qualifié d' "irresponsable " l’attitude de la junte et estimé que le Mali y perdait sa " crédibilité internationale ".

Avec AFP

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