Alors que l’émissaire américain pour l’Iran, Robert Malley, et le négociateur iranien Ali Bagheri ont commencé mardi dans la capitale qatarie des pourparlers indirects par l’intermédiaire de l’UE, en vue de débloquer les négociations de Vienne sur le nucléaire iranien, les avis ont divergé mercredi sur l’issue des pourparlers. Côté iranien, on affiche volontiers un optimisme modéré, le ministère iranien des Affaires étrangères parle décrit même une "atmosphère " sérieuse et professionnelle ". Le coordinateur de l’Union européenne Enrique Mora a, quant à lui, déclaré les négociations n’ont toujours pas réalisé les " progrès espérés par l’UE ".

Les discussions en Autriche ouvertes en avril 2021 sont destinées à réintégrer les Etats-Unis à l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 et à ramener l’Iran au respect intégral de ses engagements dictés par ce pacte.

" Deux jours intenses de discussions de proximité à Doha sur #JCPOA (acronyme anglais de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, ndlr). Malheureusement, pas encore les progrès espérés par l’équipe de l’UE en tant que coordinateur ", a indiqué mercredi Enrique Mora dans un tweet.

" Nous continuerons à travailler avec une urgence encore plus grande pour remettre sur les rails un accord clé pour la non-prolifération et la stabilité régionale ", a ajouté le coordinateur de l’UE dans son tweet accompagné d’une photo de sa rencontre avec le négociateur en chef iranien.

Satisfaction iranienne

L’Iran a estimé dans la journée qu’un accord avec les États-Unis était possible dans les négociations sur le nucléaire iranien, tout en soulignant que les discussions de Doha devaient s’achever mercredi soir, deux jours après leur lancement.

L’une des demandes formulées par les négociateurs iraniens était que les Gardiens de la révolution, armée idéologique du régime iranien, soit retirée de la liste américaine des organisations terroristes. (AFP)

" Si la partie américaine a des intentions sérieuses et se montre réaliste, un accord est possible à ce stade ", a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian lors de sa visite en Turkménistan, selon des propos rapportés mercredi par l’agence de presse officielle Irna.

" Nous sommes sérieux " dans notre volonté de conclure un accord, a-t-il dit par ailleurs, en soulignant que son pays ne céderait pas sur les " lignes rouges " posées par Téhéran dans le cadre de ces négociations.

A Téhéran, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, a affirmé que " les discussions à Doha, qui se déroulent dans une atmosphère professionnelle et sérieuse, étaient prévues pour durer deux jours ".

Aucune échéance n’a été été fixée auparavant pour les discussions avec la délégation américaine dirigée par M. Malley, qui se déroulent dans un hôtel de la capitale qatarie.

Une source européenne a déclaré à l’AFP que les négociations, qui ont lieu deux semaines avant la première visite officielle du président américain Joe Biden dans la région, étaient censées durer plusieurs jours.

L’ombre de Trump

Les deux ennemis jurés, qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques depuis 1980, échangent de manière indirecte. Ils se transmettent des messages –chacun restant dans son endroit–, pour tenter de sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent les tentatives de relance de l’accord de 2015.

Cet accord, qui allégeait les sanctions contre l’Iran en échange de la limitation de son programme nucléaire, a été abandonné unilatéralement par l’ancien président américain Donald Trump en 2018.

Des discussions internationales pour relancer l’accord ont débuté sous l’égide de l’UE en avril 2021 à Vienne, avant que le processus ne s’enlise en mars 2022.

Des responsables iraniens ont déclaré plus tôt qu’ils espéraient des progrès au Qatar, exhortant toutefois les Américains à abandonner la " méthode Trump " de négociation.

" Nous espérons, si Dieu le veut, parvenir à un accord positif et acceptable si les États-Unis abandonnent la méthode Trump ", a déclaré Ali Bahadori-Jahromi, porte-parole du gouvernement iranien.

Il a décrit cette méthode comme le " non-respect du droit international et des accords passés et le mépris des droits du peuple iranien ".

L’enjeu pétrolier

L’administration américaine de Joe Biden dit vouloir revenir dans l’accord si Téhéran renoue avec ses engagements, mais l’Iran exige auparavant la levée des sanctions ainsi que des garanties que Washington ne se retirera plus du pacte.

L’accord sur le nucléaire iranien, négocié en 2015 par l’administration Obama, a été remis en cause par le président Trump qui a réinstauré les sanctions américaines sur l’économie iranienne en 2018. (AFP) 

L’Iran a également demandé le retrait de l’armée idéologique du régime, les Gardiens de la Révolution, de la liste américaine des " organisations terroristes ", sans que cela ne soit officiellement présenté comme une " ligne rouge ".

L’optimisme suscité par les discussions à Doha s’est traduit par une nette appréciation mercredi de la monnaie iranienne sur le marché noir, selon des changeurs dans les pays.

Les tensions mondiales sur le marché pétrolier sont également une occasion pour l’Iran de faire pression afin d’obtenir la levée des sanctions sur le brut iranien, selon Alex Vatanka, directeur du programme Iran du think tank Middle East Institute, basé à Washington.

Avec AFP