La Corée du Nord assure la présidence de la Conférence du désarmement nucléaire des Nations Unies ce mois de juin. Une situation paradoxale, alors que le pays ne cesse de procéder à des tests balistiques. Une situation qu’ont rappelé les ambassadeurs occidentaux lors de la première session le 2 juin, à grand renfort de protestations. 

" Mon pays est toujours en guerre contre les États-Unis. " Les débuts de la présidence de la Corée du Nord de la Conférence du désarmement ont vite tourné à la confrontation jeudi 2 mai à Genève.

L’ambassadeur nord-coréen auprès des Nations unies à Genève, Han Tae-Song, qui assume la présidence tournante de cette vénérable assemblée chargée d’œuvrer au désarmement dans le monde, a dû essuyer les critiques d’une cinquantaine de pays participants.

Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, la Corée du Sud, mais aussi la France et les autres pays membres de l’Union européenne (UE), ont profité de la présidence nord-coréenne jusqu’au 24 juin pour critiquer Pyongyang, ses multiples tirs de missiles balistiques et un possible septième essai nucléaire.

Corée du Nord nucléaire
L’ambassadeur nord-coréen Han Tae Song (droite) prend la présidence de la Conférence sur le désarmement le 2 juin 2022 (AFP)

" Nous restons très préoccupés par les actes irresponsables de la République populaire démocratique de Corée du Nord, qui continuent d’affaiblir sérieusement la valeur de la conférence sur le désarmement ", a déclaré l’ambassadrice australienne à l’ONU Amanda Gorely, s’exprimant au nom de ces pays.

" Le président prend note "

La décision de continuer à siéger n’est " en aucun cas un accord tacite " aux violations nord-coréennes du droit international, a précisé la représentante australienne alors qu’une quarantaine d’organisations non gouvernementales avaient appelé à quitter la salle.

" Le président prend note de votre déclaration ", lui a répondu l’ambassadeur nord-coréen.

Bien remplie, la salle des droits de l’Homme du Palais des Nations, où la conférence s’est provisoirement déplacée, présentait une audience rajeunie, les États membres de l’UE ayant décidé de ne pas y envoyer de diplomates de premier rang pour manifester leur mécontentement.

Un des pays les plus militarisés au monde, la Corée du Nord a effectué plusieurs tests militaires depuis le début de l’année, avec notamment l’envoi d’une dizaine de missiles balistiques en mer du Japon.

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Les critiques ont fusé, notamment depuis les pays occidentaux (AFP)

Le dernier essai en date, le 25 mai, avait mis en relief les divergences du Conseil de sécurité de l’ONU sur la question, la Russie et la Chine ayant mis leur veto à l’imposition de nouvelles sanctions contre Pyongyang voulue par les États-Unis.

Enfin une réponse

Ce regain d’activité militaire avait amené la France, le Royaume-Uni et la Corée du Sud à afficher publiquement leurs craintes d’un septième essai nucléaire nord-coréen, qui serait son premier en cinq ans.

Amanda Gorely, la représentante australienne, a appelé le régime dirigé par Kim Jong Un à " observer un moratoire sur les essais nucléaires ".

Après s’être contenté plusieurs fois de " prendre note " des critiques, l’ambassadeur nord-coréen s’est finalement arrogé un droit de réponse au nom de son pays.

Il a mis en avant le droit de la Corée du Nord de se défendre face aux " menaces " des États-Unis. Elles durent, selon lui, depuis le cessez-le-feu de 1953, qui a mis fin aux combats sur la péninsule et acté la division entre le Nord et le Sud.

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La salle était relativement clairsemée en signe de protestation contre cette présidence (AFP)

" Aucun pays n’a le droit de critiquer ou d’interférer avec la politique de sécurité nationale " de la Corée du Nord, a clamé Han Tae-Song.

La politique militaire nord-coréenne reflète " la volonté de son propre peuple, pas la volonté des Nations unies ", a-t-il ajouté, provoquant un silence dans l’assistance.

Soutiens russes et chinois

Les représentants russe et chinois ont, eux, félicité Han Tae-Song pour ses débuts dans son costume de président, tout en lui réaffirmant leur soutien.

Créée en 1979 pour contribuer à une désescalade militaire dans le monde entier, la Conférence du désarmement, qui prend ses décisions par consensus, est dans l’impasse depuis plusieurs années.

Et l’épisode de jeudi " soulève la question " de sa légitimité, a estimé à Washington le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, s’interrogeant sur le bien-fondé de laisser à la présidence d’une institution clé sur le désarmement " un régime qui a fait plus que tout autre gouvernement au monde pour saper le principe de non-prolifération ".

Avec AFP