Des armes vectrices de bombes nucléaires, une armée de presque un million de soldats, un équipement plus ou moins vieillot et, surtout, une terrible capacité de nuisance. Le tout financé par du pétrole et du gaz en abondance. C’est ce qui fait la puissance de la Russie de Poutine. Avec la crise ukrainienne, le maître du Kremlin a eu le plaisir d’exhiber toute sa panoplie, espérant une meilleure prise en considération par l’Occident. Mais si Moscou n’as pas besoin d’utiliser des armes stratégiques pour envahir l’Ukraine, et là on se demande la raison pour laquelle l’on a fait des manoeuvres avec des armes stratégiques, la situation explosive à l’Est de l’Ukraine, dans les deux républiques séparatistes prorusses plus exactement, est devenu le centre de l’attention mondial, car le moindre excès, le moindre dépassement de la ligne de la normalité signerait le départ des hostilités et donc celui de la course vers l’inconnu.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est arrivé en Allemagne pour rencontrer ses alliés occidentaux à la Conférence sur la sécurité de Munich, alors que dans l’est de l’Ukraine, les incidents se multiplient entre Kiev et les séparatistes pro-russes. Ces derniers, qui accusent Kiev de vouloir les attaquer, ont annoncé samedi une " mobilisation générale " des hommes en état de combattre, après avoir ordonné la veille l’évacuation de civils vers la Russie voisine.

Sur le front dans l’est de l’Ukraine d’abord, les forces armées ukrainiennes et les séparatistes pro-russes se sont mutuellement accusés samedi de nouvelles graves violations du cessez-le-feu. Kiev a annoncé la mort d’un de ses soldats lors de ces affrontements. L’armée ukrainienne a fait état de 66 échanges de tirs de mortiers, de 82 et 110 mm de calibre, sur les villes du front jusqu’à 07H00 (04H00 GMT), un nombre élevé. Et les observateurs de l’OSCE ont affirmé samedi avoir constaté une " augmentation spectaculaire " des violations du cessez-le-feu, pour un total de 870 vendredi. Selon eux, le nombre d’incidents armés sur la ligne de front est désormais identique à celui d’avant juillet 2020, date d’un accord pour renforcer le cessez-le-feu. Les séparatistes pro-russes et les forces ukrainiennes se battent depuis 2014 dans l’est de l’Ukraine, dans un conflit qui a déjà fait plus de 14.000 morts. Par ailleurs, Moscou a annoncé samedi l’ouverture d’une enquête après le signalement dans des médias qu’un tir ukrainien était tombé en territoire russe, près de la frontière ukrainienne, sans faire de dégâts ni de victimes.

La région russe de Rostov, frontalière de l’Ukraine, a déclaré l’état d’urgence pour faire face à un possible afflux de réfugiés en provenance des zones séparatistes. Près de 20.000 personnes ont quitté ces régions, selon les responsables locaux pro-russes. " On a décidé d’aller chez la grand-mère (en Russie) où c’est calme, on a eu notre dose en 2014, on ne veut pas attendre jusqu’au dernier moment ", a déclaré à l’AFP Elena Sokela, une habitante de la " république " séparatiste de Donetsk arrivée samedi matin côté russe avec son fils de 16 ans.

Un missile balistique intercontinental porteur d’ogives nucléaires autotracté de l’arsenal stratégique russe.

Par ailleurs, la Russie a mené samedi des exercices impliquant des tirs de missiles lourds, nouvelle démonstration de force de Moscou au moment où Washington se dit convaincu d’une invasion imminente de l’Ukraine. S’ajoutant à ces graves tensions, le président Vladimir Poutine a supervisé personnellement samedi des exercices " stratégiques " avec des tirs de missiles " hypersoniques ", de nouvelles armes que le chef du Kremlin a précédemment qualifiées " d’invincibles " et pouvant porter des charges nucléaires. " L’objectif principal des exercices est d’entraîner les forces offensives stratégiques pour infliger une défaite garantie à l’ennemi ", a déclaré le chef d’état-major russe, Valeri Guerassimov, lors d’une réunion par visioconférence, où M. Poutine est apparu au côté de son homologue bélarusse Alexandre Loukachenko. " Les objectifs prévus (…) ont été accomplis pleinement, tous les missiles ont atteint les cibles fixées ", a indiqué le Kremlin dans un communiqué, précisant que ces manoeuvres avaient impliqué des bombardiers Tu-95 et des sous-marins.

Un bombardier stratégique russe Tupolev Tu-95
Parallèlement, les Américains accusent toujours Moscou, qui a massé des dizaines de milliers de soldats près des frontières orientales de l’Ukraine, de se préparer à attaquer ce pays. Les Russes " sont en train de se déployer et s’apprêtent à frapper ", a soutenu samedi le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin, lors d’une visite en Lituanie, ajoutant que les soldats de Moscou " se dirigent vers les positions adéquates pour être en mesure de mener une attaque ".La veille, le président américain Joe Biden s’est déclaré " convaincu " que Vladimir Poutine avait décidé d’envahir l’Ukraine, et que la multiplication des heurts visait à créer une " fausse justification " pour lancer une offensive. Mais il a laissé la porte ouverte au dialogue. Tant qu’une invasion ne s’est pas produite, " la diplomatie est toujours une possibilité ", a-t-il estimé. Dans ce sens, une rencontre entre son secrétaire d’Etat Antony Blinken et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est prévue jeudi prochain.Le Kremlin continue de nier toute intention d’attaquer son voisin, pays pro-occidental que le Kremlin veut faire revenir dans sa sphère d’influence. Mais il réclame des garanties pour la sécurité de la Russie, comme le retrait d’Europe de l’Est de l’infrastructure militaire de l’Otan et l’assurance que l’Ukraine n’adhèrera jamais à l’Alliance, des demandes jugées inacceptables par les Occidentaux. Les préoccupations de Moscou à propos de l’Ukraine doivent " être respectées ", a estimé samedi le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi.

Depuis Munich, le Premier ministre britannique Boris Johnson a lui appelé " à l’unité " des alliés occidentaux, tandis que la vice-présidente américaine Kamala Harris a évoqué la menace d’un renforcement de l’Otan dans l’Est de l’Europe en cas d’attaque russe et averti Moscou de sanctions économiques " sévères et rapides ".

Washington et Kiev affirment que Moscou dispose d’environ 150000 soldats aux frontières de l’Ukraine, en Russie et au Bélarus, un chiffre qui monte jusqu’à 190000 hommes en comptant les forces séparatistes de l’est de l’Ukraine. C’est " la plus grande concentration de troupes militaires " depuis la Guerre froide, a dit le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. Pour sa part, la Russie n’a jamais divulgué le nombre de ses soldats massés aux frontières de l’Ukraine ou participant à des manoeuvres au Bélarus voisin.

L’Occident a promis des sanctions économiques dévastatrices contre Moscou en cas d’invasion de l’Ukraine. Des menaces à nouveau balayées par Vladimir Poutine, qui a soutenu vendredi que ces sanctions tomberont " quoi qu’il arrive ".

Avec AFP