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Un électrochoc, un pari dangereux et risqué, avec comme perspective l’élection présidentielle de 2027… En annonçant hier soir, à la stupéfaction générale, la dissolution de l’Assemblée nationale, après la victoire fulgurante de l’extrême droite française aux élections européennes, le président Emmanuel Macron a provoqué un véritable séisme en prenant l’audacieuse décision de donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Il joue en quelque sorte le tout pour le tout, à un moment où la France et l’Union européenne traversent une zone de fortes turbulences.

Le président Macron a initié ainsi une manœuvre en deux temps, avec comme objectif à court et moyen termes de stopper l’ascension du Rassemblement national (RN) et, surtout, de barrer la route de l’Élysée à son chef, Marine Le Pen. En convoquant les Français à des élections législatives anticipées, qui seront organisées au pas de charge dans un délai de seulement trois semaines à un mois (pour le premier et le second tour), il espère sans doute provoquer un électrochoc politique dans le but de susciter l’émergence, dans l’urgence, d’un nouveau vaste rassemblement républicain susceptible d’infliger une défaite électorale au RN. Auquel cas, il aurait sensiblement freiné l’irrésistible élan électoral de l’extrême droite qui risquait de déboucher sur une victoire de Mme Le Pen à l’élection présidentielle de 2027.

Dans le cas de figure où cet hypothétique "sursaut" politique visant à faire barrage au RN s’avèrerait irréalisable, l’extrême droite serait alors amenée à former un nouveau gouvernement, dans le cadre d’une (difficile) cohabitation entre l’Élysée et Matignon. C’est à ce niveau précis qu’interviendrait le second temps de la manœuvre du président Macron. Car le pouvoir use, il corrompt même, et la gestion, dans la réalité, des affaires publiques en période de crise, en mettant les mains en plein dans le cambouis, pourrait, avec de très fortes chances, dévoiler au grand jour toutes les faiblesses, toutes les failles, peut-être aussi les incompétences de l’équipe au pouvoir. De quoi compromettre sérieusement ce qui paraissait comme une victoire inéluctable de Mme Le Pen en 2027.

Le grave et dangereux risque pris par le maître de l’Élysée est que le RN fasse ses preuves, qu’il soit capable de faire montre de maturité politique, qu’il arrondisse les angles dans certaines de ses positions, et qu’il réussisse dans l’exercice du pouvoir exécutif, là où la majorité sortante a échoué, même si le président Macron et la nouvelle opposition s’emploient à lui rendre la vie particulièrement difficile. Les chefs du RN se disent fins prêts à assumer le pouvoir avec succès. Auquel cas, la route de l’Élysée sera grande ouverte à Marine Le Pen. Cette perspective poussera-t-elle les électeurs français à faire barrage au RN dès le 30 juin prochain? Encore faut-il que cette même perspective constitue un réel électrochoc pour les partis susceptibles de présenter un front uni et efficace face à la formation de Mme Le Pen.

Le coup de poker joué par le président Macron est d’autant plus risqué que d’une manière générale, nombre de pays de l’Union européenne connaissent une poussée irrésistible de l’extrême droite. Dans un contexte trouble marqué par une vaste immigration chaotique, par une insécurité rampante, par les menaces terroristes aux connotations sectaires anti-occidentales, et surtout par les risques de dérapage et d’extension de la guerre en Ukraine, le Vieux Continent pourrait être confronté aujourd’hui à une sérieuse crise existentielle. Celle-ci nécessiterait sans doute de prendre de grandes décisions, de rappeler aussi certaines valeurs sociétales essentielles basées, malgré tout, sur le respect des droits humains et le rejet de toute tentation totalitaire contraire aux fondements de la société occidentale. Le RN est-il vraiment prêt à relever un tel défi? Le président Macron aurait-il tendu un piège sur ce plan à l’extrême droite? Aux électeurs français de trancher aujourd’hui dans le vif…