Certes, la puissance militaire et sécuritaire du Hezbollah, devenu omnipotent au Liban et dans la région, outrepasse les pouvoirs de l’État libanais qui se trouve, quant à lui, en déliquescence totale. Une puissance que le parti a mise au service des autorités dans le cadre des négociations sur la délimitation des frontières maritimes avec Israël afin que le Liban officiel impose ses conditions, ou du moins les renforce.
Ce faisant, le Hezbollah a une fois de plus contourné l'État et ses institutions, usant de son fameux slogan de «résistance», qui risque d’exposer le pays exsangue à une guerre dévastatrice, susceptible de conduire à la désintégration de l'entité libanaise et à son effondrement total.
Aujourd’hui, le peuple libanais reste divisé entre ceux qui voient dans le Hezbollah et son arsenal une force importante pour le Liban, exploitable dans le dossier de la délimitation des frontières maritimes, et ceux qui considèrent que la formation pro-iranienne sape l'État et l'affaiblit. Ces derniers le tiennent pour responsable de la dégradation de la situation locale et des malheurs qui frappent le pays, parce qu’il a soumis le Liban à l’axe iranien.
Le Hezbollah est également à blâmer pour avoir opposé le Liban aux pays arabes qui l'ont toujours soutenu et aidé à se redresser, ainsi qu’à la communauté internationale dans son ensemble.
Partant, faut-il considérer le Hezbollah comme une source de force ou de faiblesse pour le pays du Cèdre?
Pour l'écrivain et analyste politique spécialiste du Hezbollah Kassem Kassir, il est incontestable que «les capacités et le soutien populaire dont bénéficie le Hezbollah ne sont plus à prouver, même s’il doit faire face à des défis économiques et sociaux». Selon lui, « la défaillance de l'État a eu des répercussions négatives sur les performances du parti et lui fait endosser des responsabilités qu’il n’est pas en mesure d’assumer». Dans une interview à Ici Beyrouth, M. Kassir affirme qu'«aujourd’hui, le Hezbollah a tout intérêt à ce que l'État joue son rôle et non pas l'inverse, et qu'il plaide, par conséquent, pour la formation d’un gouvernement et un fonctionnement normal des institutions».
Pour l'illustre opposant chiite Ali al-Amine, il ne fait aucun doute que «l'État libanais s'affaiblit à mesure que le temps passe, alors que l'État parallèle que représente le Hezbollah gagne en force sur le plan local». «Or cette perception n'est pas partagée par les acteurs régionaux et internationaux qui ne voient pas le Hezbollah comme une puissance régionale montante, mais plutôt comme une puissance en perte de vitesse, compte tenu de l'affaiblissement des combats et des chances d'affrontements militaires dans la région», analyse-t-il.
Dans une interview accordée à Ici Beyrouth, M. Al-Amine juge que le Hezbollah est hostile à une consolidation de la souveraineté de l'État, qui lui ôterait un nombre important de leviers. Il considère toutefois que la formation pro-iranienne «ne peut pas non plus trop précipiter la désagrégation de l’État et de ses institutions ou contourner l’État, qui lui reste nécessaire». Le Hezbollah «trouve son intérêt, selon ses explications, dans un État faible et non pas en ruine».
L’analyste poursuit en rappelant que «depuis l’an 2000, avec le départ des Israéliens du Liban-Sud et surtout en 2006, après la guerre de juillet avec Israël, le Hezbollah a gagné en puissance alors que l’État libanais est en perdition». Cette équation a cependant atteint un stade critique et embarrassant aujourd’hui pour le parti. L’effondrement de l’État libanais n’affecte en rien les institutions propres au parti, mais frappe les Libanais de plein fouet, y compris la base du parti chiite. Cependant, les postulats sécuritaire et idéologique qui régissent la politique du Hezbollah et lui donnent sa raison d’être pourraient l’inciter à ne pas revoir son rôle et sa politique, mais plutôt à poursuivre la même ligne jusqu’au-boutiste, quitte à ce que celle-ci ait des répercussions dévastatrices sur le Liban.
