©Au fil des ans, Moscou a tissé une toile diplomatique qui semble aujourd'hui amortir le coup des sanctions occidentales. (Photo by Mikhail KLIMENTYEV / SPUTNIK / AFP)
Alors que l’invasion de l’Ukraine s’installe dans le temps, certains pays rechignent à se froisser durablement avec Moscou.
Si la Russie a été rapidement mise au ban des nations par les pays Occidentaux – Union européenne et Etats-Unis en tête – et durement sanctionnée, d’autres grands pays tels que l’Inde, la Chine, les pays du Golfe et certains pays africains souhaitent préserver une relation cordiale avec Moscou, certains accordant la priorité à leurs relations économiques, d’autres étant dans une situation de forte dépendance envers Moscou.
« Un certain nombre de pays africains sont engagés dans une coopération avec la Russie, et ce depuis plusieurs années, notamment la République Centrafricaine qui a un accord de coopération militaire avec Moscou », explique à Ici Beyrouth le géopolitologue Saidik Abba, spécialiste de l’Afrique. « Il y a clairement un retour de la Russie sur la scène diplomatique, qui remonte au Sommet de Sotchi au cours duquel Vladimir Poutine avait rassemblé un très grand nombre de pays africains. La Russie compte sur certains pays africains pour briser son isolement diplomatique actuel. Certains pays dépendent de la Russie sur le plan de la fourniture de céréales, donc tout cela fait qu’il existe une diplomatie alimentaire, une diplomatie de l’équipement militaire et une diplomatie de la sécurité que la Russie utilise en Afrique pour briser son isolement diplomatique décidé par les États-Unis et l’Occident », selon l’analyste.
Sur l’ensemble du continent africain, d’autres pays resserrent leurs liens avec Moscou à l’aune des derniers développements. « C’est la Russie qui a fourni des armes à la Centrafrique avec une dérogation des Nations unies. Par la suite, la Russie y a dépêché des instructeurs pour former l’armée centrafricaine. À côté de cela, il y a la société de sécurité privée Wagner qui aide le gouvernement du président Touadéra. Sur le plan diplomatique, la Russie et la Centrafrique entretiennent des liens étroits qui ont provoqué une crispation de la France », souligne Saidik Abba.
Dépendance vis-à-vis de Moscou
Un autre grand pays s’est récemment brouillé avec la France. Depuis que les liens entre Bamako et Paris se sont refroidis avec la décision de cesser l’opération Barkhane, la junte malienne s’est intensivement rapprochée de Moscou. La Russie est aujourd’hui le partenaire militaire privilégié du Mali.
Khartoum, isolé diplomatiquement depuis le putsch militaire d'octobre, n’a cessé aussi de se rapprocher de la Russie. La preuve ? À la veille du déclenchement par Vladimir Poutine des hostilités en Ukraine, une délégation soudanaise entamait le 23 février huit jours de rencontres de haut niveau en Russie.
« À côté du Mali dont on parle beaucoup, il y a effectivement le Soudan, relève Saidik Abba, où il existe un projet d’installation d’une base militaire russe. D’autres pays africains entretiennent des relations avec la Russie de très longue date : la Guinée d’Alpha Condé, ou encore l’Algérie qui est un partenaire de la Russie. L’essentiel de l’armement algérien a été acquis en Russie et il existe une très bonne coopération entre les deux pays. L’Égypte aussi a acquis de nombreuses armes de la Russie. D’autres pays bénéficient du matériel militaire russe et de l’entretien de ce matériel garanti par Moscou. Je pense notamment au Congo Brazzaville, à l’Éthiopie et à l’Angola. La Russie utilise bien entendu ces soutiens, on l’a vu lors du vote à l’Assemblée générale des Nations Unies contre l’intervention russe : la moitié des pays qui se sont abstenus sont des pays africains. Le Sénégal, qui est un allié traditionnel de l’Occident, s’est également abstenu », explique le spécialiste du dossier.
