Voici venir le temps des avanies ! Et pour les minoritaires, ce n’est pas rassurant. De l’affaire de Monseigneur Moussa el-Hage je ne retiendrai pas l’aspect judiciaire, l’instruction étant couverte par le sceau du secret et l’accusation d’intelligence avec l’ennemi étant tout aussi vite lancée que récusée sur les réseaux sociaux. De ce fait, je ne m’attacherai qu’à deux aspects sociétaux : primo, la résurgence de la notion d’avanies ; et deuxio, le pullulement de cette variété particulière, mais tout aussi troublante, de chrétiens de service.
1- L’affaire de l’arrestation du légat patriarcal et de l’arraisonnement de sa voiture est à l’évidence politique ; elle rappelle amèrement le statut juridique de la dhimmitude d’avant les Tanzimat ottomanes (1839-1876), quand, sous prétexte d’appliquer la charia, pachas et bachibouzouks faisaient preuve d’arbitraire et imposaient des avanies aux chrétiens sous un prétexte quelconque. « Avanie » vient de hawane en arabe qui signifie mépris, mépris qui se concrétise en vexations ou affronts faits de propos délibérés et publics dans le but de rançonner une victime désignée ou une communauté spécifique. Ce procédé indigne vient d’être exhumé et, en l’espèce, le chantage, qui est clair, s’exprime en ces termes : « Vous calmez les ardeurs du juge Tarek Bitar dans l’affaire de la double explosion du port de Beyrouth et notre juge Fadi Akiki se fera un plaisir de trouver une issue honorable au prélat de Terre Sainte ». Un juge contre un autre juge, une décision de justice en contrepartie d’une autre. A win-win situation, qui dit mieux ?
La justice n’est pas affaire de fricoteurs, on ne l’instrumentalise pas pour complaire à un « tonton par alliance ». Tout pouvoir judiciaire sélectif, c’est-à-dire qui prend un archevêque en flagrant délit d’aide humanitaire et qui ferme les yeux sur le blanchiment d’argent et le trafic de captagon et de missiles, est un pouvoir scélérat. Et une justice tronquée n’est qu’imposture !
Juste une question : quand Salim Ayash et ses acolytes, condamnés par le TSL, ne sont pas poursuivis par qui de droit, comment ose-t-on s’acharner sur un membre du sacerdoce ?
2- À l’époque des présidents Chamoun et Chéhab, il y avait des chiites de service, mais les temps ont changé et c’est désormais aux chrétiens de montrer patte blanche et de faire antichambre. Or les maronites, comme d’autres coreligionnaires, ont engendré, tout au long des siècles une variété particulière d’individus : les collaborateurs. Je commencerai par la personnalité emblématique d’Ibn al-Sabha qui, sous les mamelouks, avait trahi les siens pour s’arroger le droit de porter le blanc turban. Dans l’histoire cahotante qui fut la nôtre, nos préposés à la sale besogne furent légion. Ainsi à l’époque du gauleiter Ghazi Kanaan, combien de personnalités, aujourd’hui des plus souverainistes, ne s’étaient-elles pas proposées de convaincre feu le patriarche Sfeir de se rendre à Damas faire amende honorable ? Enfin, rappelons l’incident déclenché par Bechara al-Asmar, ex-président de la Confédération générale des travailleurs, qui avait tenu des propos insultants à l’égard dudit patriarche, rien que pour assurer ses maîtres de sa profonde dévotion. Les fiers-à-bras et les grandes gueules ne font pas généralement les grandes âmes. On connaît la suite : après avoir rampé, en tant que quémandeur, à Aïn el-Tineh, l’illustre syndicaliste avait fini par se prosterner à Bkerkeh en tant que pénitent.
Chrétiens, si avec un chef de l’État, un président du Conseil supérieur de la magistrature, et un Commandant en chef de l’armée, qui sont vos coreligionnaires, on vous fait subir ce traitement dégradant, imaginez ce qui vous attend en cas de déconfessionnalisation, quand vos soi-disant privilèges, qui ne sont que des garanties, vous seront retirés au nom d’une supercherie dite laïcisation ! Oui, imaginez dans quelles situations inextricables vous vous retrouverez et quel sera votre statut de toléré.
Personnellement, je ne peux que me féliciter de cet incident qui va ouvrir les yeux de ceux qui se bercent d’illusions comme de ceux qui ont capitulé devant le tandem chiite, puisqu’il faut l’appeler par son nom. Lamentable est le spectacle de cette « multitude vile » qui, pour toucher le prix de l’asservissement, a courbé l’échine. Et pourquoi et pour combien s’il vous plaît ? Pour des prébendes, pour une protection mafieuse, pour quelques pièces en or ou même pour le poste tant convoité de la magistrature suprême.
À Dimane, où souffle encore l’esprit de Qannoubine, l’authentique, celui du monothélisme envers et contre tous, ce lieu de mémoire vers lequel se tournent les regards en ce moment, j’adresserai le texte suivant de Chateaubriand. Pèlerin sur les traces du Christ, l’écrivain français nous y appelle à la fermeté :
« J’avais été prévenu de ne me laisser jamais plaisanter par un Turc (1), si je ne voulais m’exposer à mille avanies. J’ai reconnu plusieurs fois, dans la suite, combien ce conseil était utile : un Turc devient aussi souple, s’il voit que vous ne le craignez pas, qu’il est insultant s’il s’aperçoit qu’il vous fait peur » (2).
