Depuis le 11 novembre dernier, les médicaments des maladies chroniques ne sont que partiellement subventionnés par l’État libanais. Leurs prix, ainsi que ceux des médicaments des maladies aigües, poursuivent, dès lors, leur incessante flambée. Une nouvelle liste tarifaire, entrée en vigueur lundi soir, met en relief une augmentation de 27% des prix.

Confronté à un effondrement systémique, le pays du Cèdre s’enfonce, jour après jour, dans une crise sanitaire alarmante. Se procurer des médicaments, au Liban, est devenu un défi épineux, presqu’impossible à relever, pour la majorité de la population dont près des trois quarts vivent désormais sous le seuil de pauvreté, selon la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (Escwa).

Dans le cadre de son enquête sur la crise des médicaments au Liban, Ici Beyrouth avait mis en lumière une série d’incohérences majeures relatives à la tarification des médicaments princeps et génériques ; la levée partielle des subventions sur les traitements psychiatriques qui, selon une décision ministérielle, devraient être exemptés de toute augmentation de prix, ainsi que la pénurie et la flambée des prix de certaines substances pharmaceutiques vitales telle que l’insuline ; et l’augmentation ahurissante des prix des génériques locaux qui dépassent, dans de nombreux cas, ceux des génériques importés et parfois mêmes des princeps.

Un responsable du ministère de la Santé, sous le couvert de l’anonymat, avait alors affirmé à notre site que ces incohérences " ne constituent que 2% de l’ensemble des 5.000 médicaments listés " et seront traitées dans " les plus brefs délais ".

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Réalités d’aujourd’hui

Or lundi soir, une nouvelle liste tarifaire des médicaments est entrée en vigueur, dans laquelle le ministère de la Santé a indiqué, sur son site électronique, avoir fixé les nouveaux prix selon des taux de conversion de 1.507,5 et 27.000 livres libanaises pour chaque dollar américain. Ces prix auraient donc augmenté de 27% en comparaison à ceux de la liste tarifaire précédente, publiée le 7 décembre dernier. Ici Beyrouth a (re)passé les nouveaux prix à la loupe afin d’examiner si les incohérences relatives aux " 2% des 5.000 médicaments, soit près de cent médicaments, ont été corrigées. Après une analyse comparative minutieuse, on a remarqué que les prix de ces derniers n’ont pas été ajustés, mais ont étonnement subi une nouvelle hausse, accentuant davantage le fossé des contradictions.

Par exemple, le princeps d’un anticoagulant (le rivaroxaban dosé à 20 mg) a conservé le même prix de 138.000 livres, puisque son prix converti en dollars sur base de 1.507,5 livres dépasse la limite supérieure de l’intervalle visé par la décision ministérielle qui englobe les médicaments dont le prix est inférieur à 52,5 dollars. Le prix de son générique libanais est passé de 99.000 livres libanaise en octobre 2021 à 439.000 livres en novembre 2021, puis à 492.000 livres en décembre 2021 pour atteindre 602.000 livres en janvier 2022. Il est donc quatre fois supérieur à celui du princeps.

De plus, les incohérences relatives aux traitements psychiatriques persistent toujours et se sont même amplifiées. Ainsi, l’augmentation des prix de ces médicaments, censés être subventionnés, les a rendus encore plus inaccessibles. Par exemple, le prix du princeps d’un antipsychotique couramment utilisé (l’olanzapine orodispersible dosée à 5 mg) est resté intact, il se vend actuellement à 49.000 livres. Son générique libanais qui coûtait 47.000 livres en octobre 2021, 213.000 livres en novembre 2021 et 239.000 livres en décembre 2021, se vend actuellement à 292.500 livres.

Les insulines ont également subi le même sort. Si elles ne sont pas en rupture de stock dans les pharmacies, comme c’est le cas actuellement, elles se vendent à des prix de plus en plus chers, remettant en question la compliance des patients insulinodépendants au traitement. Un analogue d’insuline basale à action prolongée, qui se vendait à 139.000 livres en octobre dernier, revient actuellement au patient à 739.000 livres, soit une augmentation de 432%.

Qu’attend-on pour trouver des solutions à ce massacre sanitaire? La communauté internationale assiste impuissante à un génocide, en bonne et due forme, perpétré contre le peuple libanais. Autrement, il s’agit d’un suicide que plusieurs patients ont involontairement décidé de commettre en arrêtant leurs traitements. Des milliers de patients sont à bout de souffle: les maladies silencieuses n’attendent pas.