Pétrole et diplomatie
Si les sanctions économiques américaines et européennes touchent durement la Russie, notamment par l’exclusion des grandes banques russes du système de transactions Swift, Moscou peut néanmoins compter sur ses partenaires du Golfe pour amortir le volet des sanctions qui pèse sur son économie. À commencer par l’Opep+, qui réunit les Émirats, l’Arabie Saoudite et la Russie, dans un accord-cadre signé en 2016. Riyad et Abou Dhabi refusent de rompre leurs liens et d'augmenter la production de pétrole, pour l’instant, malgré la pression des États-Unis.
De son côté, la Ligue arabe a déclaré « ne pas prendre parti entre les protagonistes du conflit » et « appelle à la paix et à la négociation », tandis que les Émirats arabes unis se sont abstenus de condamner la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU.
Alors que Washington maintient des liens stratégiques avec le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane – avec le dossier du nucléaire iranien en ligne de mire – les États du Golfe semblent donc récitent à l’idée d’écarter définitivement Moscou. Le principe de « solidarité autoritaire » peut également jouer, comme nous l’avions mentionné dans un précédent article relatif au sujet.
Transparence indienne
Du côté asiatique, le géant qu’est l’Inde n’a pas condamné l’invasion russe de l’Ukraine. Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a été reçu par le Premier ministre indien le 1ᵉʳ avril dernier. Lavrov a souligné « l’approche équilibrée » affichée par New Dehli. « Nous apprécions le fait que l’Inde appréhende cette situation en tenant compte de l’ensemble des faits et pas seulement de manière unilatérale », a-t-il déclaré. Signe de relations chaleureuses, Lavrov a fait part d’un « message personnel » de Vladimir Poutine au Premier ministre indien.
Ces signaux envoyés par l’Inde à l’attention des Occidentaux sont sans ambiguïté. Les transactions économiques avec Moscou n’ont pas faibli et la Russie équipe l’Inde en matériel militaire depuis plusieurs années, selon plusieurs rapports. Cette coopération ne semble pas pour l’heure remise en question.
Ces opérations de communication et de représentation diplomatique ont cependant donné lieu à de surprenants revirements de situation lorsque Washington a décidé de faire appel au Venezuela pour s’approvisionner en pétrole, en cas de pénurie suite à l’embargo américain contre le pétrole russe. Preuve que l’invasion de l’Ukraine semble avoir durablement modifié les rapports de force.
Si la Russie a été rapidement mise au ban des nations par les pays Occidentaux – Union européenne et Etats-Unis en tête – et durement sanctionnée, d’autres grands pays tels que l’Inde, la Chine, les pays du Golfe et certains pays africains souhaitent préserver une relation cordiale avec Moscou, certains accordant la priorité à leurs relations économiques, d’autres étant dans une situation de forte dépendance envers Moscou.
« Un certain nombre de pays africains sont engagés dans une coopération avec la Russie, et ce depuis plusieurs années, notamment la République Centrafricaine qui a un accord de coopération militaire avec Moscou », explique à Ici Beyrouth le géopolitologue Saidik Abba, spécialiste de l’Afrique. « Il y a clairement un retour de la Russie sur la scène diplomatique, qui remonte au Sommet de Sotchi au cours duquel Vladimir Poutine avait rassemblé un très grand nombre de pays africains. La Russie compte sur certains pays africains pour briser son isolement diplomatique actuel. Certains pays dépendent de la Russie sur le plan de la fourniture de céréales, donc tout cela fait qu’il existe une diplomatie alimentaire, une diplomatie de l’équipement militaire et une diplomatie de la sécurité que la Russie utilise en Afrique pour briser son isolement diplomatique décidé par les États-Unis et l’Occident », selon l’analyste.
Sur l’ensemble du continent africain, d’autres pays resserrent leurs liens avec Moscou à l’aune des derniers développements. « C’est la Russie qui a fourni des armes à la Centrafrique avec une dérogation des Nations unies. Par la suite, la Russie y a dépêché des instructeurs pour former l’armée centrafricaine. À côté de cela, il y a la société de sécurité privée Wagner qui aide le gouvernement du président Touadéra. Sur le plan diplomatique, la Russie et la Centrafrique entretiennent des liens étroits qui ont provoqué une crispation de la France », souligne Saidik Abba.
