La réforme de la politique migratoire européenne, qui sera soumise mercredi au vote final des eurodéputés, vise à durcir le contrôle des arrivées de migrants dans l’UE et instaurer un système de solidarité entre les États membres dans l’accueil des demandeurs d’asile. 

La vaste réforme de la politique migratoire européenne, qui durcit le contrôle des arrivées de migrants dans l’Union européenne (UE) et prévoit un système de solidarité entre les États membres dans l’accueil des demandeurs d’asile, sera soumise mercredi au vote final des eurodéputés.

Le Parlement européen se prononcera sur une série de textes formant ce "Pacte sur la migration et l’asile", basé sur une proposition de la Commission de septembre 2020, et qui opère une refonte des règles après des années de divisions et de tensions entre les Vingt-Sept.

Parallèlement à cette réforme, prévue pour être mise en œuvre en 2026, l’UE multiplie les accords avec les pays d’origine et de transit des migrants (Tunisie, Mauritanie, Égypte) pour tenter de faire baisser les arrivées à ses frontières.

L’UE est confrontée à une augmentation des demandes d’asile, atteignant 1,14 million en 2023, leur niveau le plus élevé depuis 2016, selon l’Agence européenne pour l’asile. Les entrées "irrégulières" dans l’UE connaissent également une augmentation, s’élevant à 380 000 en 2023, selon Frontex.

Ce pacte migratoire, auquel sont favorables dans l’ensemble les trois principales familles politiques européennes – PPE, Socialistes et démocrates (S&D) et Renew Europe (centristes et libéraux) – suscite l’opposition d’une grande partie de l’extrême droite, ainsi que des Verts, de la gauche radicale et de certains socialistes.

Les organisations de défense des droits humains dénoncent également le pacte migratoire, exprimant une préoccupation particulière à l’égard d’une disposition phare qui exige des pays la mise en place de centres près des frontières pour accueillir les exilés – y compris les familles – les moins susceptibles d’obtenir l’asile. Cette disposition prévoit la création de quelque 30.000 places dans l’UE pour ces demandeurs, dont les dossiers feront l’objet d’une procédure d’examen rapide, dans le but de faciliter leur éventuel renvoi.

"Sujet inflammable"

La réforme conserve la règle actuellement en vigueur, selon laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un migrant est responsable de sa demande d’asile, avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays où arrivent de nombreux exilés, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne, un système de solidarité obligatoire est mis en place.

Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile (relocalisations) ou en apportant un soutien financier au pays sous pression migratoire. Une façon de tirer les leçons de l’échec des quotas de réfugiés décidé au moment de la crise de 2015-2016, qui s’était heurté au refus de la Hongrie, la Pologne et la République tchèque.

L’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe), rapporteure d’un des textes clés de la réforme, défend un résultat "très équilibré", qui constitue un "très grand progrès".

Tout ne sera pas cependant réglé avec le vote du pacte, dont les modalités de mise en œuvre restent à définir, précise-t-elle: notamment l’organisation des centres pour les procédures aux frontières, qui devront avoir les ressources suffisantes en médiateurs, traducteurs ou policiers.

Si les ONG redoutent que la détention soit généralisée dans ces centres, ce régime est toutefois encadré par les règles européennes et l’eurodéputée souligne que des alternatives à la privation totale de liberté sont possibles.

Autre point controversé: la possibilité, sous conditions, de renvoyer un demandeur d’asile vers un pays tiers "sûr".

L’eurodéputé français Raphaël Glucksmann (groupe S&D) y voit un "nouveau pas vers l’externalisation de nos frontières". "Les États renverront les demandeurs d’asile vers des pays par lesquels ils ont transité, sans examiner leur demande, alors qu’ils auraient toutes leurs chances d’obtenir l’asile dans l’Union", indique-t-il à l’AFP.

Du côté du groupe ID (extrême droite), l’élu français Jean-Paul Garraud estime que "les frontières extérieures de l’UE sont des passoires et rien n’est fait pour que ça change". " Les quelques dispositifs de protection auxquels nous sommes favorables (…) n’auront que très peu d’effets sur un mouvement migratoire de masse", dénonce-t-il.

La réforme a déjà fait l’objet d’un accord politique en décembre entre le Parlement et le Conseil (États membres). Après le vote des eurodéputés, elle devra être formellement validée par le Conseil.

Anne-Laure Mondesert, avec AFP