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"Ce matin, vers 9 heures (heure de Gaza), des camions transportant de l’aide humanitaire ont commencé à débarquer (un premier chargement) par une jetée temporaire" sur la côte de Gaza. Le Commandement militaire central américain (Centcom) a ainsi annoncé, vendredi, l’achèvement de la construction d’une jetée provisoire qui permettra d’acheminer davantage d’aide humanitaire à Gaza.

Le président américain, Joe Biden, avait annoncé que l’armée américaine allait construire ce port temporaire au large de Gaza lors de son discours sur l’état de l’Union, en mars. Cette démarche a été perçue comme une tentative d’apaiser les critiques au sein de son propre parti démocrate, notamment à l’approche des élections présidentielles, en novembre.

La mise en place de la jetée était initialement envisagée comme une solution supplémentaire pour fournir de l’aide à la population de Gaza, désespérément en manque de nourriture et de fournitures. Cependant, en raison de l’incursion en cours à Rafah et de la fermeture de tous les passages routiers, cette prouesse d’ingénierie militaire pourrait devenir le seul moyen d’acheminer de l’aide dans la bande de Gaza assiégée.

Les composants

La jetée est essentiellement un assemblage de pièces métalliques construit en mer, proche de l’eau, et pouvant varier en longueur selon les exigences de la mission. Cette capacité, appelée Joint Logistics Over-the-Shore (ou logistique conjointe sur le littoral), comprend deux composants:

Le premier est une barge flottante, ancrée au large de Gaza, représentant le point d’arrivée initial de l’aide. Elle sert de plateforme stable pour transférer les palettes des grands navires commerciaux vers de plus petits navires militaires pouvant s’approcher davantage du rivage. Ces embarcations de taille réduite peuvent transporter entre cinq et quinze camions d’aide chacune.

Le deuxième composant est une jetée en forme de trident, une chaussée de 550 mètres ancrée au rivage. Les camions sont déchargés des petits navires et acheminés jusqu’à la plage.

Pour permettre à la jetée de s’ancrer dans le sable, des bulldozers militaires ont creusé une tranchée massive menant la jetée à un point d’entrée rempli d’eau (une mare aux canards). Une fois le bassin de réception créé, la jetée a été enfoncée à 12 mètres dans le sable à une vitesse de 5 nœuds.  À ce stade, des ancres enterrées et des remorqueurs sont utilisés et entretenus en permanence pour maintenir la jetée en place, permettant ainsi aux camions de monter et de descendre en toute sécurité.

"Les composants de la jetée ont été chargés sur la côte est des États-Unis et ont parcouru 11.000 kilomètres avant d’être assemblés au large de la côte de Gaza", a déclaré le vice-amiral Brad Cooper, commandant adjoint du Centcom, lors d’une déclaration à la presse, le 15 mai. Pour cette mission, 14 navires américains et de pays partenaires ont été mobilisés, ainsi que 1.000 militaires. L’assemblage final a eu lieu dans le port israélien d’Ashdod avant que le navire associé à la construction ne se dirige vers Gaza. Bien que la construction ait été achevée la semaine dernière, les conditions météorologiques ont retardé la manœuvre finale jusqu’à jeudi.

Sur la terre ferme, des ingénieurs militaires israéliens ont dirigé la mise en place de la jetée, comme l’a indiqué le vice-amiral Cooper. "Les ingénieurs militaires ont préparé la plage de Gaza et ont sécurisé la jetée temporaire en place. Ils ont été spécialement formés pour cette mission par des ingénieurs de l’armée américaine au cours des semaines précédentes, sur une plage en Israël", a déclaré Cooper aux journalistes jeudi.

© AFP Sources: Ministre de la Défense et armée des États-Unis

Procédures opérationnelles

L’aide part de Chypre, où elle est assemblée, palettisée et chargée à bord de cargos. Elle fait l’objet d’une inspection à Chypre pour éviter tout contrôle supplémentaire et ralentissement une fois arrivée sur les côtes de Gaza.

Chypre joue un rôle d’accueil en fournissant installations portuaires, logistique et organisation. Cette fonction "est intégrée à une cellule de coordination multinationale comprenant divers acteurs tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et les Émirats arabes unis, entre autres", a souligné Dan Diekhaus, directeur de la réponse de l’USAID, lors d’un briefing de presse, le 16 mai.

L’aide entame ensuite un voyage de quelque 370 kilomètres, soit une traversée d’environ 15 heures. Une fois le navire arrivé au JLOTS, cette aide est transférée par des navires militaires américains à la chaussée attachée à la côte. À partir de là, des camions assurent sa livraison à Gaza. Selon Cooper, "ces camions sont conduits par un tiers sur la chaussée jusqu’à la terre ferme, où les marchandises sont déchargées. Ces camions répètent ensuite ce processus en boucle".

À aucun moment les troupes américaines ne sont physiquement déployées sur le terrain, ce qui signifie qu’il n’y a aucun risque pour le personnel de l’armée.

La sécurité sur la plage est assurée par l’armée israélienne. Une fois l’aide débarquée, les Nations unies et le Programme alimentaire mondial (PAM) prennent en charge la coordination de la livraison et de la distribution à l’intérieur de Gaza. "Ce sont deux processus distincts."

Enjeux

Selon la déclaration du Centcom vendredi, "la jetée est le fruit d’un effort multinational continu visant à fournir une aide supplémentaire aux civils palestiniens de Gaza par le biais d’un corridor maritime entièrement humanitaire".

Actuellement, c’est également le seul passage disponible pour acheminer l’aide à Gaza, tous les autres points de passage ayant été fermés depuis le début de l’incursion à Rafah, au début de la semaine dernière.

Cependant, la jetée est inopérable par mauvais temps, lorsque les vagues sont hautes ou que le vent souffle fort.

Au départ, la jetée devrait assurer la livraison de 90 camions d’aide par jour, avant de passer à 150 par jour une fois parvenue à plein rendement. Or, selon les organisations internationales d’aide, 500 camions sont nécessaires chaque jour.

Un autre inconvénient est que chaque étape supplémentaire entraîne une augmentation des coûts de livraison de l’aide, qui viennent s’ajouter au coût réel du corridor, estimé à 320 millions de dollars par le Pentagone.

Une solution plus simple et plus économique consisterait à ouvrir des passages routiers pour permettre aux camions d’entrer dans la bande de Gaza.

Interrogée par des journalistes, le 16 mai, sur la durée pendant laquelle la jetée resterait au large de la côte de Gaza, la secrétaire de presse adjointe du Pentagone, Sabrina Singh, a déclaré qu’elle n’avait pas de calendrier précis. "Elle est conçue pour être temporaire et ne servira pas de moyen permanent pour acheminer de l’aide à Gaza", a-t-elle précisé.

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