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Au lendemain du premier duel de la campagne présidentielle qui a opposé l’actuel président américain, Joe Biden, à son prédécesseur, Donald Trump, des inquiétudes ont été exprimées, suscitées par la performance du locataire démocrate de la Maison blanche, sur sa capacité à continuer de diriger le pays.

Elles ont été répercutées dans les médias américains, mais aussi internationaux, et ont été associées à des commentaires quant à la suite de la course à la présidentielle. Un retrait de Joe Biden de la course serait-il envisagé? Plus important encore, est-il concrètement possible?

Organisé jeudi par la chaîne américaine CNN, le débat qui a duré 90 minutes aurait, du moins sur la forme, tourné à l’avantage de l’ancien président républicain, récemment condamné lors d’un procès pénal. Face à un adversaire à la voix enrouée, par moments perturbé et "souffrant d’un rhume", comme l’ont avancé les démocrates à l’issue de la confrontation télévisée, Donald Trump aurait marqué un point dans cette course qui devrait prendre fin le 5 novembre prochain. À tel point qu’il pourrait être question, pour les démocrates, d’envisager de remplacer leur candidat par un autre. Une telle démarche est-elle possible? Qui seraient les potentiels candidats en cas de remplacement ou de retrait de Biden?

"Ce débat a provoqué un tremblement de terre à Washington. Alors qu’en temps normal, le premier débat est loin d’être décisif, celui-ci le sera indubitablement, en raison de la mauvaise performance de M. Biden", signale Marie-Christine Bonzom, politologue, journaliste (Voice of America, BBC, puis Le Devoir) et spécialiste des États-Unis.

Basée pendant près de trente ans à Washington, Mme Bonzom avait été une des rares analystes à avoir entrevu la victoire de Donald Trump en 2016. " La fragilité du candidat démocrate vient confirmer ce que craint la majorité des Américains depuis longtemps, c’est à dire qu’il est non seulement incapable d’assurer un second mandat, mais aussi d’achever l’actuel ", affirme celle qui a couvert pas moins de sept campagnes et élections présidentielles aux États-Unis.

Or, au cas où le camp Biden continuerait de s’accrocher à sa candidature, les conséquences seraient sismiques, "non seulement pour le locataire de la Maison blanche et pour l’avenir de sa campagne, mais aussi pour l’image du parti démocrate qui, pendant des mois, notamment depuis septembre dernier, a nié tout problème fondamental au niveau de l’acuité mentale et physique du président", indique Mme Bonzom.

Pour supplanter le président démocrate, une combinaison de trois éléments principaux est nécessaire: son retrait volontaire (ou provoqué), une décision sur le timing et une logistique pour désigner le ou la candidate.

Retrait et Timing

Si le statut interne du parti rend quasi impossible le remplacement d’un candidat sans son consentement, les démocrates devront miser sur les moyens de convaincre le président actuel de se retirer de la course. Cela n’est toutefois pas sans conséquences. Il faut d’abord noter que Donald Trump et Joe Biden ne sont pas les candidats officiels des deux partis. Ils sont, à l’heure actuelle, des candidats présomptifs, qui n’ont pas encore été officiellement adoubés par leurs partis respectifs. Cela devra se faire lors des conventions nationales, prévues en août.

Pour procéder donc au remplacement du président Biden, plusieurs scénarios sont possibles. "Si Biden décide de se retirer avant la convention nationale, qui se tiendra, pour les démocrates, entre le 19 et le 22 août, le Comité national démocrate (DNC) devra organiser une réunion spéciale, probablement en juillet, pour sélectionner un nouveau candidat", explique Jean Sébastien Guillaume, fondateur du cabinet Celtic Intelligence. Cela se fait généralement, d’après lui, par un vote majoritaire parmi les membres du DNC. Cependant, "ce scénario est très complexe, en raison de la structure du parti et du calendrier des primaires", indique-t-il.

Cela signifie qu’au moment où une telle décision devra être prise, les délais seront restreints pour permettre au nouveau candidat de rassembler suffisamment de délégués à travers les primaires qui prennent fin au mois de juin.

Si le camp Biden continue de soutenir la candidature du président, "les grands notables du camp démocrate pourraient exercer une pression accrue pour tenter d’approcher le locataire de la Maison Blanche et lui demander de se retirer", souligne Mme Bonzom. S’ils échouent à le convaincre d’une telle démarche, ces grands notables – qui constituent ce qu’on appelle les super délégués – ainsi que les autres délégués – dits ordinaires – "pourront alors organiser une soirée, lors de laquelle ils rendront hommage à Biden et à ses accomplissements, et lanceront le processus de transition vers un nouveau candidat", affirme la politologue.

Le troisième cas de figure, qui est le plus probable selon les experts, c’est que le retrait du locataire de la Maison blanche se fasse lors de la convention nationale des démocrates, en août. "Ce processus pourrait mener à des négociations intenses et à des manœuvres entre les candidats potentiels" (voir la liste au bas de l’article, ndlr), explique M. Guillaume.

"Il existe, pour cela, un mécanisme qui permet de nommer un autre candidat: celui selon lequel les super délégués qui, contrairement aux délégués ordinaires, ne sont pas tenus au choix des candidats tel qu’exprimé lors des primaires, pourraient procéder à une nouvelle désignation", note Mme Bonzom.

Un quatrième scénario, quasi impossible, selon lequel le président Biden serait jugé inapte ou déciderait de se retirer de la course après la convention, risquerait de compliquer la situation pour les démocrates. "Le DNC devra alors convoquer une réunion spéciale afin de choisir son remplaçant, ce qui implique des considérations juridiques relatives à l’accès aux bulletins de vote et aux dates limites de chaque État", signale M. Guillaume.

Qui pourrait remplacer Biden?

Les candidats potentiels à la course sur la liste des démocrates seraient au nombre de neuf, avec une priorité pour les quatre premiers, selon certains experts.

  • Kamala Harris: en tant que vice-présidente actuelle, Harris pourrait succéder à Biden, bien que ses taux d’approbation et sa performance lors des primaires de 2020 aient suscité des préoccupations parmi certains membres du parti.
  • Gavin Newsom: le gouverneur de Californie s’est positionné comme un candidat solide en renforçant son profil national et en s’engageant dans des batailles politiques de haut niveau.
  • Gretchen Whitmer: la gouverneure du Michigan a attiré l’attention nationale par son leadership et a été suggérée par beaucoup au sein du parti comme une candidate forte.
  • J.B. Pritzker: le gouverneur de l’Illinois, connu pour ses politiques progressistes et sa fortune personnelle substantielle, ce qui pourrait être avantageux dans une campagne nationale.
  • Phil Murphy: le gouverneur du New Jersey, également mentionné comme un candidat potentiel en raison de son leadership et de ses réalisations politiques.
  • Pete Buttigieg: le secrétaire aux Transports et ancien maire de South Bend, Indiana, qui a mené une campagne solide lors des primaires de 2020 et maintient une base nationale significative.
  • Amy Klobuchar: sénatrice du Minnesota, connue pour sa position modérée et sa forte performance lors des primaires de 2020.
  • Cory Booker: le sénateur du New Jersey, qui a aussi maintenu son profil national actif et conserve une base de partisans qui lui sont dévoués.
  • Elizabeth Warren: la sénatrice du Massachusetts, qui dispose d’un réseau de base solide et d’un fort soutien parmi les démocrates progressistes.

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