Les positions récentes du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans le cadre du dossier de la délimitation des frontières maritimes ont constitué une étape centrale dans le conflit qui oppose la formation pro-iranienne à Israël depuis 2006, notamment après avoir menacé pour la première fois de déclencher une attaque contre l’État hébreu, sachant qu’au fil des ans, celle-ci a toujours tenu à mettre en avant le caractère défensif de son activité qui est en phase avec la «résistance» qu’elle prône. Ce qui confirme une fois de plus qu’elle cherche à étendre son rôle, qui a dépassé les frontières libanaises depuis des années, pour devenir le bras militaire de l'Iran dans la région et dans certains pays du monde.
Kassem Kassir considère dans ce contexte que «le Hezbollah fait le contrepoids avec Israël sur le plan militaire, ce qui renforce la position libanaise dans les négociations sur le dossier de la démarcation des frontières maritimes», tout en soulignant que «la puissance militaire ne suffit pas à elle seule et que les négociations restent nécessaires pour parvenir à des solutions». Ali al-Amine estime, quant à lui, que «le Hezbollah avait besoin de l'État lorsqu'il a décidé d’offrir des concessions à Israël, avec le renoncement à la ligne 29 comme point de départ des négociations. Mais, aussitôt après, le Hezbollah a repris les choses en main, pour annoncer, à sa manière, qu'il était l’unique décideur, retirant ainsi la marge de manœuvre qu'il avait octroyée auparavant à l'État».
Même s’il relève que «le problème entre Israël et le Liban n'a rien de nouveau », M. Al-Amine explique que la problématique qui se pose aujourd’hui nécessite la présence d’un État libanais souverain, apte à prendre les décisions nécessaires qui seraient soutenues par des efforts diplomatiques et des contacts arabes et internationaux». «Même si le volet militaire peut s'avérer utile dans tout processus de négociation ou de conflit, il reste que le recours à la force doit servir les intérêts du Liban. Or, c'est bien ce que la plupart des Libanais peinent à croire», note l’opposant en soulignant que «ces derniers voient la puissance militaire du Hezbollah comme un instrument d'intimidation dirigé contre eux». Pour eux, la formation de Hassan Nasrallah reste «une force instrumentalisée par l’Iran, d’autant qu’elle a été, durant la dernière décennie, une ramification des Gardiens de la révolution en Syrie, au Yémen et en Irak, sans que l'État libanais ait son mot à dire sur cette question cruciale».
Compte tenu de ce schéma, la plupart des forces internes et externes tentent de déterminer si le Hezbollah est désormais un fait accompli avec lequel le Liban doit composer, ou s’il est encore possible de l'affaiblir et de le juguler afin qu'il revienne dans le giron de l'État. Kassem Kassir estime, par exemple, que «le parti chiite étant une force populaire incontournable sur la scène politique libanaise, tout règlement interne nécessite une entente avec lui». En même temps, il juge nécessaire «un nouveau pacte national qui considèrerait les changements intervenus depuis 1990 jusqu'aujourd'hui». En revanche, pour Ali al-Amine, le parti est une «force qui dirige le Liban, contrôle sa politique étrangère, sécuritaire et militaire, et protège le système en place qui lui doit une loyauté politique». Il considère que «cette équation n’est plus viable tant que le Hezbollah n'est pas en mesure d'empêcher la déliquescence de l’État ou refuse de le faire puisque l’appauvrissement social et l’effondrement de la classe moyenne lui ont profité et lui ont permis d’assujettir les Libanais et de museler toute opposition». «Aujourd'hui, l’on se demande si l'État va pouvoir survivre, d'autant plus que l'effondrement s'accélère et qu'aucun effort réel n’est fourni pour freiner la chute libre dans laquelle le Liban est engagé», poursuit Ali al-Amine.
