En Ethiopie, la pire sécheresse qu’ait connu le pays depuis 20 ans menace des millions d’habitants de famine, notamment les populations nomades vivant essentiellement du bétail. Selon l’ONU, entre 5,5 et 6,5 millions de personnes (soit entre 5 et 6% de la population) sont en grave insécurité alimentaire en raison de la sécheresse, tandis que 1,5 million de bêtes ont péri. Une situation qui touche de plein fouet les enfants, nombreux à souffrir de malnutrition. 

Quasiment pas une goutte de pluie depuis 18 mois. A Hargududo, village de la région Somali en Ethiopie, les habitants montrent à l’AFP les cadavres desséchés de chèvres, vaches ou ânes, éparpillés non loin des modestes huttes aux toits de chaume. En ce mois d’avril, théoriquement l’un des plus arrosés de l’année, l’air est brûlant et sec et la terre poussiéreuse et stérile.

Une grande partie des bêtes des quelque 200 familles semi-nomades du village ont péri: " Ceux qui avaient disons 300 chèvres avant la sécheresse n’en ont plus que 50 à 60, chez certains (…) aucune n’a survécu ", explique l’un des villageois, Hussein Habil, 52 ans.

Depuis fin 2020, ici, comme dans d’autres régions du sud du pays, en Somalie ou au Kenya voisins, il n’a pratiquement pas plu. En Ethiopie, cette catastrophe humanitaire s’ajoute à celle engendrée dans le nord par le conflit dans la région du Tigré.

Le bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) estime qu’en Ethiopie, entre entr. Selon l’Ocha, la sécheresse actuelle a tué près de 1,5 million de têtes de bétail dans ce pays, dont près des deux tiers en région Somali, " et l’état physique des animaux survivants s’est gravement détérioré, diminuant leur valeur sur le marché ".

Des sècheresses de plus en plus récurrentes 

L’alternance de saisons sèches et de saisons des pluies – la petite en mars-avril, la grande entre juin et août – a toujours rythmé la vie de ces éleveurs. " Avant cette sécheresse catastrophique, nous survivions en cas de sécheresse grâce aux restes de pâturages laissés par les pluies précédentes ", raconte Tarik Muhamad.

Dans la région, " les sécheresses sont un phénomène cyclique (…) mais elles sont désormais de plus en plus fréquentes ", constate Ali Nur Mohamed, 38 ans, un responsable de l’ONG Save the Children. En Afrique de l’Est, " depuis 2005, la fréquence des sécheresses a doublé, passant de tous les six à tous les trois ans " et " il y a eu plusieurs épisodes de sécheresse prolongée surtout dans les zones arides et semi-arides de la région depuis 30 ans ", écrit le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) de l’ONU dans son dernier rapport.

Dès 2012, une étude de l’agence américaine d’aide au développement (Usaid) constatait que les régions méridionales de l’Ethiopie recevaient de 15 à 20% de pluies en moins que dans les années 1970. Et que se rétrécissaient les zones recevant les 500 mm annuels de précipitations nécessaires à une agriculture et un élevage viables.

Tous les animaux sont morts 

Pour se nourrir, de nombreux éleveurs ont rejoint les camps qu’ont fait pousser près des localités ceux déplacés par la sécheresse.

Comme à Adlale, non loin de Gode, où, dans la lumière matinale, émergent de la poussière ocre soulevée par le vent les voiles colorés de dizaines de femmes venues chercher l’aide alimentaire d’urgence distribuée par le Programme alimentaire mondial (PAM).

" Tous nos animaux sont morts à cause de la sécheresse " et " nous avons marché cinq jours pour venir " ici, raconte Habiba Hassan Khadid, 47 ans, mère de dix enfants, qui élevait vaches et chameaux.

Mère de sept enfants, Ahado Jees Hussein, 45 ans, a rejoint Adlale en portant son fils de 15 ans, handicapé, sur son dos. " J’avais 100 chèvres, elles sont toutes mortes (…) Je suis venue sans rien. J’avais trois ânes de bât, mais ils sont tous morts ", dit cette veuve qui dit n’avoir " jamais vécu une telle sécheresse ".

Avec 2.700 autres familles, les deux femmes vivent au camp de Farburo 2, installé depuis trois mois. Des petites huttes de branches supportent un patchwork de tissus qui procurent une ombre salvatrice dans une température avoisinant les 40°C.

" Les conditions de vie sont alarmantes, la plupart des familles vivent de ce qu’elles reçoivent de proches " ou d’habitants de la localité, explique Ali Mohamed Ali, coordinateur du camp.

Une famine qui touche les enfants de plein fouet

Les enfants paient le prix fort: submergés par les problèmes, les parents " n’ont même plus le temps de s’occuper, de veiller sur leur progéniture ", explique Ali Nur Mohamed de Save The Children.

" Normalement, une mère prend soin de ses enfants. On comprend la gravité, l’amplitude des problèmes, qui sont telles qu’elles lui font oublier d’emmener son enfant à l’hôpital (…) ou l’en empêchent, parce qu’elle est accaparée par ses autres enfants ou occupée à sauver son cheptel ", détaille-t-il.

Dans la région, habituellement, " nos enfants sont à la limite de la sous-alimentation, donc à la moindre maladie, ils tombent dans la malnutrition ", constate le directeur l’hôpital, le Dr Mahamed Shafi Nur.

L’essentiel des enfants est traité en ambulatoire, grâce à des pâtes nutritives à base d’arachide, prêtes à manger. Ceux qui souffrent de complications – environ 15% – sont hospitalisés.

" Les familles sont désorganisées ", parfois " le père est parti loin à la recherche de nourriture " pour le bétail, " la mère se retrouve seule avec de nombreux enfants. Du coup (les enfants) arrivent tard " à l’hôpital, " et avec des complications ", explique le Dr Mahamad Abdi Omar, pédiatre de l’établissement.

Les parents sont parfois confrontés à des choix terribles : soigner son enfant, c’est prendre le risque de perdre son bétail. Toux, œdèmes sur le corps (un possible symptôme de malnutrition sévère): Sabirin Abdi, sa fille de deux ans, était malade depuis un mois déjà quand cette cultivatrice, qui améliore l’ordinaire avec quelques animaux, s’est résolue à l’amener à Kelafo.

Avec AFP

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