Benjamin Netanyahou est considéré comme un vieux renard de la politique israélienne. Mais, entre les milliers de manifestants descendus dans la rue cette semaine pour exiger sa démission et la colère croissante contre sa gestion de la guerre, beaucoup se demandent combien de temps ce dernier pourra survivre.

Benjamin Netanyahou se retrouve sous une pression accrue par des manifestations à répétition d’opposants et de familles d’otages en colère après bientôt six mois de guerre à Gaza, mais le Premier ministre israélien, qui a survécu à tant de crises, est difficile à évincer, estiment des experts.

La conduite de la guerre contre le Hamas à Gaza après l’attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien en Israël le 7 octobre est de plus en plus critiquée et la mort de sept humanitaires, mardi dans la bande de Gaza, par une frappe israélienne, a provoqué une vague d’indignation à l’international.

Une nouvelle manifestation d’opposants et de familles d’otages est prévue, mercredi soir, à Jérusalem, pour la quatrième nuit consécutive devant la Knesset (Parlement israélien) où certains ont planté la tente.

Les opposants au Premier ministre et immuable chef du Likoud (droite) lui reprochent d’être responsable des échecs sécuritaires et des failles des services de renseignement ayant conduit à l’attaque sans précédent du 7 octobre.

Chute de popularité

Les manifestations se sont multipliées ces dernières semaines en Israël et ont réuni des dizaines de milliers de personnes le weekend dernier, notamment à Tel-Aviv. Les protestataires affirment aussi que les profondes divisions politiques créées par la réforme judiciaire décriée de M. Netanyahou l’an passé ont affaibli le pays. En procès pour plusieurs affaires de corruption, il est accusé par ses détracteurs de conflit d’intérêts et d’avoir voulu cette réforme pour échapper à ses ennuis judiciaires.

Après avoir vu sa popularité chuter depuis le 7 octobre, M. Netanyahou est fragilisé politiquement, mais aussi physiquement. Dimanche soir, il est apparu pâle et fatigué lors d’une conférence de presse tenue peu avant son opération d’une hernie, à l’issue de laquelle il semblait encore plus blême à sa sortie d’hôpital mardi.

Pour Emmanuel Navon, politologue et professeur à l’université de Tel-Aviv, M. Netanyahou "a déjà été considéré comme un homme politiquement mort à de nombreuses reprises et il a su rebondir" au cours de sa carrière politique de plus de trente ans dont seize comme Premier ministre, déclare le politologue à l’AFP.

L’an passé, il a été confronté à l’un des plus grands mouvements de contestation populaire de l’histoire du pays, contre la réforme judiciaire – plus important que les manifestations de ces dernières semaines. Mais maintenant, il doit faire face en plus à la colère des familles d’otages et à la controverse sur l’exemption de la conscription pour les jeunes juifs ultra-orthodoxes, de plus en plus critiquée alors que la guerre à Gaza dure depuis bientôt six mois.

Une attaque comme celle du 7 octobre qui a provoqué la sidération en Israël aurait mis fin à la carrière politique de n’importe quel autre dirigeant, mais M. Navon, lui-même ancien membre du Likoud, estime que ce dernier ne "peut pas être déposé de l’intérieur" car il a "transformé le Likoud en une entreprise familiale, où il n’y a pas de dissidence", dit-il.

"Après moi le déluge"

"Je ne pense pas qu’il sera remplacé au sein du Likoud, du moins pas maintenant", renchérit Gideon Rahat, politologue à l’Université hébraïque de Jérusalem. "Pour des élections anticipées, il faut un gouvernement alternatif et je ne pense pas que cela se produira", dit-il à l’AFP.

Aux yeux de M. Rahat, la poursuite de la guerre à Gaza est une question de survie politique pour M. Netanyahou: "Aussi longtemps que la guerre dure, il peut dire que ce n’est pas possible d’organiser des élections. Il cherche toujours à se justifier pour rester Premier ministre", décrypte M. Rahat.

Martin Kramer, historien du Moyen-Orient à l’université de Tel-Aviv, compare la situation actuelle en Israël à celle de la "guerre du Kippour", l’attaque surprise lancée par l’Égypte et la Syrie en octobre 1973, qui allait entraîner la chute de Golda Meir, alors Première ministre.

Par comparaison, aujourd’hui, six mois après le début de la guerre, "aucune responsabilité n’a été officiellement attribuée et personne n’a démissionné", écrit M. Kramer sur son site. Et M. Netanyahou "ne voit pas la nécessité de rendre des comptes. Après moi le déluge pourrait être sa devise".

Benoît Finck, avec AFP