Il insiste sur le fait que «le redressement de l'État libanais reste tributaire d'un changement radical au niveau de l'establishment et de sa gestion des intérêts de l'État» et juge que «les Occidentaux et la communauté internationale ne semblent pas pressés d’aider le Liban à mettre en place une solution radicale tant que leurs intérêts au Liban sont épargnés et tant que la frontière israélo-libanaise est stable».
Ce faisant, le Hezbollah a une fois de plus contourné l'État et ses institutions, usant de son fameux slogan de «résistance», qui risque d’exposer le pays exsangue à une guerre dévastatrice, susceptible de conduire à la désintégration de l'entité libanaise et à son effondrement total.
Aujourd’hui, le peuple libanais reste divisé entre ceux qui voient dans le Hezbollah et son arsenal une force importante pour le Liban, exploitable dans le dossier de la délimitation des frontières maritimes, et ceux qui considèrent que la formation pro-iranienne sape l'État et l'affaiblit. Ces derniers le tiennent pour responsable de la dégradation de la situation locale et des malheurs qui frappent le pays, parce qu’il a soumis le Liban à l’axe iranien.
Le Hezbollah est également à blâmer pour avoir opposé le Liban aux pays arabes qui l'ont toujours soutenu et aidé à se redresser, ainsi qu’à la communauté internationale dans son ensemble.
Partant, faut-il considérer le Hezbollah comme une source de force ou de faiblesse pour le pays du Cèdre?
Pour l'écrivain et analyste politique spécialiste du Hezbollah Kassem Kassir, il est incontestable que «les capacités et le soutien populaire dont bénéficie le Hezbollah ne sont plus à prouver, même s’il doit faire face à des défis économiques et sociaux». Selon lui, « la défaillance de l'État a eu des répercussions négatives sur les performances du parti et lui fait endosser des responsabilités qu’il n’est pas en mesure d’assumer». Dans une interview à Ici Beyrouth, M. Kassir affirme qu'«aujourd’hui, le Hezbollah a tout intérêt à ce que l'État joue son rôle et non pas l'inverse, et qu'il plaide, par conséquent, pour la formation d’un gouvernement et un fonctionnement normal des institutions».
Pour l'illustre opposant chiite Ali al-Amine, il ne fait aucun doute que «l'État libanais s'affaiblit à mesure que le temps passe, alors que l'État parallèle que représente le Hezbollah gagne en force sur le plan local». «Or cette perception n'est pas partagée par les acteurs régionaux et internationaux qui ne voient pas le Hezbollah comme une puissance régionale montante, mais plutôt comme une puissance en perte de vitesse, compte tenu de l'affaiblissement des combats et des chances d'affrontements militaires dans la région», analyse-t-il.
Dans une interview accordée à Ici Beyrouth, M. Al-Amine juge que le Hezbollah est hostile à une consolidation de la souveraineté de l'État, qui lui ôterait un nombre important de leviers. Il considère toutefois que la formation pro-iranienne «ne peut pas non plus trop précipiter la désagrégation de l’État et de ses institutions ou contourner l’État, qui lui reste nécessaire». Le Hezbollah «trouve son intérêt, selon ses explications, dans un État faible et non pas en ruine».
L’analyste poursuit en rappelant que «depuis l’an 2000, avec le départ des Israéliens du Liban-Sud et surtout en 2006, après la guerre de juillet avec Israël, le Hezbollah a gagné en puissance alors que l’État libanais est en perdition». Cette équation a cependant atteint un stade critique et embarrassant aujourd’hui pour le parti. L’effondrement de l’État libanais n’affecte en rien les institutions propres au parti, mais frappe les Libanais de plein fouet, y compris la base du parti chiite. Cependant, les postulats sécuritaire et idéologique qui régissent la politique du Hezbollah et lui donnent sa raison d’être pourraient l’inciter à ne pas revoir son rôle et sa politique, mais plutôt à poursuivre la même ligne jusqu’au-boutiste, quitte à ce que celle-ci ait des répercussions dévastatrices sur le Liban.
