Le bataillon Netzah Yehuda, unité de volontaires juifs ultra-orthodoxes de l’armée israélienne, est dans le collimateur de Washington pour ses allégations d’exactions contre des Palestiniens.

Unité regroupant des juifs ultra-orthodoxes volontaires, le bataillon Netzah Yehuda de l’armée israélienne, que Washington envisage de sanctionner en raison d’allégations d’exactions contre des Palestiniens, a un lourd passé de transgressions et d’impunité, selon des médias israéliens et des analystes.

Il a été fondé en 1999 pour inciter des jeunes Haredim (ultra-orthodoxes) à intégrer l’armée, en leur assurant des conditions qui respectaient leurs croyances: respect de leurs exigences alimentaires rigoureuses, exclusion totale de femmes sur les bases, ainsi que des périodes dédiées à la prière et à l’étude de la Torah.

Depuis la fondation d’Israël en 1948, les Haredim (" Ceux qui craignent Dieu ") sont exemptés du service militaire, obligatoire pour tous les jeunes Israélien et Israéliennes. Cette situation est de plus en plus critiquée en Israël, où la population ultra-orthodoxe est en croissance.

L’unité a peu séduit et le gros du bataillon est constitué de jeunes ultra-orthodoxes en rupture de ban, qui " voient l’armée comme un moyen d’intégrer la société israélienne et de gagner leur vie ", ainsi que " de nationalistes religieux plutôt radicaux " et " très hostiles aux Arabes ", explique à l’AFP David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès.

" Réputation sulfureuse "

Caractérisé par une " forte homogénéité idéologique et sociologique ", le bataillon Netzah Yehuda a " acquis une réputation sulfureuse ", note-t-il.

" Le bataillon attire des sionistes religieux, dont les convictions religieuses se mêlent à un militarisme nationaliste ", et intègre " des colons d’implantations sauvages " de Cisjordanie, constate aussi Marwa Maziad, professeure d’études israéliennes à l’Université du Maryland.

Fort d’un millier d’hommes, il était stationné jusqu’en 2022 en Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967 par Israël, où près de 500.000 Israéliens vivent dans des colonies – illégales au regard du droit international –, au milieu de trois millions de Palestiniens.

" Une grande partie de ses soldats sont nés et ont grandi en Cisjordanie. Ce sont des colons de 2ᵉ et 3ᵉ générations " qui sont " chargés d’opérations de police et de contre-insurrection en Cisjordanie ", souligne David Khalfa: " un nombre significatif d’entre eux – pas tous – a commis des exactions et l’armée a imposé peu de sanctions ", en raison des pressions des puissants partis ultra-orthodoxes.

En janvier 2022, la mort d’Omar Assad, un Palestinien et citoyen américain, aux mains de soldats de Netzah Yehuda, a mis en lumière l’unité. Assad avait été maintenu allongé sur le ventre pendant plus d’une heure, menotté, bâillonné et les yeux bandés, à l’extérieur par une nuit d’hiver.

Une partie de la presse israélienne avait alors rappelé des épisodes largement impunis de tabassages et d’agressions de Palestiniens ainsi que d’insubordination associés au bataillon.

Le Jerusalem Post rappelait que ses soldats laissaient les colons attaquer des Palestiniens, tandis que le quotidien Haaretz dénonçait la " claire connexion idéologique entre les habitants des colonies et implantations sauvages " de Cisjordanie " et les soldats de Netzah Yehuda ".

" Au sein de l’armée (israélienne), les débats sont vifs " autour de Netzah Yehuda, certains estimant " dangereux pour l’armée de regrouper autant de jeunes partageant la même idéologie nationaliste ", note M. Khalfa.

Après la mort d’Assad et les demandes d’enquête de Washington, le bataillon a été transféré sur le plateau du Golan, près de la frontière syrienne.

Mais depuis le 7 octobre et l’offensive menée par Israël dans la bande de Gaza en riposte à l’attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien, " l’armée a dû remobiliser cette unité en Cisjordanie, ce qui a de nouveau donné lieu à un certain nombre de comportements problématiques ", note David Khalfa.

" Ce qui conduit les Etats-Unis à envisager des sanctions contre Netzah Yehuda, c’est surtout le sentiment d’impunité " dont bénéficie cette unité, estime-t-il.

" Le bataillon opère avec professionnalisme et courage, conformément au code de conduite des forces israéliennes et dans le respect absolu du droit international ", a récemment assuré l’armée israélienne à propos des possibles sanctions américaines.

Aymeric Vincenot, avec AFP