«Mon chéri, je ne dis pas que tu me mens, je dis que si tu me mentais, par bonté d’âme, je n’en aurais que plus de tendresse pour toi.» Le théâtre Monnot présente la pièce Allô, une adaptation libre et en arabe de la pièce La Voix humaine de Jean Cocteau les 25, 26 et 27 juillet 2022 à 20h30. Une mise en scène de Hagop Der Ghougassian, avec pour seule actrice Angela Khalil.
Une femme seule dans son appartement téléphone à son amant qui vient de la quitter pour se marier avec une autre. Partant d’une situation classique, Jean Cocteau écrit une pièce de théâtre en un acte ou un «monologue à deux voix», joué pour la première fois en 1930 et construit de paroles et de silences, où tout tient à un fil, celui du téléphone… mais pas dans la mise en scène de Hagop Der Ghougassian. Car au-delà du fil, on s’accroche aux lèvres, aux mots d’Angela Khalil, on fouille ses yeux larmoyants et son demi-sourire tremblotant qui s’offrent au public dans toute la fragilité et la dignité blessée d’une femme abandonnée. L’actrice nous emporte dans son tourbillon émotionnel effréné. Elle le quitte. Lui parce qu’il l’a quittée. Parce qu’il a choisi une autre. Et elle se dévoile dans une mise à nu devant lui, son autre… entre retenue et hystérie. On le devine, lui. À travers elle. À travers son jeu réel, ses silences bavards, ses mots entrecoupés et son écoute. Toute la panoplie des émotions est mise en jeu décousu. Tendresse, fougue, séduction, indifférence, rage, désespoir… tout entre en jeu.
Dans une robe d’intérieur rouge et un foulard de la même couleur, la femme tranche avec le fond noir de la scène, où seul un lampadaire, celui de sa table, est éclairé, ainsi qu’elle et ses pensées, enfermées dans un faisceau de lumière, la lumière au bout du tunnel, le dernier rayon d’espoir que seule la voix de son amant peut raviver. Peut-on être amoureux d’une voix? Peut-on s’accrocher à une voix, sans rien d’autre de palpable, de cru, sans aucun battement de cœur ou de cil? C’est ce qu’elle fait, jusqu’au bout de ses pilules qu’elle ne compte plus… de sa douleur qu’elle noie dans un verre, de la cristallisation de l’être chéri qui part vers un autre point d’attache. Lien et absence, le téléphone est à lui seul un personnage fictif. Tout est dans un «Allô».
«Dans le temps, on se voyait. On pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l’impossible, convaincre ceux qu’on adorait en les embrassant, en s’accrochant à eux. Un regard pouvait changer tout. Mais avec cet appareil, ce qui est fini est fini.» Jean Cocteau, La Voix humaine
De Berthe Bovy, la toute première femme délaissée en 1930, à Simone Signoret et sa sublime interprétation après un an de la mort de Cocteau – une interprétation qui lui a valu le Grand Prix de l’Académie du disque –, à Ingrid Bergman en 1966, jusqu’aux films et courts-métrages; Rossellini avec Anna Magnani en 1948 et Almodóvar en 1986, 1988, 2014, 2020…, le texte de Cocteau, portant à lui seul en un seul «acte» manqué toute la psychologie féminine, continue à être interprété au fil des téléphones, portables, scènes de vie, de ménages ou de théâtre et au fil des ans…
Après avoir travaillé le texte de Cocteau et l’avoir mis en scène avec une autre actrice pour son diplôme de master de direction d’acteurs, Angela Khalil est subjuguée par le texte. Elle revient vers Hagop Der Ghougassian qui accepte de la mettre en scène. Loin du spectacle, des paillettes et des bigoudis, le seul élément dramatique est la voix. Humaine dans sa fragilité et sa colère, régie par tous les non-dits, sous-textes, monologues intérieurs et ascenseurs émotionnels. Et puis, ayant tout déversé à des octaves et des silences différents, à des répliques hésitantes ou acharnées, l’actrice laisse le téléphone sonner dans le vide.