Les positions récentes du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans le cadre du dossier de la délimitation des frontières maritimes ont constitué une étape centrale dans le conflit qui oppose la formation pro-iranienne à Israël depuis 2006, notamment après avoir menacé pour la première fois de déclencher une attaque contre l’État hébreu, sachant qu’au fil des ans, celle-ci a toujours tenu à mettre en avant le caractère défensif de son activité qui est en phase avec la «résistance» qu’elle prône. Ce qui confirme une fois de plus qu’elle cherche à étendre son rôle, qui a dépassé les frontières libanaises depuis des années, pour devenir le bras militaire de l'Iran dans la région et dans certains pays du monde.
Kassem Kassir considère dans ce contexte que «le Hezbollah fait le contrepoids avec Israël sur le plan militaire, ce qui renforce la position libanaise dans les négociations sur le dossier de la démarcation des frontières maritimes», tout en soulignant que «la puissance militaire ne suffit pas à elle seule et que les négociations restent nécessaires pour parvenir à des solutions». Ali al-Amine estime, quant à lui, que «le Hezbollah avait besoin de l'État lorsqu'il a décidé d’offrir des concessions à Israël, avec le renoncement à la ligne 29 comme point de départ des négociations. Mais, aussitôt après, le Hezbollah a repris les choses en main, pour annoncer, à sa manière, qu'il était l’unique décideur, retirant ainsi la marge de manœuvre qu'il avait octroyée auparavant à l'État».
Même s’il relève que «le problème entre Israël et le Liban n'a rien de nouveau », M. Al-Amine explique que la problématique qui se pose aujourd’hui nécessite la présence d’un État libanais souverain, apte à prendre les décisions nécessaires qui seraient soutenues par des efforts diplomatiques et des contacts arabes et internationaux». «Même si le volet militaire peut s'avérer utile dans tout processus de négociation ou de conflit, il reste que le recours à la force doit servir les intérêts du Liban. Or, c'est bien ce que la plupart des Libanais peinent à croire», note l’opposant en soulignant que «ces derniers voient la puissance militaire du Hezbollah comme un instrument d'intimidation dirigé contre eux». Pour eux, la formation de Hassan Nasrallah reste «une force instrumentalisée par l’Iran, d’autant qu’elle a été, durant la dernière décennie, une ramification des Gardiens de la révolution en Syrie, au Yémen et en Irak, sans que l'État libanais ait son mot à dire sur cette question cruciale».
Compte tenu de ce schéma, la plupart des forces internes et externes tentent de déterminer si le Hezbollah est désormais un fait accompli avec lequel le Liban doit composer, ou s’il est encore possible de l'affaiblir et de le juguler afin qu'il revienne dans le giron de l'État. Kassem Kassir estime, par exemple, que «le parti chiite étant une force populaire incontournable sur la scène politique libanaise, tout règlement interne nécessite une entente avec lui». En même temps, il juge nécessaire «un nouveau pacte national qui considèrerait les changements intervenus depuis 1990 jusqu'aujourd'hui». En revanche, pour Ali al-Amine, le parti est une «force qui dirige le Liban, contrôle sa politique étrangère, sécuritaire et militaire, et protège le système en place qui lui doit une loyauté politique». Il considère que «cette équation n’est plus viable tant que le Hezbollah n'est pas en mesure d'empêcher la déliquescence de l’État ou refuse de le faire puisque l’appauvrissement social et l’effondrement de la classe moyenne lui ont profité et lui ont permis d’assujettir les Libanais et de museler toute opposition». «Aujourd'hui, l’on se demande si l'État va pouvoir survivre, d'autant plus que l'effondrement s'accélère et qu'aucun effort réel n’est fourni pour freiner la chute libre dans laquelle le Liban est engagé», poursuit Ali al-Amine.
Il insiste sur le fait que «le redressement de l'État libanais reste tributaire d'un changement radical au niveau de l'establishment et de sa gestion des intérêts de l'État» et juge que «les Occidentaux et la communauté internationale ne semblent pas pressés d’aider le Liban à mettre en place une solution radicale tant que leurs intérêts au Liban sont épargnés et tant que la frontière israélo-libanaise est stable».
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