Le droit du sport au Liban ne favorise pas le développement de cette activité à un niveau professionnel. La juridiction sportive est prépondérante pour paver la voie à la performance sportive, comme le prouve l’arrêt Bosman de 1995, qui a accentué la domination du football européen à l’échelle mondiale.

Le droit joue une place prépondérante dans le sport. Le développement du sport international a toujours été accompagné et accéléré par des lois adaptées, qui ont pavé la voie à la professionnalisation du sport et la pérennité financière des organisations sportives comme les clubs.

Le système juridique libanais est bien loin de cet avancement. Aujourd’hui, tout club sportif n’est pas en droit de s’enregistrer en tant que société commerciale et ne peut se constituer légalement qu’en tant qu’association. Cette contrainte rend la planification budgétaire, en parallèle à la stratégie sportive, plus difficile. Dans un entretien avec Ici Beyrouth, Maître Ralph Charbel, expert en droit international du sport et rédacteur en chef de Middle East Sports Law explique que "la structure des clubs au Liban a crucialement besoin de développement afin d’assurer la pérennité de ces organisations sportives. L’association ne permet pas de faire des profits. L’investissement dans le sport devient donc automatiquement à perte."

L’arrêt Bosman a révolutionné le football et a accentué la domination des Européens sur le football mondial

Les lois, prépondérantes pour le développement du sport

A l’échelle internationale et dans le sport le plus populaire (le football), l’exemple de l’arrêt Bosman de 1995 est saisissant sur l’importance des lois dans le sport. En effet, le rapport de forces entre Européens et Sud-américains en coupes du monde a drastiquement évolué en faveur des Européens depuis l’arrêt Bosman.
L’arrêt Bosman est le fruit d’un litige entre le joueur belge Jean-Marc Bosman et son club, le RFC Liège. En 1990, Bosman voulait quitter son club mais la procédure pour changer de club n’était pas aussi simple qu’aujourd’hui. En effet, même si le joueur était en fin de contrat, le club acheteur devait à l’époque s’acquitter d’une somme pour enrôler le joueur. Dunkerque (club de Ligue 2 en France) voulait recruter Bosman, mais la somme demandée par Liège était trop élevée, ce qui empêcha le deal d’aboutir. Bosman déposa une plainte aiprès de la Cour de justice européenne et, le 15 décembre 1995, il gagnait son procès, ce qui donna naissance à l’arrêt Bosman. Cet arrêt stipulait que les joueurs étaient désormais libres de rejoindre le club de leur choix à la fin de leur contrat. Ils pouvaient de surcroît changer de club, même s’ils étaient sous contrat, sous réserve du paiement d’une clause libératoire par le club acheteur. Enfin, les clubs européens n’avaient désormais plus de limite au nombre de joueurs issus de l’Union européenne au sein de leur effectif.
Depuis l’instauration de l’arrêt Bosman, les Européens ont gagné 5 des 6 coupes du monde jouées (83%), alors qu’avant l’arrêt, l’Europe en avait remporté seulement 7 de 15 (47%). L’exposition des meilleurs joueurs européens de toutes les nations a renforcé les meilleurs joueurs des grandes nations, en pavant par exemple la voie à la première victoire de la France en coupe du monde en 1998, dont la majorité des meilleurs joueurs n’évoluait pas en France, mais dans les meilleurs clubs européens. De plus, des nations secondaires en Europe, telles que la Croatie et la Belgique, ont fait un saut qualitatif impressionnant, finissant respectivement deuxième et troisième du dernier Mondial, en raison notamment du fait que leurs meilleurs joueurs ont désormais la possibilité juridique de rejoindre les clubs des grands championnats européens, et ne sont plus limités à l’exercice de leur profession dans leur championnat national de clubs, qui est relativement faible. Ainsi, à la coupe du monde 2018, la majorité des joueurs de la sélection belge évoluaient dans l’un des meilleurs, voire le meilleur championnat européen, qu’est la "Premier League" anglaise.

A voir le succès sportif des Européens grâce à cet arrêt, on se demande pourquoi les instances sportives arabes ne s’activent pas pour développer une législation similaire entre les pays arabes, pour faciliter la circulation des joueurs de ces pays. Interrogé à ce sujet par Ici Beyrouth, Maître Ralph Charbel explique que cela serait "une bonne idée à mettre en place qui pourrait élever le niveau des ligues arabes. Si le quota des joueurs arabes dans une équipe n’est plus comptabilisé dans le quota des joueurs étrangers, cela permettrait au niveau sportif de progresser."

Indépendamment du manque de coordination et de vision à l’échelle juridique arabe pour le développement du sport, le Liban est à la traîne sur plusieurs aspects du droit du sport comme les ruptures unilatérales des contrats par les clubs ou les sportifs. Charbel explique qu’"en théorie, ces ruptures ne sont pas simples. Le club ou le sportif ayant rompu son contrat sans juste cause devrait en effet payer une lourde indemnité. Mais en pratique, rares sont les sportifs professionnels ayant recours à des spécialistes en droit du sport. Pour cela, beaucoup de ruptures abusives de contrats de sportifs professionnels sont effectuées par les clubs sans conséquences."