Après son coup d’éclat sur 100 m la semaine dernière, l’Américain Noah Lyles s’est emparé d’une troisième couronne de champion du monde du 200 m consécutive vendredi à Budapest, pour valider un doublé plus vu depuis Usain Bolt en 2015.

Le Boltomètre n’a jamais été aussi haut depuis la retraite de la légende jamaïcaine en 2017. Le showman Noah Lyles, qui rêve de dépasser les frontières de son sport, a fait un pas dans la bonne direction avec un retentissant doublé 100/200 m aux Championnats du monde.

Le Floridien de 26 ans a écrasé la finale dans la deuxième partie de course, sa spécialité, pour couper la ligne en 19 sec 52 (-0,2 m/s) devant son compatriote Erriyon Knighton (19.75) et le Botswanais Letsile Tebogo (19.81), déjà médaillé sur 100 m (bronze).

Début juin, Lyles et Bolt s’étaient croisés à Kingston, le Jamaïcain glissant quelques mots à l’oreille de son futur successeur: " t’es bon mec, content de te voir. Notre sport a besoin de ça, on a besoin d’une personnalité. "

" Usain Bolt l’a fait (le doublé), et le fait qu’il m’ait parlé pour me dire qu’il me suivait et me respectait, c’est incroyable ", a lancé Lyles en conférence de presse.

" Ce doublé représente beaucoup de travail. J’ai beaucoup dit que je n’avais pas de pression, mais évidemment il y en avait. Le 100 mètres, c’était surtout du fun. Le 200 mètres, c’est là où j’ai fait mes plus grosses performances, mes deux premiers titres mondiaux, c’était personnel. "

Personnalité riche et complexe, Noah Lyles, volontiers chanteur, danseur ou chambreur, n’a jamais eu peur d’ouvrir son intimité au monde.

Il y a quelques semaines, la chaîne américaine NBC lui a consacré un long documentaire d’une heure trente, revenant notamment sur sa jeunesse, que Lyles espère décliner en plusieurs saisons.

Se " battre " sur la piste

Né à Gainesville (Floride) le 18 juillet 1997, il passe enfant beaucoup de temps à l’hôpital pour traiter son asthme, avant d’être soulagé par une opération des amygdales et des végétations à l’âge de six ans.

Ses parents, tous les deux anciens athlètes, divorcent lorsqu’il a 13 ans: il part avec son frère vivre avec leur mère, et leur grande sœur avec leur père.

Dyslexique et victime de troubles de l’attention, il a du mal à l’école où il redouble son " first grade  ", l’équivalent du cours préparatoire.

" Je me suis battu toute ma vie. Après ma naissance pour sortir de l’hôpital, puis pour sortir de l’école, avec ma dyslexie et mes troubles de l’attention, pour trouver ma propre voie. Maintenant je me bats sur la piste ", indiquait-il avant son entrée en lice à Budapest.

Ce diamant brut explose en 2018 avant d’être titré une première fois aux Mondiaux de 2019.

Mais la pandémie mondiale de Covid-19 affecte son moral, et, aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, Lyles doit se contenter de la médaille de bronze. " Tokyo a été une épreuve pour ma santé mentale, que j’ai surmontée. J’ai montré que je pouvais être plongé dans une tempête d’idées sombres et m’en sortir ", dit-il, s’ouvrant sur sa thérapie avec une psychiatre.

Héros de manga

Solaire, Lyles irradie de son large sourire, et aime exposer ses talents et centres d’intérêt, multipliant les références à la pop culture, notamment à l’univers des manga, qu’il dévore en papier ou en animé.

A Budapest, sa présentation de course face caméra consiste à se craquer les doigts comme le personnage du populaire manga Tokyo Ghoul. A quelques heures de la finale du 200 m, il poste sur " X " (anciennement Twitter) qu’il est " temps pour un Genki dama ", une attaque surpuissante de Son Goku, héros du manga référence Dragon Ball.

Surpuissant, il l’a été sur la piste: sur 200 m, son " royaume " comme il le qualifie, il est invaincu depuis deux ans et la finale des Jeux olympiques de Tokyo en 2021.

Ne manque qu’une chose pour tutoyer le maître Bolt: s’emparer de ses records du monde (9.58 sur 100 m, 19.19 sur 200 m), encore intouchables.