Suite au véto russe à un projet de résolution prolongeant d’un an l’autorisation d’aides transfrontalières à la Syrie, la région du nord-Ouest du pays, qui dépend en grande partie de cette aide humanitaire, craint la famine. En vigueur depuis 2014, ce dispositif permet de venir en aide à près de 2,4 millions de personnes vivant dans les zones contrôlées par les rebelles, sans passer par Damas. Selon Moscou, la résolution faisait " fi de la souveraineté de Damas ". C’est raison pour laquelle la Russie s’oppose à cette aide et propose un projet concurrent limitant la prolongation du dispositif transfrontalier à six mois. En parallèle, le régime affirme sa présence dans le Nord du pays, le président Assad ayant effectué sa première visite à Alep depuis le début du conflit.

La Russie a mis son veto au Conseil de sécurité de l’ONU à un projet de résolution prolongeant d’un an l’autorisation d’aides transfrontalières à la Syrie sans l’aval du pouvoir à Damas. (AFP)

" Nous allons mourir ", " c’est une catastrophe ", " politique de famine ". Des déplacés dans des zones contrôlées par les jihadistes et les rebelles dans le nord-ouest de la Syrie s’en sont pris samedi à la Russie après son veto à l’ONU, menaçant des aides cruciales.

Vendredi, la Russie, alliée et soutien militaire du régime de Bachar al-Assad, a mis son veto au Conseil de sécurité de l’ONU à un projet de résolution prolongeant d’un an l’autorisation d’aides transfrontalières à la Syrie sans l’aval du pouvoir à Damas, Moscou n’acceptant qu’une extension de six mois.

Cette autorisation via le point de passage de Bab al-Hawa à la frontière syro-turque, qui permet d’éviter les zones aux mains du régime, expire dimanche. Les 10 membres non permanents du Conseil de sécurité devraient proposer une extension de neuf mois pour sortir de l’impasse, selon des diplomates.

En vigueur depuis 2014, le dispositif transfrontalier vient en aide à plus de 2,4 millions de personnes dans des secteurs de la province d’Idleb et du nord de la province voisine d’Alep sous contrôle des groupes jihadistes et rebelles. " Le projet faisait fi de la souveraineté de Damas ", a dénoncé le diplomate russe à l’ONU, Dmitry Polyanskiy, laissant entendre que Moscou n’accepterait aucun autre texte ne reprenant les six mois.

" La Russie a détruit nos maisons, a détruit nos enfants et nous a poussés à la fuite (…) Aujourd’hui, elle veut fermer le point de passage " de Bab al-Hawa, a lancé à l’AFP Ftaim, 45 ans, qui vit dans un camp de déplacés dans le nord de la province d’Idleb. " Si le point de passage de Bab al-Hawa ferme (…) nous allons mourir ", a fulminé cette mère de 14 enfants.

Une " politique de siège et de famine "

En vigueur depuis 2014, le dispositif transfrontalier vient en aide à plus de 2,4 millions de personnes dans des régions du nord-ouest de la Syrie sous contrôle des groupes jihadistes et rebelles. (AFP)

Plus de 4.600 camions d’aide transportant principalement de la nourriture ont traversé le passage de Bab al-Hawa cette année, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Samedi, il était fermé en raison de l’Aïd al-Adha, la fête musulmane qui marque la fin du hajj, selon un correspondant de l’AFP sur place.

Le veto russe a gâché la fête pour de nombreux déplacés pour qui ces aides sont cruciales. " Ils savent très bien que la plupart des habitants des camps (de déplacés) dépendent de ces aides ", s’est indigné Abdel Salam Youssef. Le veto russe est " une catastrophe ", a ajouté ce déplacé.

La province d’Idleb, dernier bastion des jihadistes et des rebelles dans la Syrie en guerre, abrite en majorité des déplacés vivant dans la pauvreté.

Le veto russe incarne " la politique de siège et de famine à laquelle la Russie recourt à travers la Syrie ", a dénoncé à l’AFP Mazen Allouche, responsable au passage de Bab al-Hawa.

Un prélude à une " famine incontrôlable " 

Un non-renouvellement de l’autorisation serait " un prélude à une famine incontrôlable et menacerait directement la sécurité alimentaire de plus de quatre millions de personnes ", a ajouté M. Allouche.

Le dispositif transfrontalier comprend des aides médicales considérées comme une bouée de sauvetage pour le secteur de la santé de la région, décimée après 11 ans de guerre.

Son non-renouvellement " conduirait à l’effondrement total du secteur de la santé ", a averti Salem Abdane, directeur de la santé d’Idleb.  Cela entraînerait " la fermeture de 21 hôpitaux, 12 centres médicaux et mettrait fin à plusieurs projets, y compris des campagnes de vaccination ", a-t-il ajouté, mettant en garde contre une " augmentation du taux de mortalité et des maladies ".

Le veto de Moscou, clé dans le dossier syrien, était vendredi le 17e depuis le déclenchement de la guerre en Syrie en 2011. " Le veto cynique de la Russie (…) montre que le mépris des dirigeants russes pour la vie humaine pourrait approcher un niveau record ", a dénoncé l’ONG Human Rights Watch.

Le régime fait son retour à Alep

Pour la première fois depuis le début du conflit en Syrie, le président Bachar al-Assad a effectué une visite à Alep, assistant à la prière de l’Aïd al-Adha et visitant la centrale électrique de la ville. (AFP)

En parallèle, le président syrien Bachar al-Assad s’est rendu vendredi dans la ville d’Alep, ancien bastion rebelle dans le nord du pays, pour la première fois depuis le début du conflit en 2011.

Dans un message diffusé sur Telegram, la présidence syrienne a affirmé que M. Assad et sa famille " se sont rendus dans la mosquée historique des Omeyyades d’Alep (…) et se sont promenés dans les souks de la vieille ville qui ont ouvert à l’occasion de l’Aïd al-Adha ", la grande fête musulmane du sacrifice.

" La province d’Alep a davantage souffert que les autres provinces ", avait indiqué la présidence, citant M. Assad. " Et aucune grande ville n’a autant souffert qu’Alep, au niveau de l’eau, de l’électricité, des services, des obus, des destructions et du terrorisme. "

Il s’agit de la première visite d’Assad dans la ville et la province d’Alep depuis le début du conflit meurtrier qui a fait depuis 2011 environ 500.000 morts, dévasté les infrastructures du pays et déplacé des millions de personnes.

La bataille pour le contrôle de la ville d’Alep est considérée comme la victoire la plus importante des forces gouvernementales et le plus grand revers des factions de l’opposition qui contrôlaient les quartiers est de la ville.

Avec AFP