Les procureurs fédéraux qui poursuivent Donald Trump pour tentatives illicites d’inverser les résultats de la présidentielle de 2020 et ses avocats ont ferraillé jeudi sur le calendrier, pour leurs retrouvailles au tribunal après plus de dix mois d’éclipse.

Les débats devant la juge fédérale Tanya Chutkan à Washington étaient les premiers depuis qu’elle a recouvré le contrôle de ce dossier en août, après la décision inédite de la Cour suprême reconnaissant une large immunité pénale au président des États-Unis.

Ils ont été dominés par les conséquences de cet arrêt sur un éventuel procès, prévu initialement à partir du 4 mars 2024, et dont la tenue avant l’élection du 5 novembre apparaît hautement improbable.

"Je n’ai pas l’intention de décider d’un calendrier à l’audience", a d’emblée prévenu la juge Chutkan.

Par une majorité de six voix contre trois – les juges conservateurs contre les progressistes – la Cour suprême a considéré le 1ᵉʳ juillet que le président ne jouissait "d’aucune immunité pour ses actes non officiels", mais avait "droit au moins à une présomption d’immunité pour ses actes officiels".

La Cour a donc assigné au tribunal de première instance la tâche de déterminer quels actes étaient potentiellement immunisés de poursuites pénales.

L’un des procureurs, Thomas Windom, a proposé que l’accusation prenne l’initiative en présentant par écrit dans trois semaines ses arguments. L’accusation compte démontrer en quoi les actes poursuivis relèvent de la personne privée de Donald Trump et ne sont donc pas couverts par l’immunité pénale.

L’avocat de Donald Trump, John Lauro, a dénoncé au contraire un calendrier "extrêmement préjudiciable pour le président Trump". Il a exigé que la juge tranche en priorité la question de savoir si l’immunité présidentielle couvrait les conversations entre Donald Trump et son vice-président de l’époque Mike Pence, qui sont au cœur du dossier.

"Si ces communications sont couvertes par l’immunité, alors l’ensemble des poursuites sont illégitimes", et tout le dossier s’effondre, a-t-il argué, assurant que l’accusation n’arriverait jamais à prouver le caractère non officiel de ces échanges entre les deux têtes de l’exécutif.

Cascade de recours

L’ex-président et candidat républicain au scrutin de novembre, qui a renoncé à comparaître jeudi, a donné instruction à ses avocats de déclarer officiellement qu’il plaidait de nouveau non coupable.

Le 27 août, le procureur spécial Jack Smith a publié un acte d’accusation révisé afin de tenir compte de l’arrêt de la Cour suprême, qui reprend toutefois les mêmes lourdes charges.

Donald Trump reste donc inculpé de "complot contre les institutions américaines" et d’"atteinte au droit de vote" des électeurs pour ses pressions présumées sur les autorités locales de plusieurs États clés afin d’invalider les résultats officiels du scrutin remporté par le démocrate Joe Biden.

Sans surprise, la défense a proposé la semaine dernière un calendrier qui s’étale bien au-delà du jour du scrutin présidentiel et même de la passation de pouvoirs en janvier 2025.

De son côté, le procureur spécial n’a pas mentionné de date, s’en remettant à la décision de la juge. Mais Jack Smith lui a demandé d’examiner cette question sans attendre de s’être prononcée sur les divers recours en annulation de la défense.

Visé par plusieurs procédures pénales, Donald Trump fait feu de tout bois pour passer en jugement le plus tard possible, en tout cas après le vote.

S’il était de nouveau élu, il pourrait, une fois investi en janvier 2025, ordonner l’arrêt des poursuites fédérales à son encontre.

Par Selim Saheb Ettaba avec AFP