Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, sera reçu lundi à Ankara par le président turc Recep Tayyip Erdogan, un rendez-vous dont les deux dirigeants disent attendre la poursuite de l’embellie entre leurs pays, voisins et membres de l’Otan.

Après des décennies de reproches et de tensions entre Athènes et Ankara, entrecoupées de courtes périodes de réconciliation, cette visite qui fait suite à celle de M. Erdogan en Grèce en décembre s’inscrit dans une phase de "résolution des problèmes", a déclaré M. Erdogan au quotidien grec Kathimerini.

"Il nous appartient d’apaiser les relations entre les deux pays (…) pour garantir que la paix et la tranquillité règnent pour toujours des deux côtés de la mer Égée", a-t-il ajouté, disant vouloir "élever le niveau des relations bilatérales à un niveau inédit". "Nous ne sommes pas ennemis, nous sommes voisins", a abondé M. Mitsotakis dans un entretien publié dimanche par le journal turc Milliyet, disant vouloir "avancer sur une voie constructive". "Ce n’est pas un chemin facile", a-t-il reconnu, estimant toutefois cet effort nécessaire pour faire face à des " défis communs ", tels que les flux migratoires en mer Égée.

"Forte insatisfaction"

En décembre, les deux dirigeants, également opposés sur le dossier chypriote et rivaux en Méditerranée orientale, avaient signé une déclaration de "bon voisinage".

Malgré cette phase d’apaisement, enclenchée à la faveur du séisme qui a tué plus de 50.000 personnes dans le sud-est de la Turquie début 2023, la réouverture récente en tant que mosquée de l’ex-église orthodoxe Saint-Sauveur-in-Chora d’Istanbul, trésor du patrimoine byzantin, a irrité les autorités grecques. Le président Erdogan avait ordonné sa reconversion en août 2020, un mois après la réouverture au culte musulman de l’ancienne basilique Sainte-Sophie. Les premiers fidèles y ont été accueillis le 6 mai, au lendemain des Pâques orthodoxes.
M. Mitsotakis a exprimé "sa forte insatisfaction": "les mosquées ne manquent pas dans la ville. Ce n’est pas une façon de traiter le patrimoine culturel", a-t-il réagi cette semaine, rappelant qu’Istanbul "fut la capitale de Byzance et de l’Orthodoxie pendant plus de mille ans".

Samedi, le Premier ministre grec, dont la précédente visite en Turquie en mars 2022 avait été suivie de vives tensions, a affirmé qu’il demanderait au président Erdogan d’"inverser la décision" de reconvertir en mosquée Saint-Sauveur-in-Chora.

"Évaluer les progrès"

"Ma visite sera l’occasion d’évaluer les progrès que nous avons réalisés au cours des derniers mois", a ajouté dimanche le dirigeant grec.

En décembre à Athènes, MM. Erdogan et Mitsotakis avaient notamment acté la délivrance de "visas spéciaux" aux touristes turcs pour dix îles de la mer Égée proches des côtes turques, dont Lesbos, Chios, Samos et Rhodes. Dès le premier mois de leur entrée en vigueur, en avril, l’arrivée des touristes turcs a été triplée par rapport à la même période l’an dernier.

Malgré les différends qui subsistent, l’heure n’est plus aux poussées de fièvre, comme lorsqu’Ankara accusait Athènes d’armer les îles qui font face à la Turquie, ou quand M. Erdogan menaçait de "débarquer en pleine nuit" chez son voisin.

Ces déclarations avaient conduit le Congrès américain à bloquer la livraison d’avions de chasse F-16 à la Turquie, membre le plus oriental de l’Alliance atlantique. Veto finalement levé en janvier, en même temps que la livraison de F-35 à Athènes, autre allié au sein de l’Otan.

Restent l’occupation depuis 1974 d’un tiers de Chypre par la Turquie, qui y a fondé la République turque de Chypre-Nord (RTCN) non reconnue internationalement et les différends sur la gestion des flux migratoires. Mais les deux pays entendent continuer de stimuler leurs échanges commerciaux, pour les porter de près de six milliards de dollars actuellement à dix milliards.

Par Anne Chaon, avec Marina Rafenberg, AFP