Elle sort. Elle quitte la scène vers un lieu de non-retour et les éléments du décor, s’éclairent… comme si l’on voyait tout d'un coup tout. Tout ou la réalité banale d’une femme seule, consumée par le feu de la passion, d’un amour entier, qui va jusqu’à l’abnégation de soi pour enfin mourir noyée dans une goutte d’alcool, des larmes ravalées et des mégots de mégères ou de bouts de soi… Le fil est coupé. Mais alors, dans une sortie de scène titubante d’émotions, les éléments du décor s’éclairent peu à peu. «Elle laisse des traces», dit le metteur en scène. Évidemment… et ces traces-là agrandissent l’espace qui s’était resserré autour d’elle et nous emportent avec elle, dans les ombres floues de nos derniers Allô…
Une femme seule dans son appartement téléphone à son amant qui vient de la quitter pour se marier avec une autre. Partant d’une situation classique, Jean Cocteau écrit une pièce de théâtre en un acte ou un «monologue à deux voix», joué pour la première fois en 1930 et construit de paroles et de silences, où tout tient à un fil, celui du téléphone… mais pas dans la mise en scène de Hagop Der Ghougassian. Car au-delà du fil, on s’accroche aux lèvres, aux mots d’Angela Khalil, on fouille ses yeux larmoyants et son demi-sourire tremblotant qui s’offrent au public dans toute la fragilité et la dignité blessée d’une femme abandonnée. L’actrice nous emporte dans son tourbillon émotionnel effréné. Elle le quitte. Lui parce qu’il l’a quittée. Parce qu’il a choisi une autre. Et elle se dévoile dans une mise à nu devant lui, son autre… entre retenue et hystérie. On le devine, lui. À travers elle. À travers son jeu réel, ses silences bavards, ses mots entrecoupés et son écoute. Toute la panoplie des émotions est mise en jeu décousu. Tendresse, fougue, séduction, indifférence, rage, désespoir… tout entre en jeu.
Dans une robe d’intérieur rouge et un foulard de la même couleur, la femme tranche avec le fond noir de la scène, où seul un lampadaire, celui de sa table, est éclairé, ainsi qu’elle et ses pensées, enfermées dans un faisceau de lumière, la lumière au bout du tunnel, le dernier rayon d’espoir que seule la voix de son amant peut raviver. Peut-on être amoureux d’une voix? Peut-on s’accrocher à une voix, sans rien d’autre de palpable, de cru, sans aucun battement de cœur ou de cil? C’est ce qu’elle fait, jusqu’au bout de ses pilules qu’elle ne compte plus… de sa douleur qu’elle noie dans un verre, de la cristallisation de l’être chéri qui part vers un autre point d’attache. Lien et absence, le téléphone est à lui seul un personnage fictif. Tout est dans un «Allô».
«Dans le temps, on se voyait. On pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l’impossible, convaincre ceux qu’on adorait en les embrassant, en s’accrochant à eux. Un regard pouvait changer tout. Mais avec cet appareil, ce qui est fini est fini.» Jean Cocteau, La Voix humaine
De Berthe Bovy, la toute première femme délaissée en 1930, à Simone Signoret et sa sublime interprétation après un an de la mort de Cocteau – une interprétation qui lui a valu le Grand Prix de l’Académie du disque –, à Ingrid Bergman en 1966, jusqu’aux films et courts-métrages; Rossellini avec Anna Magnani en 1948 et Almodóvar en 1986, 1988, 2014, 2020…, le texte de Cocteau, portant à lui seul en un seul «acte» manqué toute la psychologie féminine, continue à être interprété au fil des téléphones, portables, scènes de vie, de ménages ou de théâtre et au fil des ans…
Après avoir travaillé le texte de Cocteau et l’avoir mis en scène avec une autre actrice pour son diplôme de master de direction d’acteurs, Angela Khalil est subjuguée par le texte. Elle revient vers Hagop Der Ghougassian qui accepte de la mettre en scène. Loin du spectacle, des paillettes et des bigoudis, le seul élément dramatique est la voix. Humaine dans sa fragilité et sa colère, régie par tous les non-dits, sous-textes, monologues intérieurs et ascenseurs émotionnels. Et puis, ayant tout déversé à des octaves et des silences différents, à des répliques hésitantes ou acharnées, l’actrice laisse le téléphone sonner dans le vide.
Elle sort. Elle quitte la scène vers un lieu de non-retour et les éléments du décor, s’éclairent… comme si l’on voyait tout d'un coup tout. Tout ou la réalité banale d’une femme seule, consumée par le feu de la passion, d’un amour entier, qui va jusqu’à l’abnégation de soi pour enfin mourir noyée dans une goutte d’alcool, des larmes ravalées et des mégots de mégères ou de bouts de soi… Le fil est coupé. Mais alors, dans une sortie de scène titubante d’émotions, les éléments du décor s’éclairent peu à peu. «Elle laisse des traces», dit le metteur en scène. Évidemment… et ces traces-là agrandissent l’espace qui s’était resserré autour d’elle et nous emportent avec elle, dans les ombres floues de nos derniers Allô…
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