Vendredi, le siège du Parlement libyen à Tobrouk, dans l’est du pays, a été investi par les manifestants, qui y ont commis des saccages importants pour protester contre l’incurie des institutions. Ces troubles interviennent alors que le pays connait des longues coupures de courant depuis plusieurs jours en raison du blocage de la production pétrolière sur fond de conflit entre les camps rivaux. En effet, la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) a annoncé jeudi des pertes de plus de 3,5 milliards de dollars. En parallèle, les négociations pour la paix patinent: le Premier ministre du gouvernement rival de Tripoli a ainsi affirmé " joindre sa voix " aux protestataires et appelé à la tenue d’élections. 

Ces manifestations interviennent au lendemain de l’échec d’une nouvelle séance de négociations entre camps rivaux, alors que le processus de paix stagne et que les élections nationales prévues pourtant en décembre 2021 n’ont toujours pas été organisées. (AFP)

Des manifestants ont investi vendredi le siège du Parlement libyen à Tobrouk, dans l’est du pays, pour protester contre la détérioration des conditions de vie et l’incurie de leurs dirigeants, au lendemain de l’échec d’une nouvelle séance de négociations entre camps rivaux.

Selon plusieurs chaînes de télévision, des manifestants ont pénétré à l’intérieur du bâtiment et commis des saccages. Des images diffusées par les médias montraient d’épaisses colonnes de fumée noire se dégageant du périmètre de la bâtisse après que des jeunes protestataires en colère ont brûlé des pneus.

D’autres médias ont affirmé qu’une partie du bâtiment a été brûlée. Le Parlement était vide lorsque les manifestants y sont entrés, vendredi étant jour férié en Libye.

Un bulldozer conduit par un manifestant a défoncé une partie du portail de l’enceinte du bâtiment, facilitant l’irruption des manifestants à l’intérieur, selon les images. Des voitures de députés ont été incendiées. Plus tard, d’autres engins de chantier sont arrivés et ont commencé à défoncer des pans des murs du bâtiment.

D’autres manifestants, dont certains brandissaient des drapeaux verts de l’ancien régime de Mouammar Kadhafi, jetaient en l’air des documents qu’ils ont récupérés dans les bureaux.

L’incurie des institutions nourrit la colère des manifestants 

Tout en reconnaissant " le droit des citoyens à manifester pacifiquement ", le Parlement a condamné dans la nuit de vendredi à samedi " les actes de vandalisme et l’incendie " de son siège. Le Premier ministre du gouvernement basé à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, a pour sa part assuré sur Twitter " joindre sa voix " à celle des contestataires, appelant à la tenue d’élections.

Ces troubles surviennent alors que le pays d’Afrique du Nord, plongé dans le chaos depuis la chute de Kadhafi en 2011, est en proie depuis plusieurs jours à de longues coupures de courant, des pannes aggravées par le blocage de plusieurs installations pétrolières sur fond de querelles politiques entre camp rivaux. " Nous voulons avoir de la lumière ", scandaient les manifestants.

" Nous devons reconnaître notre échec et nous retirer immédiatement de la scène politique ", a affirmé un député, Balkheir Alshaab, cité par la chaîne Libya al-Ahrar. " J’appelle mes collègues députés ainsi que les membres du Conseil d’État (Chambre haute) à démissionner collectivement pour respecter la volonté du peuple libyen et préserver la stabilité de la Libye ", a renchéri un autre élu, Ziad Dgheim, cité par le même média.

Deux gouvernements se disputent le pouvoir depuis mars : l’un basé à Tripoli et dirigé par Abdelhamid Dbeibah depuis 2021 et un autre conduit par Fathi Bachagha et soutenu par le Parlement de Tobrouk et le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est.

Un processus de paix qui n’avance pas
Le Parlement de Tobrouk, contrôlé par les forces armées du général Haftar, a condamné " les actes de vandalisme et l’incendie " de son siège. (AFP)

Des scrutins présidentiel et législatif devaient initialement se tenir en décembre 2021 en Libye, pour couronner un processus de paix parrainé par l’ONU après des violences en 2020. Mais ils ont été reportés sine die en raison de fortes divergences entre rivaux politiques et des tensions sur le terrain.

Le dernier round de pourparlers menés à l’ONU entre les présidents des deux chambres rivales a pris fin jeudi sans accord sur un cadre constitutionnel permettant la tenue d’élections.

Les négociations étaient menées par le président de la Chambre des représentants de Tobrouk, Aguila Saleh et le président du Haut Conseil d’Etat basé à Tripoli, Khaled el-Mechri.

D’autres manifestations similaires ont eu lieu vendredi à Tripoli et dans d’autres villes libyennes. Dans la capitale, des manifestants brandissaient des portraits de MM. Dbeibah et Bachagha barrés des X, signe de leur rejet.

L’effondrement de la production d’hydrocarbures 
La chute de la production de gaz alimente les coupures de courant dans le pays, qui peuvent durer jusqu’à douze heures par jour. (AFP)

La Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) a annoncé jeudi des pertes de plus de 3,5 milliards de dollars résultant de la fermeture forcée de sites pétroliers majeurs depuis mi-avril et décrété l’état de " force majeure " sur certaines installations.

Selon la NOC, la production a " fortement chuté " et les exportations tombées entre " 365.000 et 409.000 b/j, soit une perte de 865.000 b/j " par rapport à la production moyenne d’avant avril. À cela, s’ajoutent des pertes de 220 millions de m3 de gaz quotidiennement, pourtant nécessaires à l’approvisionnement du réseau électrique.

La baisse de la production de gaz participe aux coupures d’électricité chroniques que connait la Libye et qui durent une douzaine d’heures quotidiennement.

" Des manifestations populaires ont éclaté à travers la Libye en signe d’exaspération face à la détérioration de la qualité de vie et la crise politique et ceux qui en sont à l’origine ainsi que l’ONU qui s’est prêtée à leur jeu ", a écrit sur Twitter l’analyste Tarek Megrisi, du Conseil européen des relations internationales (ECFR).

Avec AFP

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