L’Allemagne industrielle aborde une nouvelle ère où elle devra se passer, à plus ou moins court terme, de gaz russe bon marché, un arrêt immédiat des importations la condamnant même à une sévère récession, ont prévenu mercredi les principaux instituts économiques du pays.

Un embargo sur le gaz russe fait l’objet d’âpres pourparlers entre les États membres de l’UE, Berlin étant l’un des principaux opposants à un arrêt immédiat des achats, estimant qu’il en va de la paix économique et sociale dans le pays.

Les conséquences d’un tel arrêt sont débattues parmi les économistes.

Apportant leur pierre à la discussion, les principaux instituts d’analyse (DIW, IFO, IfW, IWH et RWI) estiment que l’Allemagne plongerait dans la récession en 2023 en cas d’interruption immédiate des flux de gaz.

En 2023, le Produit intérieur brut de la première économie européenne reculerait ainsi de 2,2 %. La perte de PIB cumulée sur 2022 et 2023 s’élèverait à environ 220 milliards d’euros, ou 6,5% de la richesse annuelle, précisent-ils.

L’activité se contracterait notamment de 5% au deuxième trimestre de 2023, avant de repartir en fin d’année.

Mais un " autre revers à l’hiver 2023/2024 est également possible ", préviennent les économistes.

Energie chère

A moyen terme, l’économie allemande risque moins de souffrir " à cause de la crise temporaire du gaz " qu’en raison d’une énergie devenue " sensiblement plus chère ", un renchérissement appelé à durer avec la transition vers d’autres sources d’approvisionnement.

Berlin, qui achetait avant la guerre plus de la moitié de son gaz auprès de la Russie, a déjà réduit cette part à 40%, multipliant les démarches pour trouver des alternatives et accélérant sa conversion aux renouvelables

L’Allemagne n’envisage pas de pouvoir se passer de gaz russe avant mi-2024.

Le prix à payer pour cette transformation radicale du modèle énergétique sera élevé, " même après que la situation militaire et politique se sera à nouveau calmée ", selon les instituts.

Cela " signifie qu’il n’y aura pas d’avenir pour tous les modèles d’entreprises qui ont été rentables en Allemagne dans le passé ", a prévenu Stefan Kooths, vice-président de l’institut IfW Kiel, appelant " la politique économique à en tenir compte "

Pour comprendre à quel point le défi s’annonce colossal, le géant de la chimie BASF a déclaré qu’il devrait cesser sa production en Allemagne si le gaz russe s’arrêtait subitement de couler dans les pipelines.

A long terme cependant, ces changements structurels ne vont " pas affaiblir l’économie européenne mais plutôt la renforcer en misant sur d’autres sources d’énergie qui sont plus prometteuses pour l’avenir ", parient les économistes.

Réveil dans les entreprises

Plus globalement, l’économie allemande " traverse des eaux difficiles " et ce, au moment où la levée des restrictions liées à la pandémie laissait présager d’un coup de fouet à l’activité, note le rapport.

Les chaînes logistiques mondiales " sont toujours sous tension " alors que des restrictions sanitaires nouvelles frappent la Chine. De nombreux secteurs industriels ont du mal à s’approvisionner en composants et matières premières.

Les conséquences de la guerre en Ukraine amènent ces six instituts à tailler dans leur prévision de croissance pour 2022, désormais attendue à 2,7% – et 1,9% en cas de coupure du gaz russe –  contre une estimation à 4,8% en octobre.

La guerre en Ukraine a aussi provoqué un réveil dans les entreprises allemandes qui comprennent désormais que la géopolitique est un autre enjeu clé, notamment dans leurs relations avec la Chine, premier partenaire économique de l’Allemagne.

A cet égard, le " découplage " économique croissant entre Washington et Pékin — séparation en deux marchés aux parois technologiques, juridiques et financières de plus en plus étanches — " jette un grain de sable supplémentaire dans les rouages de l’économie mondiale et rend également plus difficile l’activité d’exportation ", a reconnu Stefan Kooths.

L’Allemagne, à la fois gros client et fournisseur de la Chine, pourrait pâtir de cette situation. Pour le moment ce sont " davantage les obstacles à la production qui freinent les exportations " vers l’Empire du Milieu, a nuancé M. Kooths.

Avec AFP

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