Dépendance vis-à-vis de Moscou
Un autre grand pays s’est récemment brouillé avec la France. Depuis que les liens entre Bamako et Paris se sont refroidis avec la décision de cesser l’opération Barkhane, la junte malienne s’est intensivement rapprochée de Moscou. La Russie est aujourd’hui le partenaire militaire privilégié du Mali.
Khartoum, isolé diplomatiquement depuis le putsch militaire d'octobre, n’a cessé aussi de se rapprocher de la Russie. La preuve ? À la veille du déclenchement par Vladimir Poutine des hostilités en Ukraine, une délégation soudanaise entamait le 23 février huit jours de rencontres de haut niveau en Russie.
« À côté du Mali dont on parle beaucoup, il y a effectivement le Soudan, relève Saidik Abba, où il existe un projet d’installation d’une base militaire russe. D’autres pays africains entretiennent des relations avec la Russie de très longue date : la Guinée d’Alpha Condé, ou encore l’Algérie qui est un partenaire de la Russie. L’essentiel de l’armement algérien a été acquis en Russie et il existe une très bonne coopération entre les deux pays. L’Égypte aussi a acquis de nombreuses armes de la Russie. D’autres pays bénéficient du matériel militaire russe et de l’entretien de ce matériel garanti par Moscou. Je pense notamment au Congo Brazzaville, à l’Éthiopie et à l’Angola. La Russie utilise bien entendu ces soutiens, on l’a vu lors du vote à l’Assemblée générale des Nations Unies contre l’intervention russe : la moitié des pays qui se sont abstenus sont des pays africains. Le Sénégal, qui est un allié traditionnel de l’Occident, s’est également abstenu », explique le spécialiste du dossier.
Pétrole et diplomatie
Si les sanctions économiques américaines et européennes touchent durement la Russie, notamment par l’exclusion des grandes banques russes du système de transactions Swift, Moscou peut néanmoins compter sur ses partenaires du Golfe pour amortir le volet des sanctions qui pèse sur son économie. À commencer par l’Opep+, qui réunit les Émirats, l’Arabie Saoudite et la Russie, dans un accord-cadre signé en 2016. Riyad et Abou Dhabi refusent de rompre leurs liens et d'augmenter la production de pétrole, pour l’instant, malgré la pression des États-Unis.
De son côté, la Ligue arabe a déclaré « ne pas prendre parti entre les protagonistes du conflit » et « appelle à la paix et à la négociation », tandis que les Émirats arabes unis se sont abstenus de condamner la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU.
Alors que Washington maintient des liens stratégiques avec le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane – avec le dossier du nucléaire iranien en ligne de mire – les États du Golfe semblent donc récitent à l’idée d’écarter définitivement Moscou. Le principe de « solidarité autoritaire » peut également jouer, comme nous l’avions mentionné dans un précédent article relatif au sujet.
Transparence indienne
Du côté asiatique, le géant qu’est l’Inde n’a pas condamné l’invasion russe de l’Ukraine. Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a été reçu par le Premier ministre indien le 1ᵉʳ avril dernier. Lavrov a souligné « l’approche équilibrée » affichée par New Dehli. « Nous apprécions le fait que l’Inde appréhende cette situation en tenant compte de l’ensemble des faits et pas seulement de manière unilatérale », a-t-il déclaré. Signe de relations chaleureuses, Lavrov a fait part d’un « message personnel » de Vladimir Poutine au Premier ministre indien.
Ces signaux envoyés par l’Inde à l’attention des Occidentaux sont sans ambiguïté. Les transactions économiques avec Moscou n’ont pas faibli et la Russie équipe l’Inde en matériel militaire depuis plusieurs années, selon plusieurs rapports. Cette coopération ne semble pas pour l’heure remise en question.
Ces opérations de communication et de représentation diplomatique ont cependant donné lieu à de surprenants revirements de situation lorsque Washington a décidé de faire appel au Venezuela pour s’approvisionner en pétrole, en cas de pénurie suite à l’embargo américain contre le pétrole russe. Preuve que l’invasion de l’Ukraine semble avoir durablement modifié les rapports de force.
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