En annonçant son départ dès mardi soir pour la Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron a repris en main le dossier calédonien jusqu’ici confié à Beauvau et Matignon, en faisant le pari d’un retour rapide à l’ordre dans l’archipel après une semaine d’émeutes meurtrières.

Surprise du chef: en Conseil des ministres mardi, le président de la République a annoncé son départ "sur place dès ce soir", "pour y installer une mission", a fait savoir la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot après cette réunion à l’Élysée.
L’entourage du chef de l’État a ensuite expliqué à l’AFP les raisons de ce voyage impromptu: "Il y va pour écouter, échanger, discuter avec les élus calédoniens", mais aussi "pour soutenir les Calédoniens et les forces de sécurité intérieure qui sont mobilisées pour rétablir l’ordre républicain".

Un millier de policiers et de gendarmes ont été envoyés en renfort dans le territoire d’outre-mer, où l’on déplore six morts dont deux gendarmes depuis le début de la crise.

Le retour à l’ordre reste la priorité affichée par l’exécutif, qui assure par la voix de Mme Thevenot que la situation "est en voie de se normaliser". De ce fait, la question d’une prolongation de l’état d’urgence en vigueur dans l’archipel depuis mercredi "n’a pas été abordée en Conseil des ministres", selon la porte-parole.

Pas plus qu’un éventuel report de la réforme contestée du corps électoral local, qui a mis le feu aux poudres. En partie à cause de l’ultimatum fixé par M. Macron, qui souhaitait un vote définitif du Congrès "avant la fin juin", à défaut d’accord entre indépendantistes et loyalistes.

"Plus de fusible"

Selon son entourage, le président "apportera à l’issue de son déplacement les réponses aux nombreuses questions légitimes que se posent les Calédoniens, tant sur le volet de la reconstruction que sur le volet politique". C’est à ce moment-là qu’il doit annoncer cette "mission", qui devrait sauf surprise être confiée à des hauts fonctionnaires plutôt qu’à des personnalités politiques de haut rang.

La visite sur place se concentrera sur la journée de jeudi, compte tenu du long trajet jusqu’aux antipodes et des conditions de sécurité encore précaires sur place.

"Si le président de la République s’apprête à faire autant de kilomètres", "c’est parce qu’il croit que sa présence physique pour inciter les uns et les autres à dialoguer peut être utile", a dit à la presse un membre de son entourage.

Emmanuel Macron avait déjà tenté de débloquer ce dialogue au point mort entre indépendantistes et non indépendantistes, par une visioconférence initialement prévue jeudi dernier. Mais l’échange avait dû être annulé. Et l’invitation que le Premier ministre Gabriel Attal devait adresser aux élus calédoniens pour qu’ils viennent à Paris ne s’est pas matérialisée.

L’Élysée fait valoir désormais que le contexte rend difficile un tel déplacement groupé dans l’Hexagone. "Si les élus calédoniens ne peuvent légitimement pas venir à lui, alors c’est au président d’aller à eux", estime un conseiller.

En attendant, ce "déplacement du plus haut niveau de l’État" est déjà salué par le député calédonien Philippe Dunoyer (Renaissance), qui y voit "une initiative très forte" et se réjouit de "l’installation de cette mission" réclamée par la plupart des forces politiques françaises.

Le chef de l’État "doit désormais prendre ses responsabilités et tout faire pour retrouver le chemin du dialogue", a insisté Arthur Delaporte au nom des députés socialistes, qui appellent toujours à "suspendre le calendrier d’examen de la réforme constitutionnelle".

"Cette loi est un catalyseur", a abondé Aude Luquet pour les députés MoDem, qui souhaitent également "reporter le Congrès" afin "qu’on retrouve l’apaisement". Seul le chef des députés Les Républicains, Olivier Marleix, a demandé "que cette réforme de la Constitution aille à son terme".

Un autre député de droite juge pour sa part ce déplacement "prématuré" et prévient qu’en se plaçant en première ligne, Emmanuel Macron n’aura "plus de fusible".

Du côté de Matignon, on souligne que le président "se rend en Nouvelle-Calédonie pour fixer le cadre et qu’ensuite le Premier ministre pilotera les travaux".

Gabriel Attal aura bien "aussi l’occasion d’y aller, pas immédiatement mais dans les semaines à venir", a indiqué Mme Thevenot. Selon un conseiller de l’exécutif, ce voyage pourrait n’intervenir qu’après les élections européennes du 9 juin.

Francesco Fontemaggi, avec AFP

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