Sous la surface du lac Crawford, au Canada, des scientifiques ont trouvé des couches de sédiments exceptionnellement bien conservées. Ces dernières pourraient servir de base pour proposer un nouveau chapitre de l’histoire de la planète défini par l’activité humaine: l’Anthropocène.

Le lac Crawford, près de Toronto au Canada, a été choisi mardi comme le site de référence mondial du commencement de l’Anthropocène, cette nouvelle époque géologique caractérisée par l’impact de l’humanité sur la Terre que des scientifiques tentent de faire reconnaître officiellement.

Les sédiments stratifiés au fond de cette petite étendue d’eau d’un kilomètre carré, chargés de microplastiques, de cendres de combustion du pétrole et du charbon, et de retombées des explosions de bombes nucléaires, constituent la meilleure preuve qu’un nouveau chapitre de l’histoire de la Terre s’est ouvert, ont conclu les membres du groupe de travail sur l’Anthropocène.

De l’Holocène à l’Anthropocène

Mais l’approbation officielle par les autorités géologiques mondiales que la Terre serait sortie de l’Holocène, la période débutée il y a environ 12.000 ans à la fin de la dernière glaciation, pour entrer dans l’Anthropocène, l' "époque de l’Humain ", reste très incertaine.

De l’avis général, une approbation sera très difficile. Des géologues de renom estiment que les critères techniques ne sont pas remplis pour qualifier l’Anthropocène de nouvelle " époque ", même s’ils reconnaissent qu’une rupture s’est produite au XXe siècle.

La route est encore longue mais une étape majeure a toutefois été franchie avec le choix de ce lac canadien comme incarnation physique de l’Anthropocène, parmi une liste finale de neuf candidats, dont les sédiments d’une baie du Japon, la boue d’un cratère en Chine, les trace dans une carotte glaciaire ou celles sur des récifs coralliens.

Les sédiments du lac Crawford, extraordinairement stables car les eaux en profondeur et en surface ne se mélangent pas, " reflètent le point de basculement dans l’histoire de la Terre, lorsque le système terrestre a cessé de se comporter comme il l’avait fait pendant 11.700 ans ", a expliqué Francine McCarthy, professeure canadienne qui a mené les recherches sur le lac, lors d’une conférence de presse en ligne mardi.

Point de basculement

Et ce point de basculement se manifeste de façon spectaculaire : la première semaine de juillet a été la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial, des incendies de forêt hors de contrôle ravagent le Canada depuis des mois, tandis que les États-Unis et la Chine sont confrontés à une chaleur, des inondations et une sécheresse sans précédent.

Les traces de l’activité humaine – microplastiques, polluants chimiques éternels, espèces invasives, gaz à effet de serre … – sont partout, du sommet des montagnes aux fonds des océans, et les désordres qu’elles engendrent sont nombreux – changement climatique, pollution, perte de biodiversité – au point de rompre les équilibres naturels du globe.

Une équipe de scientifiques récupère une sonde au fond du lac Crawford lors de la collecte d’échantillons de couches de sédiments près de Milton, Ontario, Canada, le 12 avril 2023. (Photo Peter POWER / AFP)

Pour retenir un site comme l’incarnation d’un changement de période géologique, les règles de la puissante Commission internationale de stratigraphie (ICS) exigent d’identifier un " marqueur primaire " synchrone qui soit détectable dans les archives géologiques presque partout sur la planète.

Pour l’Anthropocène, le plutonium rejeté par les essais de bombes à hydrogène fournit cette " empreinte mondiale ", car il y en a très peu à l’état naturel, défend Andy Cundy.

Dans les sédiments du lac Crawford, cette rupture s’observe sur seulement 15,6 centimètres, a souligné Colin Waters, président du groupe de travail, lors de la conférence de presse: " cela semble peu (..) mais cette épaisseur est suffisante pour comprendre et constater un changement très important qui s’est produit au cours des années 1950 ".

Malo Pinatel, avec AFP