Il y a un peu plus d’une semaine, Hassan Nasrallah a délivré son énième discours, qui avait été annoncé par l’agence de presse iranienne quelques jours plus tôt.

Certains auront remarqué que son doigt qui était dirigé depuis qu’il a été désigné secrétaire général, en 1992, vers Israël est désormais pointé vers l’intérieur.

D’autres auront vu qu’il expose le profil du prochain président qui doit ressembler à Émile Lahoud, mais plus encore à Michel Aoun, puisque le temps qui lui a été consacré pour lui rendre hommage était cinq fois plus long que pour Lahoud.

Mais le point marquant de ce discours a été son signe de faiblesse. " Nous voulons un président qui ne trahirait pas la résistance et ne comploterait pas contre elle. "

Petit rappel : depuis des décennies, Hassan Nasrallah, spécialement après sa victoire divine contre Israël, qui nous a coûté des milliards de dollars, n’a cessé de montrer sa puissance. Lui qui a reçu un mandat de Dieu pour protéger le mausolée de Zeinab près de Damas, a utilisé cette excuse pour entrer en guerre en Syrie, lancer son assaut contre Qousseir en 2013 – suscitant ainsi la première vague de réfugiés, dont une bonne partie est venue s’installer au Liban – et devenir l’acteur principal de l’Iran dans la région.

En juillet 2017, il lance seul la bataille du jurd de Ersal contre les jihadistes d’ Al Nosra, les renvoie dans une vingtaine de bus climatisés vers la Syrie, pour s’inquiéter ensuite de leur vie quand l’aviation américaine a bloqué le chemin qui devait les mener vers l’Irak. Entre-temps, le Hezbollah avait célébré cette victoire à Baalbeck et avait obligé l’armée libanaise à annuler la cérémonie prévue à Beyrouth.

Hassan Nasrallah, qui n’a jamais caché ses interventions militaires en Syrie, en Irak et au Yémen, a menacé en septembre 2019 de détruire l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, rappelant que l’axe de la résistance était très fort, surtout après les attaques contre les installations pétrolières d’Aramco en Arabie.

En janvier 2020, il menace les États-Unis et annonce que l’armée américaine allait " payer le prix " pour avoir tué Qassem Soleimani et Abou Mehdi al-Mouhandis, affirmant qu’il voulait exclure les Américains de la région.

Inutile de rappeler les attaques verbales contre Israël. Les menaces de destruction totale sont trop nombreuses pour les citer, que ce soit avec des missiles, des roquettes ou même les marteaux qui ont servi à creuser les tunnels qui devaient ouvrir la voie à une invasion.

Hassan Nasrallah, qui a fait la guerre partout, fait assassiner en plein jour Rafic Hariri, Lokman Slim et plusieurs autres ; il a empêché un juge de mener une enquête pour inculper les responsables de l’explosion du nitrate d’ammonium qu’il avait entreposé au port. Affirmant disposer de 150 000 missiles et 100 000 combattants, il veut un président qui ne trahirait pas la résistance et ne comploterait pas contre elle.

À l’exception des membres du Conseil national pour la libération de l’occupation iranienne, qui ose remettre en question son autorité ? Quel député s’est adressé au sein même du Parlement pour parler de ses armes ? Personne.

Certains diront qu’il réclame aux États-Unis des garanties pour faire élire un président, sachant très bien qu’aucun président américain ne peut garantir que son successeur respectera les garanties qu’il aura lui-même fournies. C’est bien sur ce point qu’ont échoué les négociations sur l’accord nucléaire avec l’Iran, alors que le gaz et le pétrole iraniens sont bien plus importants aux yeux des Occidentaux que l’élection d’un président au Liban.

Si son message est adressé à l’intérieur, quels sont les partis politiques qui pourront lui donner les mêmes garanties sécuritaires et financières qu’il a fournies à Israël en acceptant la délimitation des frontières maritimes? Ceux qui un jour étaient avec la Syrie et qui ont rejoint le 14 Mars ensuite ? Ou ceux qui s’étaient battus contre Michel Aoun pour le faire élire président sans aucun regret ?

L’Histoire libanaise de l’époque phénicienne jusqu’à nos jours montre l’opportunisme des dirigeants de cette terre qui, comme le chante Jacques Dutronc, retournent leur veste, toujours du bon côté.

Dans son dernier discours, Hassan Nasrallah a montré une forte montée en impuissance en s’attaquant à la "thawra" du 17 octobre, l’accusant d’avoir créé le chaos. Ce chaos qui a détruit tous les tabous sacrés et qui l’a placé au même niveau que les autres hommes politiques en ce qui concerne les moqueries, les ironies et les railleries. Ce même chaos qui est en train de fragiliser le régime des mollahs en Iran.

Hassan Nasrallah voit très bien ce qui se passe depuis deux mois à Téhéran et dans toutes les villes iraniennes où malgré la peur, les Iraniennes et les Iraniens trouvent le courage pour descendre dans la rue et exprimer leur colère. Il voit comment ils ont créé cette nouvelle tendance en renversant les turbans des mollahs. Il voit qu’Emmanuel Macron, qui avait réhabilité le Hezbollah après l’explosion du 4 août et qui n’avait d’yeux que pour des contrats en Iran, reçoit des Iraniennes à l’Élysée et soutient leur révolte.

Hassan Nasrallah sait très bien que le jour où le régime iranien tombera, il ne se trouvera plus une personne au Liban ou ailleurs pour ne pas le trahir et le poignarder dans le dos. Probablement que ses plus proches le feront avant quiconque, par opportunisme. Même Gebran Bassil retournera son pantalon, puisque sa veste aura craqué.

Aujourd’hui, Hassan Nasrallah sait que les événements ne vont plus dans son sens. L’invasion de l’Ukraine et la mort de Mahsa Amini ont bouleversé tous ses plans. Mais les adversaires du Hezbollah refusent de voir cette faiblesse qui commence à s’exprimer. Probablement parce qu’ils sont encore victimes du syndrome de Stockholm, et qu’ils ont peur.

Certes, le Hezbollah peut encore assassiner, mais il ne peut plus faire plus. Et ce n’est plus la peur qui doit empêcher d’agir.

Oscar Wilde disait qu' "une idée qui n’est pas dangereuse ne mérite pas d’être appelée une idée. "

Notre seule action est de libérer le Liban de l’occupation iranienne, en réclamant l’application des résolutions internationales des Nations Unies, qui se basent sur l’accord de Taëf et la conclusion.

Il n’est plus nécessaire de descendre en masse dans la rue pour arriver à nos fins ; les réseaux sociaux sont un excellent outil si nous savons aussi bien les utiliser que ne le font les Ukrainiens et les Iraniens.