Le ministre de la Défense britannique a agacé l’Ukraine en évoquant un " parfum de Munich dans l’air " à propos de la crise russo-occidentale, référence à l’accord avec l’Allemagne nazie qui n’avait pu empêcher la Seconde Guerre mondiale.

La Russie peut " lancer une offensive à tout moment ", avec environ 130000 de ses soldats positionnés le long de la frontière ukrainienne, a estimé Ben Wallace, qui s’est rendu vendredi à Moscou pour plaider pour une désescalade, dans un entretien publié par le Sunday Times. " Il se peut qu’il (Poutine) rappelle simplement ses chars et que nous rentrions tous chez nous, mais il y a un parfum de Munich dans l’air venant de certains Occidentaux ", a-t-il ajouté.

L’accord de Munich de 1938 permettant l’annexion allemande des Sudètes, un territoire situé à l’est de l’Allemagne, dans l’ancienne Tchécoslovaquie, est resté dans l’Histoire comme un symbole de la capitulation diplomatique des démocraties européennes face à l’Allemagne nazie, l’année d’avant le déclenchement de la guerre. L’ambassadeur d’Ukraine au Royaume-Uni, Vadim Pristaïko, a critiqué l’emploi de ces termes dans un contexte particulièrement tendu entre la Russie et les occidentaux. " Ce n’est pas le meilleur moment pour nous d’offenser nos partenaires dans le monde, en leur rappelant cet acte qui n’a pas acheté la paix, mais le contraire, il a acheté la guerre ", a déclaré le diplomate à la BBC. " Il y a de la panique partout, non seulement dans l’esprit des gens, mais aussi sur les marchés financiers ", a-t-il ajouté, avertissant que cela " nuit à l’économie ukrainienne à peu près au même niveau que les personnes quittant l’ambassade ".

Le ministre britannique chargé de l’Irlande du Nord, Brandon Lewis, a expliqué que son collègue Ben Wallace avait voulu faire " la comparaison entre les tentatives diplomatiques à l’approche de la Seconde Guerre mondiale et la tentative diplomatique que nous faisons tous maintenant " autour de l’Ukraine. A l’approche de la seconde guerre mondiale, " il y avait beaucoup d’efforts diplomatiques, les gens pensaient qu’il y avait des progrès, mais ça n’a pas été le cas ", a expliqué M. Lewis sur SkyNews dimanche. Le Royaume-Uni espère une " issue diplomatique " mais " quelque chose de beaucoup plus tragique pourrait se produire ", s’est-il inquiété.

Moscou, qui a déjà annexé la Crimée en 2014, nie toute velléité agressive envers l’Ukraine, mais conditionne la désescalade à une série d’exigences, notamment l’assurance que Kiev n’intégrera jamais l’Otan. Une condition que les Occidentaux jugent inacceptable. Plusieurs séries de pourparlers ces derniers jours n’ont pas permis de progresser vers une résolution de la crise, que les Occidentaux décrivent comme l’une des plus dangereuses depuis la fin de la Guerre froide il y a trois décennies.

A Moscou, le ministre de la Défense britannique a reçu un accueil glacial. " Hélas le niveau de notre collaboration est presque à zéro et va bientôt passer la barre du zéro et devenir négatif ", a estimé vendredi son homologue russe Sergueï Choïgou. La rencontre de la veille à Moscou entre la ministre des Affaires étrangères Liz Truss et son homologue russe Sergueï Lavrov s’était elle aussi conclue par des mots acerbes, M. Lavrov comparant leurs échanges à une " conversation entre un sourd et un muet ". " Préoccupé par l’aggravation de la situation en Ukraine ", Ben Wallace a annoncé dimanche sur Twitter qu’il annulait un long week-end familial à l’étranger.

En août dernier, l’ancien ministre des Affaires étrangères britannique Dominic Raab avait été très critiqué pour être resté en vacances en Crète alors que Kaboul tombait aux mains des talibans. Il avait été écarté de la diplomatie peu après.

AFP