De nombreux ménages ne peuvent plus se permettre d’acheter de la viande rouge, le prix de cette denrée ayant quintuplé.

Layla Ibrahim a choisi de réduire drastiquement sa consommation de viande, non pas par souhait de devenir végétarienne, mais à cause de la flambée des prix au Liban. Le prix de la viande rouge australienne et sud-américaine a presque quintuplé.

"Je mangeais de la viande rouge, du poulet ou du poisson tous les jours… mais le prix de ces aliments est devenu exorbitant, explique-t-elle. On a réduit notre consommation de viande rouge à une fois par semaine, en pratique je suis presque devenue végétarienne."

Avec la crise économique qui sévit dans le pays, la chute de la livre libanaise et l’inflation galopante, une grande majorité de la population a du mal à joindre les deux bouts. Selon les Nations unies, 80% de la population au Liban vit en dessous du seuil de pauvreté.

"Nous consommons de petites quantités de viande hachée dans les farces ou les ragoûts, explique cette femme de 44 ans, mère de deux enfants. Même le barbecue du dimanche en famille a été annulé."
La population doit ainsi trouver une substitution à la viande rouge, aliment principal de nombreux plats libanais.

Substitution

"Les consommateurs remplacent la viande rouge par des substituts moins chers, comme le poulet ou les légumineuses", explique Nabil Fahed, président du syndicat des propriétaires de supermarchés au Liban.

Le prix moyen d’un kilogramme de poulet est de 120.000 livres libanaises, et celui d’un filet de bœuf d’environ 300.000. Presque la moitié du salaire minimum, fixé à 675.000 livres.

Après la levée des subventions sur certains aliments importés, la demande pour la viande rouge a baissé, explique M. Fahed, les ventes dans les grandes surfaces diminuant même d’environ 70%. Cette tendance est encore plus importante dans les marchés populaires et les petits commerces fréquentés par des personnes aux revenus modestes, fait-il remarquer.

En raison des hausses du prix de l’électricité, le coût du stockage ne cesse d’augmenter. Les importateurs doivent s’abonner à des générateurs privés pour garder les réfrigérateurs en marche, ce qui affecte la demande de viande.

"Importée en dollars"

Selon Imad Harrouk, directeur d’une entreprise importatrice de viande, beaucoup de consommateurs achètent désormais de la viande au besoin. "Même ceux qui ont les moyens n’achètent plus autant qu’avant", ajoute-t-il.

L’aversion croissante pour la viande a également touché les restaurants qui ont perdu leurs clients principaux, issus de la classe moyenne, selon le président du syndicat des restaurateurs, Tony al-Rami. "Seuls 5% des gens peuvent se permettre de garder les mêmes habitudes de consommation qu’avant", déclare-t-il. Du côté de la restauration rapide, la viande rouge du sandwich chawarma a été boudée au profit du poulet, moins cher, estime M. Rami.
"La crise économique ainsi que la crise sanitaire du Covid-19 ont mené à une baisse drastique des ventes sur la totalité du menu, surtout les plats avec de la viande", dit Hala Jebai, directrice du département service client d’un restaurant qui propose de la cuisine libanaise. "Le prix de la viande que nous proposons est devenu très élevé (…) car nous l’importons et la payons en dollars", ajoute-t-elle.

"Les bouchers se contentent d’abattre un seul veau par jour, au lieu de deux ou trois", explique Nancy Awada, inspectrice alimentaire travaillant pour la municipalité de Beyrouth. Conséquence indirecte de cette tendance, malgré l’absence d’amélioration des conditions sanitaires, "le nombre de plaintes relatives à la qualité de la viande a diminué de 75%", conclut Mme Awada.

AFP/Bassem el-Hage