Dans la nuit de jeudi à vendredi, une déclaration est venue nourrir davantage les spéculations sur un rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite, alors que plusieurs signes de la visite présidentielle US à Jeddah vont dans ce sens. Selon l’AFP, citant des " sources proches du dossier ", Israël n’a " aucune objection " au transfert de deux îlots stratégiques en mer Rouge à l’Arabie saoudite. Ce transfert est considéré comme un prérequis à un éventuel processus de normalisation entre les deux pays. Trois heures plus tard, c’était au tour de l‘Arabie saoudite d’annoncer qu’elle ouvrait son espace aérien aux compagnies israéliennes…

Loin des cliquetis des caméras et des cérémonies officielles, les sherpas du Département d’Etat ont, semble-t-il, pu décrocher plusieurs décisions importantes en préparant la visite moyen-orientale du président américain.

Plusieurs signes montrent que la journée de vendredi, durant laquelle Air Force One fera un vol direct inédit de Tel-Aviv à Jeddah, réservera bien de surprises au niveau des relations entre l’Arabie saoudite et Israël.

Sans aller jusqu’à penser à une normalisation complète, à l’instar d’autres pays du Golfe, et encore moins maintenir le statu quo actuel, Biden annoncera un rapprochement certain entre le Royaume wahhabite et l’Etat hébreu.

Deux îlots stratégiques

Israël n’a " aucune objection " au transfert de deux îlots stratégiques en mer Rouge à l’Arabie saoudite, considéré comme un prérequis à un éventuel processus de normalisation entre ces deux pays, ont déclaré à l’AFP des sources proches du dossier.

Le président américain Joe Biden, qui réalise actuellement sa première tournée au Moyen-Orient, a rencontré mercredi et jeudi des dirigeants israéliens à Jérusalem et doit effectuer vendredi un vol officiel inédit de l’Etat hébreu à l’Arabie saoudite.

Les îles en question, Tiran et Sanafir, permettent de contrôler l’accès au port israélien d’Eilat, l’unique ouverture maritime de l’Etat hébreu sur la mer Rouge. Ces îlots, appartenant à l’Arabie saoudite, ont été mis à la disposition de l’Egypte en 1950. Le Caire était le fer de lance de la lutte contre l’Etat d’Israël récemment proclamé, et donc plus à même de défendre les îlots que Ryad.

 

Durant la guerre de 1967 (Guerre des Six jours selon la nomenclature israélienne et occidentale), Israël avait occupé ces îles qui bordent un passage vital pour les navires israéliens en provenance d’Eilat. Les accords de paix de Camp David en 1979, entre l’Egypte et Israël, ont permis la rétrocession des îles aux autorités militaires égyptiennes et sont actuellement de facto aux mains de l’Egypte. Les autorités égyptiennes avaient déjà donné le feu vert à leur rétrocession à l’Arabie. Cependant, celle-ci doit aussi être approuvée par Israël en vertu des accords de paix.

À " tous les transporteurs "

De son côté, l’Arabie saoudite a annoncé vendredi qu’elle ouvrait son espace aérien à " tous les transporteurs ", dans un geste de bonne volonté apparent envers Israël. L’Autorité de l’aviation civile saoudienne " annonce sa décision d’ouvrir l’espace aérien du royaume à tous les transporteurs aériens " remplissant les conditions réglementaires de survol, a-t-elle fait savoir dans un communiqué sur Twitter.

L’Autorité de l’aviation civile a précisé que la décision avait été prise pour " consolider la position du royaume en tant que hub mondial ". L’annonce de vendredi lève de facto les restrictions pour des avions à destination et en provenance d’Israël.

La cérémonie de signature des " accords d’Abraham " à la Maison-Blanche en septembre 2020.

Israël avait dit mardi espérer un " début " de normalisation des relations avec l’Arabie saoudite. " Le fait que le président Biden vole directement en Arabie saoudite résume la dynamique des derniers mois. Il y a une relation délicate, fragile, nouvelle, à plusieurs égards. Nous espérons (…) qu’il s’agisse des premiers pas, du début, d’un processus de normalisation ", avait déclaré mardi à la presse un haut responsable israélien ayant requis l’anonymat.

" Vous verrez des choses intéressantes autour de la visite "

Le 23 juin dernier déjà, une haute responsable du Département d’Etat, l’ambassadrice Barbara Leaf, avait annoncé un possible rapprochement entre " une paire de pays arabes " et Israël lors de la visite de Biden. " Vous verrez des choses intéressantes autour de la visite du président ", a-t-elle affirmé. La diplomate n’a précisé ni l’identité de ces pays, ni le degré de rapprochement. Elle s’est limitée à affirmer que le travail se fait " en coulisses " en vue d’une normalisation des relations à l’instar des accords dits d' "Abraham " de 2020.

Priée de préciser la teneur de ces avancées, Barbara Leaf n’a pas dit s’il s’agirait de la pleine reconnaissance par de nouveaux Etats, ou de progrès plus modestes dans cette direction. Elle n’a pas non plus révélé de quels pays il pourrait s’agir. " Je ne veux vraiment pas marcher sur les plates-bandes du président ", a-t-elle justifié.

Barbara Leaf était ambassadrice des USA aux Émirats arabes unis. Dans cette photo d’archive datant de juin 2016, elle est en compagnie de l’ex-secrétaire d’État John Kerry.

Ex-ambassadeur américain en Israël, Dan Shapiro, aujourd’hui chercheur au cercle de réflexion Atlantic Council, affirmait récemment s’attendre à une " feuille de route " vers une normalisation entre l’Arabie saoudite et l’Etat hébreu.

Israël, qui a signé des traités de paix avec l’Egypte (1979) et la Jordanie (1994), a normalisé ses relations en 2020 avec notamment les Emirats arabes unis et Bahreïn dans le cadre des " Accords d’Abraham " et espère ajouter l’Arabie saoudite à cette liste.

Dans le contexte d’un feu vert israélien à la rétrocession des îlots de Tiran et de Sanafir, l’Arabie saoudite pourrait permettre à des avions israéliens de survoler son espace aérien, voire des vols charters entre les deux pays pour faciliter l’accès au pèlerinage à La Mecque, aux musulmans d’Israël, ont suggéré de hauts responsables sans confirmer ces mesures.

Avec AFP