1- Rien à voir avec mes amis turcs d’aujourd’hui. Ce fut une autre époque et le mot « Turc » ne désignait pas une nationalité particulière.
2- Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811.
1- L’affaire de l’arrestation du légat patriarcal et de l’arraisonnement de sa voiture est à l’évidence politique ; elle rappelle amèrement le statut juridique de la dhimmitude d’avant les Tanzimat ottomanes (1839-1876), quand, sous prétexte d’appliquer la charia, pachas et bachibouzouks faisaient preuve d’arbitraire et imposaient des avanies aux chrétiens sous un prétexte quelconque. « Avanie » vient de hawane en arabe qui signifie mépris, mépris qui se concrétise en vexations ou affronts faits de propos délibérés et publics dans le but de rançonner une victime désignée ou une communauté spécifique. Ce procédé indigne vient d’être exhumé et, en l’espèce, le chantage, qui est clair, s’exprime en ces termes : « Vous calmez les ardeurs du juge Tarek Bitar dans l’affaire de la double explosion du port de Beyrouth et notre juge Fadi Akiki se fera un plaisir de trouver une issue honorable au prélat de Terre Sainte ». Un juge contre un autre juge, une décision de justice en contrepartie d’une autre. A win-win situation, qui dit mieux ?
La justice n’est pas affaire de fricoteurs, on ne l’instrumentalise pas pour complaire à un « tonton par alliance ». Tout pouvoir judiciaire sélectif, c’est-à-dire qui prend un archevêque en flagrant délit d’aide humanitaire et qui ferme les yeux sur le blanchiment d’argent et le trafic de captagon et de missiles, est un pouvoir scélérat. Et une justice tronquée n’est qu’imposture !
Juste une question : quand Salim Ayash et ses acolytes, condamnés par le TSL, ne sont pas poursuivis par qui de droit, comment ose-t-on s’acharner sur un membre du sacerdoce ?
2- À l’époque des présidents Chamoun et Chéhab, il y avait des chiites de service, mais les temps ont changé et c’est désormais aux chrétiens de montrer patte blanche et de faire antichambre. Or les maronites, comme d’autres coreligionnaires, ont engendré, tout au long des siècles une variété particulière d’individus : les collaborateurs. Je commencerai par la personnalité emblématique d’Ibn al-Sabha qui, sous les mamelouks, avait trahi les siens pour s’arroger le droit de porter le blanc turban. Dans l’histoire cahotante qui fut la nôtre, nos préposés à la sale besogne furent légion. Ainsi à l’époque du gauleiter Ghazi Kanaan, combien de personnalités, aujourd’hui des plus souverainistes, ne s’étaient-elles pas proposées de convaincre feu le patriarche Sfeir de se rendre à Damas faire amende honorable ? Enfin, rappelons l’incident déclenché par Bechara al-Asmar, ex-président de la Confédération générale des travailleurs, qui avait tenu des propos insultants à l’égard dudit patriarche, rien que pour assurer ses maîtres de sa profonde dévotion. Les fiers-à-bras et les grandes gueules ne font pas généralement les grandes âmes. On connaît la suite : après avoir rampé, en tant que quémandeur, à Aïn el-Tineh, l’illustre syndicaliste avait fini par se prosterner à Bkerkeh en tant que pénitent.
Chrétiens, si avec un chef de l’État, un président du Conseil supérieur de la magistrature, et un Commandant en chef de l’armée, qui sont vos coreligionnaires, on vous fait subir ce traitement dégradant, imaginez ce qui vous attend en cas de déconfessionnalisation, quand vos soi-disant privilèges, qui ne sont que des garanties, vous seront retirés au nom d’une supercherie dite laïcisation ! Oui, imaginez dans quelles situations inextricables vous vous retrouverez et quel sera votre statut de toléré.
Personnellement, je ne peux que me féliciter de cet incident qui va ouvrir les yeux de ceux qui se bercent d’illusions comme de ceux qui ont capitulé devant le tandem chiite, puisqu’il faut l’appeler par son nom. Lamentable est le spectacle de cette « multitude vile » qui, pour toucher le prix de l’asservissement, a courbé l’échine. Et pourquoi et pour combien s’il vous plaît ? Pour des prébendes, pour une protection mafieuse, pour quelques pièces en or ou même pour le poste tant convoité de la magistrature suprême.
À Dimane, où souffle encore l’esprit de Qannoubine, l’authentique, celui du monothélisme envers et contre tous, ce lieu de mémoire vers lequel se tournent les regards en ce moment, j’adresserai le texte suivant de Chateaubriand. Pèlerin sur les traces du Christ, l’écrivain français nous y appelle à la fermeté :
« J’avais été prévenu de ne me laisser jamais plaisanter par un Turc (1), si je ne voulais m’exposer à mille avanies. J’ai reconnu plusieurs fois, dans la suite, combien ce conseil était utile : un Turc devient aussi souple, s’il voit que vous ne le craignez pas, qu’il est insultant s’il s’aperçoit qu’il vous fait peur » (2).
1- Rien à voir avec mes amis turcs d’aujourd’hui. Ce fut une autre époque et le mot « Turc » ne désignait pas une nationalité particulière.
2- Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811.
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