Pékin a annoncé un plan de libre échange et de coopération avec tous les pays de la région : ces derniers auront accès à des aides financières, matérielles notamment dans la formation et les systèmes informatiques et numériques, moyennant l’accès de la Chine à certains de leurs secteurs clefs, comme la sécurité et la cartographie. Une initiative vue d’un mauvais oeil par certains de ces États et par l’Occident.

La Chine a lancé une vaste initiative visant à étendre la coopération en matière de sécurité et de libre-échange avec les pays du Pacifique sud, déjà décriée par plusieurs poids lourds dans la région comme l’Australie et les Etats-Unis.

Le projet d’accord et le plan sur cinq ans, que l’AFP a pu consulter, feront l’objet de discussions à l’occasion d’une visite du ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi dans plusieurs pays de la zone à partir de jeudi 26 mai.

 

Selon ces documents, la Chine entend proposer à dix États insulaires de la région des millions de dollars d’assistance, la perspective d’un accord de libre-échange ainsi que la possibilité d’accéder au vaste marché chinois avec ses 1,4 milliard d’habitants.

En retour, la Chine se chargerait de former les forces de police et s’impliquerait dans la cybersécurité locale. Elle pourrait par ailleurs réaliser des opérations sensibles de cartographie marine et obtiendrait un meilleur accès aux ressources naturelles locales.

Cette " vision commune de développement ", du nom donné au projet, pourrait être adoptée le 30  mai, à l’occasion d’une rencontre prévue aux îles Fidji entre M. Wang et les ministres des Affaires étrangères de la région.

Une zone de rivalité entre la Chine et les États-Unis

Le Pacifique sud est devenu ces derniers mois un théâtre de forte rivalité entre la Chine et les États-Unis, première puissance dans la région depuis plusieurs décennies.

Pékin cherche à y accroître sa présence militaire, politique et économique, mais n’a fait jusqu’à présent que des progrès limités et inégaux.

Le plan de coopération, s’il est accepté, pourrait en revanche représenter un tournant majeur, facilitant notamment un certain nombre d’opérations de police ou militaires.

En outre, les vols entre la Chine et les îles du Pacifique seraient multipliés, Pékin nommerait un émissaire régional, assurerait la formation des jeunes diplomates du Pacifique et fournirait 2.500 " bourses " gouvernementales.

Mais déjà, certaines capitales ont commencé à tirer la sonnette d’alarme concernant ce projet.

Ce projet témoigne d’une " Chine qui cherche à accroître son influence dans la région du monde où l’Australie a été le partenaire de choix en matière de sécurité depuis la Seconde Guerre mondiale ", a averti jeudi 26 mai le nouveau Premier ministre australien Anthony Albanese.

Il a annoncé une " intensification " de l’engagement de l’Australie dans le Pacifique, avec environ 500 millions de dollars australiens d’aide pour la formation à la défense, la sécurité maritime et les infrastructures pour lutter contre les effets du changement climatique.

L’Occident " préoccupé "

Jeudi 26 mai, la ministre australienne des Affaires étrangères Penny Wong était en route vers les îles Fidji pour discuter de ces plans.

De son côté, le porte-parole du département d’Etat américain Ned Price a conseillé aux pays du Pacifique sud de se méfier de cet accord " obscur " avec la Chine.

" Nous sommes préoccupés par le fait que ces accords puissent être négociés lors d’un processus précipité et non transparent ", a-t-il déclaré mercredi 25 mai, tout en rappelant que les nations feraient leur propre choix.

Et la Première ministre de Nouvelle-Zélande Jacinda Ardern a dit considérer " le Pacifique comme notre famille et donc, lorsque ces besoins (de sécurité) existent, nous sommes prêts et disposés à répondre à l’appel ".

Dans une lettre véhémente adressée à ses collègues du Pacifique sud, le président des États fédérés de Micronésie, David Panuelo, a mis en garde contre un accord " attrayant " à première vue, mais susceptible de donner à la Chine les moyens " d’acquérir accès et contrôle sur notre région ".

Qualifiant les propositions de " non sincères ", M. Panuelo y estime qu’elles " garantiraient une influence chinoise au sein du gouvernement ", un " contrôle économique " chinois sur certaines industries clé ainsi qu’une " surveillance de masse " des appels téléphoniques et messages électroniques locaux.

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L’Australie et les États-Unis voient d’un mauvais oeil cette initiative (AFP)

La Micronésie déjà associée avec les États-Unis

Le dirigeant y voit une tentative de " lier intrinsèquement à eux l’ensemble de nos économies et de nos sociétés " pour servir son objectif à long terme: " prendre Taïwan, pacifiquement si possible, par la guerre si nécessaire ".

De fait, la Micronésie – fédération qui réunit quatre pays formés de plus de 600 petites îles et atolls sur la ligne de l’Équateur – bénéficie depuis les années 1980 d’un statut de libre association avec les États-Unis, qui lui garantissent une coopération dans le domaine du développement ainsi qu’une protection militaire.

Mais d’autres pays de la région pourraient en revanche être tentés par les possibles retombées positives du projet d’accord avec la Chine.

Les îles Salomon et Pékin ont ainsi annoncé fin avril la signature d’un pacte de sécurité aux contours flous dont Canberra et Washington craignent qu’il permette à Pékin d’installer une présence militaire dans l’archipel.

Le ministre des Affaires étrangères chinois a atterri jeudi 25 mai dans la capitale des Îles Salomon, Honiara, donnant ainsi le coup d’envoi d’une longue tournée régionale dans huit pays.

Avec AFP